Aide humanitaire : les coupes dans l’aide américaine impactent la
lutte contre la tuberculose
“Une situation chaotique” : l’arrêt de l’aide américaine aux
programmes de lutte contre la tuberculose va faire bondir le nombre de
cas et de décès dans le monde, avertissent des travailleurs
humanitaires, l’un parlant de premières victimes par manque de
traitements en République démocratique du Congo.
LE 11 MAR. 2025 À 16H02 (TU) Par TV5MONDE AFP
Longtemps, les Etats-Unis ont été les principaux financeurs de la
lutte mondiale contre la tuberculose, redevenue la maladie infectieuse
la plus mortelle après avoir été brièvement dépassée par le Covid-19.
Mais le président Donald Trump a gelé l’aide étrangère américaine
après son retour à la Maison Blanche en janvier, interrompant
brutalement le fonctionnement de nombreux programmes contre la
tuberculose mais aussi contre le VIH ou la malaria.
Le secrétaire d’Etat américain Marco Rubio a annoncé lundi que 83% des
programmes de l’agence de développement USAID, qui représentent une
part conséquente de l’aide humanitaire mondiale, allaient être
supprimés.
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Le gel des versements aux programmes anti-tuberculose met en danger
des “millions de vie”, a averti le 5 mars l’Organisation mondiale de
la santé, soulignant que les efforts mondiaux contre cette maladie
infectieuse avaient sauvé 3,65 millions de vies rien qu’en 2024.
D’ores et déjà, les coupes se répercutent fortement dans plusieurs
pays, selon des organisations sur le terrain.
En République démocratique du Congo, beaucoup de travailleurs
humanitaires en première ligne ont dû arrêter d’aider des malades de
la tuberculose, a raconté Maxime Lunga, à la tête d’un groupe local
appelé Club des Amis.
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à l’étranger de l’agence USAID
Avant même le gel états-unien, il manquait des traitements
anti-tuberculeux dans ce pays, également confronté à des flambées de
mpox.
“Il y a une situation chaotique qui commence à faire peur ici”, a
confié Maxime Lunga, lui-même survivant de la tuberculose.
Il y a “beaucoup de coups de fil des malades qui nous demandent
comment les aider à accéder aux soins”, a-t-il raconté, et “nous
savons que, parmi les malades sur liste d’attente, il y en a qui
meurent maintenant parce qu’ils ne sont pas pris en charge.”
“Effet boule de neige”
En Ukraine, autre pays dévasté par la guerre où les niveaux de
tuberculose sont élevés, un programme venait de démarrer dans les
écoles pour informer sur les dangers de cette maladie lorsque les
États-Unis ont décidé d’arrêter les frais.
“Cet argent a été dépensé en vain”, a déploré Olya Klymenko, dont
l’organisation TB People Ukraine avait passé deux ans à préparer ce
dispositif.
Sa crainte est que l’arrêt de l’aide américaine n’annule les progrès
réalisés depuis qu’elle a surmonté la tuberculose, il y a dix ans.
“Moi qui ai commencé à être traitée avec d’anciennes approches, je
sais ce que nous avons perdu”, a-t-elle déclaré. “Les gens vont
beaucoup souffrir”.
Les organisations de Maxima Lunga et d’Olga Klymenko ont toutes deux
reçu des fonds américains via le partenariat “Stop TB”.
Après une lettre du gouvernement américain sur l’arrêt du financement,
fin février, cette organisation à but non lucratif basée à Genève a
transmis la nouvelle aux 150 organisations de terrain testant,
traitant et soignant les patients.
Rebondissement la semaine dernière: une nouvelle lettre “indique
clairement que tout le travail doit reprendre comme prévu”, a déclaré
Lucica Ditiu, directrice exécutive de Stop TB. On ignore encore si
cette décision est durable, ni quand de nouveaux fonds américains
seront effectivement débloqués, a-t-elle poursuivi.
Faute de tests et de traitements de cette maladie aéroportée, il y a
un risque d’“effet boule de neige” mondial, selon cette experte.
Il existe déjà des tuberculoses résistantes à la plupart des
médicaments, et la crainte est désormais de voir apparaître un microbe
imperméable à tout traitement “qui se propagerait dans l’air, et que
nous pourrions attraper, vous et moi, nos familles et nos amis”,
a-t-elle averti.
Les réductions de financement sont particulièrement “dévastatrices”
après 2024, “meilleure année” contre la tuberculose, a noté Mme Ditiu.
Selon une note interne à l’USAID, rédigée par un administrateur
adjoint démis de ses fonctions depuis, la réduction de l’aide
étasunienne ferait bondir d’environ 30% les cas de tuberculose, y
compris ceux résistants aux antibiotiques.
“Les États-Unis verront davantage de cas de tuberculoses difficiles à
traiter à leur porte”, alertait ce document publié dans le New York
Times début mars.
La situation est “très dangereuse, même pour l’Union européenne”, a
jugé une source humanitaire à Genève sous couvert d’anonymat, vu le
risque lié aux tuberculoses antibiorésistantes en Ukraine et en
Géorgie.