[e-med] (2)Production de MEG en Afrique : obstacles et enjeux

Bonjour Mr Capart,

1) partie "perso"
Peut-être vous en souvenez vous, je suis un pharmacien qui vous avais
contacté en 2005 sur la faisabilité d' une micro-usine de médicaments à
Madagascar et à qui, en toute transparence, vous aviez transmis quelques
exemples de projets avec vos encouragements. Sans le savoir vous êtes le
catalyseur de ma réorientation professionnelle; en effet, depuis (j'ai 54
ans maintenant), je tente d'obtenir sur les bancs du CNAM mon diplôme
d'ingénieur en génie des procédés (en plus de celui de pharmacien) pour
mieux maîtriser tout le back-office de la compression.

Ardennais d'origine, la mise en faillite de Propharex m'a beaucoup touché.
Je suis sensible à votre ressentiment car quelques approches à Madagascar
(avant la chute de Ravalomanana) au ministère de la Santé m'ont fait toucher
du doigt ce que la corruption pourrait avoir de dévastateur dans un projet
de santé publique... (ceci étant, santé publique ne veut pas dire
déficitaire)

2) partie concept

"et pourtant elle tourne..."

Votre concept est le seul à être autant "intégrateur" dans les chaînes de
valeurs de la production en mutualisant l'achat des machines et des
structures.

J'ai, depuis, réfléchis aux améliorations possibles et je pense qu'elles
pourraient être de 2 ordres:

En amont,
- La création d'une "centrale d'achat des intrants" (contrôle et
pré-qualification des fournisseurs notamment).
- La création d'une "banque" pour les CTD des génériques de la liste des
médicaments essentiels du pays concerné mais beaucoup plus ouvert que celui
d' un labo (que je ne citerais pas) pour ses antirétroviraux:
l'ouverture du making-of ne sert à rien devant les limitations du labo.

En aval,
- Anticipation de la pré-qualification pour répondre aux appels d'offres des
centrales d'achat de MEG telle que la Salama pour Mada.
L'objectif serait de ne pas ré-inventer l'eau chaude à chaque fois et de
maximiser les bénéfices du "copier-coller" pour monter en gamme le plus vite
possible car je pense qu'il faut voir ces micro-usines comme des succursales
d' une sorte de "supermarché" du MEG.

Pour prendre l'exemple de Mada, les ruptures d'approvisionnement
(/importations qui concernent presque 100% des médicaments dont 90% de
génériques soit directement soit en vrac et reconditionnés) sont de 2 à 3
mois et elles suffiraient à elles seules à faire marcher les presses à plein
régime. J'ai fais suivre à Mr Thisse, à sa demande, un résumé que je trouve
très parlant de l'augmentation des importations sur quelques années et
probablement de la chute (disparition?) de la production locale et de la
baisse inexorable de l'Ar (monnaie malgache) suite aux "évènements" et donc
de la place, selon moi, pour une production locale compétitive et de
qualité.

Enfin je me permet de développer le sujet des antipaludéens puisque vous
l'abordez (je n'ai pas oublié le TRIMALAREX, votre cp tri-couche
orodispersible et sécable: que de temps perdu...) mais je pense à un exemple
de disponibilité d' API disponible en local à Madagascar, celle de de
l'artémisine :

Bionexx est une jeune societe malgache creee en 2005. Elle a demarre une
activite? de culture et de purification de l'Artemisia Annua (AA), plante de
laquelle est extrait un principe actif, comme vous le savez, permettant de
lutter contre le paludisme. Elle entre ainsi dans la composition d'une
nouvelle generation de medicaments contre le paludisme, qui presente une
alternative efficace aux monotherapies traditionnelles qui ne parviennent
plus a venir a bout du parasite. Ce projet s'accompagne d'un vaste projet de
petit paysannat, puisque l'entreprise achete l'AA a 6000 paysans
(Antananarivo, Antsirabe, Fianarantsoa et à Toliara), qui la cultivent pour
la societe.

C'est pour les retombees sociales et environnementales evidentes de ce
projet, que l'AFD a choisi de soutenir le developpement de cette entreprise,
en apportant une garantie bancaire par l'intermediaire du fonds ARIZ. Un
partenariat entre Bionexx et INDENA (leader mondial de l'extraction des
principes actifs a partir de vegetaux) a ete signe; Cette entreprise
malgache dispose donc d'un acces privilegie a SANOFI, NOVARTIS et CIPLA
(toujours dans les bons coups) qui recherchent des producteurs
d'artemisinine et qui ont mis une option sur 4 ans de production. Les
feuilles sèches sont achetés 750 Ariary/kg (1 kg donne 5 à 10g
d'artémisinine) .

La Fondation Clinton donne, dans une publication« liste des prix des
thérapies associées à base d'artémisinine (ACT ou Artemesinine Combinaison
Therapy), le prix pour un pack de de 2x12 comprimés (en co-blister -moins
bien que le vôtre car coblisterisé et non sécable-) avec 50mg
d'artésunate+153,1mg d'amodiaquine (combinaison recommandée par l'OMS); par
comprimé cela donne de 0,78$. En reprenant les prix des API sur le marché
mondial on trouve 0,25$ pour le coût des API, c'est à dire un facteur 3 pour
amortir le façonnage (excipients, machine, personnel et marge):
Je suis persuadé que la micro usine aurait pu répondre à l appel d'offre
d'une fondation qui ne gaspille pas ses dollars!

Un achat local d'artésunate réduirait encore les coûts : on voit tout
l'intérêt de maitriser au mieux l'accès aux API (centrale d'achat); De plus,
c'est un comble de voir une API purifié localement MAIS façonnée (valeur
ajoutée) ailleurs avant d'être réimportée... quelle ironie!

Même si je devine votre désenchantement -le mien n'est pas loin sur la
gestion de l'accessibilité aux MEG PAR L'OMS et les ONG (c'est leur fond de
commerce!)- votre concept est le seul qui vaille pour marcher vers
l'indépendance pharmaceutique et la qualité, qui n'est pas un obstacle au
développement, bien au contraire.

Bon courage et cordialement,
      
Jean Jacquemart
jean.jacquemart@free.fr

PS : Je tiens à vôtre disposition ma biblio que j'ai "commis" sur ce
sujet de la faisabilité en tant qu'élève ingénieur (j' y cite Propharex
pour le coté technique à l'aide des documents que vous m'aviez transmis
à l'époque).