Linguère : la fraude tue les pharmacies vétérinaires dans le Ferlo
Wal Fadjri (Dakar)
12 Octobre 2004
Publié sur le web le 12 Octobre 2004
Momar Talla BEYE
La marchandise frauduleuse saisie mardi dernier par la brigade de
gendarmerie de Dahra était, à première vue, composée de coupons de bazin, de
couvertures en laine... Mais sous ces produits se trouvait dissimulée une
importante quantité de produits pharmaceutiques destinés au bétail. La prise
des gendarmes est estimée à 8 millions de francs Cfa.
La piste de production reliant le village de Mbeuleuké à la ville de Dahra
Djoloff est souvent empruntée par les contrebandiers. Et leur marchandise
frauduleuse atterrit toujours sur le marché hebdomadaire du dimanche de
Dahra qui leur sert de point de chute. Mais, mardi dernier, les gendarmes de
la brigade de Dahra ont eu la bonne idée de dresser un check point à
quelques kilomètres de Dahra sur cette piste. Et au cours d'un contrôle
portant sur les bagages transportés, ils ont mis la main sur cinq fraudeurs
qui détenaient diverses marchandises provenant de la Mauritanie.
La marchandise frauduleuse était, à première vue, composée de coupons de
bazin, de couvertures en laine... Mais elle cachait une importante quantité
de produits pharmaceutiques destinés au bétail. Ces produits sont composés
pour l'essentiel d'Ivermectine 50 ml, du Butovax 100 ml, d'Oxylébracyline,
de seringues à cuiseur 20 ml et beaucoup d'autres produits.
Cette prise est estimée à environ 8 millions de francs Cfa. Et elle a été
appréciée à sa juste valeur par les professionnels de l'élevage à Linguère.
Mais, pour la plupart d'entre eux, ce n'est là qu'une goutte d'eau dans
cette mer qu'est le phénomène de la fraude de produits vétérinaires dans la
zone sylvopastorale où la principale activité demeure l'élevage. Selon
Idrissa Sarr, un docteur vétérinaire qui tient une pharmacie à Dahra, "le
principal problème des professionnels de l'élevage à Linguère se situe au
niveau des profanes qui veulent se substituer à eux. Ils prescrivent des
médicaments, soignent dans la brousse et les éleveurs ne se soucient jamais
de la qualité des produits mais uniquement de leur coût moins cher".
Depuis que l'Etat a décidé de donner un mandat sanitaire aux professionnels
privés, ces derniers se sont implantés à Linguère et à Dahra et investissent
régulièrement la brousse. Certains d'entre eux y déversent des produits
frauduleux. Et, selon le Dr Ousseynou Diouf, toutes les entreprises de
sensibilisation menées vers leur direction sont restées vaines. Cela est dû
au fait que le prix appliqué sur les médicaments frauduleux sont très bas.
"L'Ivomec qui est le produit le plus utilisé dans la zone, coûte normalement
17 000 F pour le flacon de 50 ml alors qu'au détour d'un louma ou sur les
marchés de Touba, ce même flacon coûte 1 200 F. Rien que le flacon vide est
frabriqué à 500 F. L'éleveur doit donc savoir que cette eau qu'on lui vend à
700 F, ne doit être d'aucune utilité pour le bétail", estime le Dr Ousseynou
Diouf.
Mais le plus grave pour les consommateurs, c'est que pour toute bête
traitée, il y a un délai d'attente à respecter. Or avec les abattages
incontrôlés de bêtes dans le département, la consommation de viande
contaminée par les produits déparisitants comme l'Ivomec peut s'avérer
mortelle. C'est pourquoi une formation intense est nécessaire en direction
des éleveurs.