E-MED: Des m�dicaments n�glig�s � d�velopper : les cortic�des...
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[Mod�rateur: petite lecture �diffiante pour le weekend... sur un bon vieux
m�dicament essentiel.CB]
R�animation : Les sp�cialistes estiment que l'usage des cortico�des est
aussi efficace et 200 fois moins co�teux
L'int�r�t d'un nouveau m�dicament contre le choc infectieux contest�
A coups de dollars, le g�ant pharmaceutique am�ricain Eli Lilly a r�ussi �
promouvoir dans les congr�s et aupr�s des autorit�s sanitaires, son
m�dicament luttant contre le choc septique, le Xigris. Ce m�dicament co�te 6
800 dollars par malade, et ne serait pas plus efficace que de vieux
cortico�des qui eux ne co�tent que 50 � le traitement. Des r�animateurs
fran�ais et am�ricains accusent � mots couverts la firme d'Indianapolis
d'avoir fait un lobbying aux limites de la l�galit� pour faire passer cette
am�re pilule !
Jean-Michel Bader
[05 mars 2004]
Le Figaro
http://www.lefigaro.fr/sciences/20040305.FIG0305.html
Les r�animateurs europ�ens et am�ricains sont depuis des mois soumis � un
marketing offensif d'Eli Lilly qui veut � toute force vendre son m�dicament
contre les infections graves, le Xigris. Un certain nombre d'entre eux
mettent en cause le rapport co�t-b�n�fice de cette mol�cule. L'affaire est
apparue au grand jour en mai 2002, gr�ce � un article du Wall Street
Journal. Intitul� �Pourquoi des m�dicaments pas chers, utiles dans le choc
septique, sont sous-utilis�s�, c'est le r�cit du combat qu'a men� pendant 15
ans le docteur Umberto Meduri, r�animateur d'un h�pital du Connecticut,
contre le choc septique. Cette affection grave qui touche des sujets jeunes
est la cons�quence d'une infection massive qui se complique d'une
d�faillance globale de l'organisme, avec �tat de choc circulatoire, poumon
de choc, insuffisance r�nale aigu� anurique, coma. En dehors des traitements
symptomatiques, et de l'antibioth�rapie, aucune th�rapeutique n'avait
jusqu'ici fait la preuve de son efficacit�.
Le choc septique tue chaque ann�e 215 000 Am�ricains, en France il touche
125 000 patients de r�animation (avec une mortalit� proche de 50%). En 1998,
Eli Lilly a commenc� � faire publier par ses experts (dont le professeur
Gordon Bernard, un r�animateur de la Vanderbilt University) les �tudes
cliniques de son nouveau m�dicament antichoc septique, le Xigris. Cette
mol�cule qui intervient dans la cascade de l'inflammation a co�t� des
centaines de millions de dollars en recherche et promotion. La firme
am�ricaine est �galement � l'origine d'une campagne de m�diatisation
baptis�e �Surviving Sepsis Campaign� et lanc�e en octobre 2002 � Barcelone
lors du congr�s de la soci�t� europ�enne de m�decines de soins intensifs :
cette campagne est destin�e � appeler les pouvoirs publics, les m�decins,
les agences sanitaires et le public � agir contre le sepsis. En recommandant
l'usage du Xigris.
Enfin, Lilly a d�pens� 1,8 million de dollars pour financer un projet
intitul� �Values, Ethics and rationing in critical care task force� qui va
faire r�fl�chir des bio�thiciens et des m�decins universitaires sur le
rationnement de certains m�dicaments (comme le Xigris). Il faut dire qu'� 6
800 $ le traitement, le Xigris n'est pas vraiment devenu le �blockbuster�
capable de remplacer le Prozac tomb� dans le domaine public. Del� � faire
pression pour que les r�animateurs se persuadent qu'il n'est pas �thique de
ne pas utiliser leur m�dicament, il n'y a qu'un pas.
Loin de cette agitation, un r�animateur am�ricain, Umberto Meduri, avait
observ� chez une jeune m�re de famille de Memphis, Mme Carel, victime de
choc septique, une gu�rison cons�cutive � l'utilisation de faibles doses de
cortico�des pendant quatre semaines.
Depuis, il a r�uni de petites cohortes de malades recevant des doses
�fil�es� de cortisone. Or, dans les ann�es 80, les m�decins qui avaient
essay� de fortes doses de cortico�des pendant 24 heures n'avaient obtenu
aucun r�sultat tangible : en 1987 cette voie de recherche avait �t�
compl�tement abandonn�e. Le travail du docteur Meduri a pourtant �t�
r�cemment confort� par une �tude coordonn�e dans 19 centres fran�ais par le
docteur Djillali Annane (h�pital Henri-Mondor, Cr�teil) et publi�e en avril
2001 dans le Journal of the American Medical Association : des doses de
cortico�des pr�s de 100 fois inf�rieures � celles utilis�es auparavant, par
voie intraveineuse, et pendant des jours voire des semaines, diminuent la
mortalit� par choc septique de 29%.
Seulement voil� : les cortico�des sont tomb�s depuis des ann�es dans le
domaine public. Ils ne sont pas chers, et c'est l� le probl�me : aucune
firme n'a int�r�t � financer les tr�s lourdes �tudes cliniques que r�clament
les autorit�s sanitaires pour se convaincre de l'int�r�t de ces m�dicaments
dans le choc septique.
C'est un cercle vicieux : personne ne finance les �tudes de grande taille,
donc seules de petites �tudes sont disponibles. Or les praticiens de
r�animation exigent pour �tre convaincus de voir des m�ga-essais cliniques
avec des centaines de malades. Les industriels touchent alors le jackpot :
en un trimestre de mise sur le march� am�ricain, Xigris avait permis � Lilly
de gagner 43 millions de dollars. Non seulement Eli Lilly �paye 250
r�animateurs pour parler du Xigris � leurs coll�gues, entre 1 000 et 1 500
dollars la conf�rence�, si l'on en croit le Wall Street Journal, mais la
publication expresse de leur �tude du Xigris et le retard oppos� � celle de
la concurrence ne seraient pas tout � fait une co�ncidence.
Le docteur Djillali Annane se dit victime avec son �tude d'une forme de
lobbying indirect organis� : en effet, il avait soumis au New England
Journal of Medicine le r�sultat de ses travaux en janvier 2001, pratiquement
en m�me temps que l'�tude pivot am�ricaine sur le Xigris. Celle-ci, qui
montre une r�duction de la mortalit� de 6% dans les cas les plus graves, a
�t� publi�e le 8 f�vrier 2001, mais le 10 avril les Fran�ais n'avaient
toujours pas de nouvelles du comit� de lecture. Le New England pr�tendait
alors avoir du mal � trouver des relecteurs.
Par deux fois le 18 mai 2001, puis le 19 octobre, l'�tude sur les
cortico�des a �t� recal�e par cette revue sous des pr�textes jug�s
fallacieux par ce r�animateur de l'h�pital Raymond-Poincar� de Garches. �Ils
nous ont �crit qu'un nombre important de nos patients avaient une
insuffisance surr�nale et donc qu'il n'�tait pas �thique de les avoir inclus
dans une �tude contr�l�e versus placebo. En d'autres termes, ces patients
auraient d� tous �tre trait�s par cortico�des. Cette affirmation �tait
fausse et nous avons recueilli le t�moignage d'une dizaine d'experts
am�ricains et europ�ens confirmant le non-fond� de cet argument dans l'�tat
actuel des connaissances sur cette maladie.�
Sans parler des critiques sur la puissance de l'�tude, �� ce stade on avait
d�j� perdu un an, et le Xigris avait largement eu le temps de se d�velopper
! Finalement, nous avons compris qu'il �tait difficile de poursuivre devant
cette impression de mauvaise foi...� L'article du docteur Annane soumis au
JAMA sera relu en trois semaines et accept� en un mois et demi.
A posteriori le docteur Annane a �t� contact� par la Food and Drug
Administration qui avait autoris� le Xigris. �Ce comit� connaissait les
r�sultats de notre �tude, mais comme celle-ci n'�tait pas publi�e, il ne
pouvait pas s'en servir �officiellement�. Le vote de ce comit� a �t� 10 voix
pour et 10 voix contre. Si notre �tude avait �t� publi�e, ce n'est pas s�r
que le Xigris ait �t� agr�� par la FDA�, conclut le docteur Annane. Selon
certains r�animateurs cependant, le Xigris pourrait �tre b�n�fique dans les
chocs septiques les plus graves. On manque malheureusement d'une �tude
comparant le Xigris aux cortico�des pour �tayer cela.
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