A propos de la Conférence Internationale de lACAME à Ouagadougou
La conférence internationale organisée par lACAME (Association des
Centrales dAchat de Médicaments Essentiels) regroupant les centrales
dachat de 19 pays dAfrique Francophone a été riche denseignements à
plusieurs titres.
1- la Conférence de lACAME a permis tout dabord de montrer quun organisme
fédérateur africain était capable de se remettre en cause et danalyser ses
problèmes.
Face aux préoccupations provoquées par la mise à lécart de la plupart des
centrales dachats pour lapprovisionnement des programmes de lutte contre
les 3 maladies prioritaires, Sida, Tuberculose, Paludisme, la Conférence de
Ouagadougou a proposé de se réunir avec les principaux bailleurs de fonds
afin dexaminer sereinement les motifs de cette mise à lécart.
Constatant des disparités entre ces Centrales dAchats, lACAME propose de
mettre en place et respecter une charte recensant lensemble des principes
communs vers lesquels doit tendre chaque centrale et incite chacune à
réfléchir autour de 4 points principaux :
- Statuts des Centrales dAchat permettant une plus large autonomie
de gestion, une meilleure représentativité incluant aussi bien les bailleurs
de fonds que les bénéficiaires et offrant ainsi plus de transparence et de
visibilité
- Procédures harmonisées dapprovisionnement permettant des achats
globalisés diminuant du même coup les prix et évitant un système
dapprovisionnement parallèle
- Implication des Centrales dAchat dans les différents programmes
verticaux et/ou internationaux pour les ce qui concerne les aspects
pharmaceutiques : sélection, quantification, acquisition, distribution et
usage rationnel
- Renforcement des capacités propres en procédant à des évaluations
de chaque centrale afin didentifier les problèmes et les insuffisances
constatés.
Pour nous pharmaciens et autres acteurs de santé impliqués dans des actions
de développement, tout volet pharmaceutique des programmes, quils soient
financés au niveau national ou par des contributions internationales, doit
être établi, mis en place et exécuté par ces Centrales dAchat et les
instances nationales spécialisées.
Nous proposons :
De soutenir les centrales dachat dans leurs démarches et de développer un
plaidoyer afin dobtenir les financements nécessaires auprès des bailleurs
de fonds.
2- La conférence de lACAME a permis ensuite de constater labsence de
coordination entre les différents programmes daide des bailleurs de fonds.
Cette anarchie où chacun tente dimposer ses méthodes, sans aucune
évaluation fiable ni souvent sans concertation sur le terrain et/ou sans
formation et information à la base, risque de déstabiliser les systèmes
existants. La question de la performance en matière dimpact en santé
publique des activités des Centrales dachat ne peut pas être résolue par
des actions isolées.
Sans vouloir ou pouvoir les citer tous, la noria dorganismes impliqués dans
ces programmes laisse songeur:
- au niveau international : Fonds mondial, OMS, ONUSIDA, GDF,
UNICEF, PNUD, UNFPA, etc.
- au niveau régional : OOAS, PRSAO, UEMOA, etc. .
- au niveau des coopérations décentralisées et des différents
programmes étatiques : PEPFAR,
- au niveau des fondations, Fondation Clinton, Fondation Gates, etc.
pour les USA
- au niveau français : Coopération française, AFD, Ministère de la
santé, ESTHER, etc.
- sans parler des programmes de lUE ou des nouveaux dispositifs
tels que UNITAID..
Comment nos confrères dirigeants de structures de santé peuvent-ils sen
sortir sans un minimum de coordination au moins en ce qui concerne les
problèmes pharmaceutiques et les questions de personnel et de leur
rémunération ?
Déjà, sur le terrain, des surstocks de médicaments, des médicaments périmés
vont devoir être détruits ! (les exemples sont nombreux)
Nous proposons :
- quune coordination soit mise en place dans chaque pays,
- que des procédures soient mises en place conjointement avec les
bénéficiaires et les principaux acteurs de terrain.
- que soit respectées des procédures pharmaceutiques internationales
et nationales (et pas seulement en incluant des pharmaciens au coup par
coup)
- quau niveau français, une revue coordonnée de notre dispositif soit
organisée : initiatrice, avec lOMS et lUnion Européenne, des centrales
dachat de médicaments essentiels qui sont un point dappui majeur des
systèmes de santé des PED, la France ne peut plus se permettre de saupoudrer
son aide. Le soutien financier apporté par la France dans le multilatéral
doit saccompagner dune aide technique appuyée au niveau bilatéral. Les
actions peuvent débuter dès à présent avec UNITAID : organisons les actions
sur le terrain avec les mêmes moyens et les mêmes objectifs de performance
que ceux qui ont présidé à lorganisation dun mécanisme financier si
innovant.
3- La Conférence de lACAME a permis enfin de constater que lapproche
macro-économique prônée dans les instances internationales (par exemple,
lors du calcul des montants de lAide Publique au Développement) nest pas
relayée par ces mêmes instances au niveau des systèmes économiques
nationaux.
Labsence de stratégie au niveau de la fixation des prix des médicaments
(gratuité pour les uns, prise en charge partielle des coûts pour les autres,
prix basés sur des dépenses réelles dans certains pays, etc..) va
déstabiliser le système de distribution pharmaceutique, et au final réduira
laccès aux traitements quand les pharmaciens privés et les structures de
santé qui pratiquent le recouvrement des coûts, ne pourront plus être
viables.
Le paludisme concerne 40% des consultations. Larrivée des ACT par des
achats extérieurs risque damputer le chiffre daffaire des opérateurs des
systèmes de santé, tant publics que privés et ainsi mettre en danger
lensemble du système dapprovisionnement et daccès au médicament.
A-t-on calculé les pertes de recettes des Etats en matière de droits et de
TVA, au moment même où léquilibre des budgets nationaux est considéré comme
un facteur-clef du développement et alors que la stratégie internationale
consiste à négocier des plans de remise de dettes publiques pour relancer le
développement économique ?
Nous proposons
- quune véritable réflexion soit mise en place entre public et
privé afin détablir le mode de distribution de ces médicaments en intégrant
les coûts de stockage, de distribution, et en valorisant de rôle de conseil
des professionnels du médicament,
- que soit développée la valorisation des personnels et leur
professionnalisation, par exemple avec une formation coordonnée au niveau
des ministères (santé, affaires sociales, éducation nationale et fonction
publique), au niveau régional (formation des cadres de santé) et au niveau
des centres de santé les plus périphériques,
- que linformation du grand public soit renforcée pour une
meilleure participation de la société civile aux actions concernant leur
propre santé.
Nous pharmaciens et acteurs de santé impliqués dans des politiques de santé
des PED déclarons être prêts à relever le défi.
Aucune politique de santé, pharmaceutique en particulier, ne peut être menée
sans les opérateurs de terrain et sans tenir compte des populations, de la
société civile et des acteurs nationaux des pays bénéficiaires.
Merci à ceux qui partagent cette analyse de bien vouloir signer cette
lettre destinée à lensemble des bailleurs de fond
Alassane Ba, pharmacien, Hélène Degui, pharmacien, Jean-Louis Machuron,
pharmacien, Jean-Loup Rey, médecin de santé publique
Hélène DEGUI, hdeguifr@yahoo.fr
tel : 06 62 40 29 84