OUGANDA: Plus de distribution de préservatifs féminins, trop « bruyants »
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Selon les autorités ougandaises, le préservatif féminin n'obtient pas de
succès auprès des femmes
KAMPALA, 14 juin 2007 (PlusNews) - Les activistes de la lutte contre le sida
en Ouganda ont dénoncé la décision du gouvernement darrêter
dapprovisionner la population en préservatifs féminins, un choix quils ont
estimé dangereux et mal informé.
Le ministère ougandais de la Santé a annoncé la semaine dernière quil ne
fournirait plus de préservatifs féminins à cause du peu de succès que ces
derniers avaient obtenu auprès des femmes, qui les trouvent difficiles à
utiliser.
« Nous avons arrêté de les fournir parce que les femmes qui sont sensées les
utiliser se sont plaintes quils nétaient pas pratiques», a dit à
IRIN/PlusNews James Kigozi, porte parole de la Commission ougandaise de
lutte contre le sida. « Plusieurs de celles qui les ont utilisés se
plaignent quils font beaucoup de bruit durant les rapports sexuels ».
Beatrice Were, coordinatrice pour lONG ActionAid qui lutte contre la
pauvreté, a qualifié cette initiative gouvernementale de « décevante »,
estimant que les autorités navaient pas fait en sorte de sassurer que
toutes les femmes ougandaises soient au courant des avantages du préservatif
féminin.
« Je serais intéressée de savoir combien de femmes sur le total interrogé
ont dit que le préservatif était bruyant ou difficile à utiliser », a-t-elle
dit. « Une ardente militante pour les droits de la femme que jai rencontrée
récemment à une conférence ma confié quelle nen avait jamais vu, alors
imaginez une habitante rurale ! Comment peuvent-ils arrêter de les
distribuer alors que les gens ne savent même pas à quoi ils ressemblent ? »
Le préservatif féminin est une gaine en polyuréthanne de 16,5 cm de long qui
sinsert dans le vagin dune femme avant le rapport sexuel ; il recouvre le
vagin et supprime le risque de grossesse et dinfection sexuellement
transmissible.
M. Kigozi a affirmé que des centaines de milliers de ces préservatifs
avaient été importés entre 2002 et 2004, mais que peu de femmes les avaient
utilisées.
« Même le peu qui ont essayé de les utiliser ont dit que linsertion était
douloureuse et quils étaient désagréables pendant le rapport », a-t-il dit.
La plupart des femmes nont pas leur mot à dire en ce qui concerne la
contraception, a-t-il rappelé.
« Les études montrent quune des raisons de limpopularité des préservatifs
féminins est le manque de pouvoir des femmes dans la société, les maris et
les petits amis les forcent à les enlever après quelles les ont insérés »,
a-t-il dit. « Une femme est loin davoir le pouvoir et le courage de dire,
je dois lutiliser ».
Mme Were a cependant souligné que les femmes ougandaises nétaient pas un
groupe homogène, et que les normes étaient variables.
Certaines femmes nont peut-être pas le pouvoir dexiger que les risques
soient limités ou alors trouvent le préservatif bruyant, mais dautres
peuvent le trouver tout à fait acceptable, une décision globale darrêter la
distribution nationale était donc injuste.
Une efficacité scientifiquement prouvée
Les militants anti-sida considèrent que les initiatives féminines telles que
lusage du préservatif féminin sont essentielles dans la lutte contre la
maladie.
La décision du gouvernement soulève des interrogations sur son implication
dans léradication de lépidémie chez les femmes, qui sont plus touchées par
le VIH que les hommes, a estimé Mme Were. Les femmes représentent près de 60
pour cent du million de personnes qui vivent avec le VIH en Ouganda.
'' Certains ont dit quils étaient bruyants, mais qui leur a dit que le sexe
devait être un acte silencieux?''
« Prenons, par exemple, la circoncision masculine, une stratégie de
prévention pour les hommes ; depuis quil a été récemment confirmé quelle
était une méthode de prévention, dimmenses programmes de circoncision
naissent partout, pourtant ils veulent nous faire croire que le préservatif
féminin, dont lefficacité est scientifiquement prouvée depuis des années,
ne sera plus distribué parce que son utilisation nest pas pratique- je ny
crois pas » a-t-elle dit.
Le docteur Margaret Magunwa, de la Campagne mondiale pour les microbicides,
a rappelé que le préservatif féminin na pas été aussi largement distribué
quil aurait pu lêtre.
« Les préservatifs féminins sont devenus impopulaires parce que les
utilisateurs nen trouvaient pas, ils nétaient disponibles que dans les
magasins du gouvernement, alors que lon trouve des préservatifs masculins
dans tous les points de vente, y compris les hôtels », a-t-elle regretté.
Pour Elizabeth Bukusi, de lInstitut de rechercher kényan, les préservatifs
féminins étaient plus difficiles à trouver et plus chers que les
préservatifs masculins, mais les plaintes sur lutilisation étaient peu
nombreuses.
« Certaines personnes ont dit quil [le préservatif féminin] était bruyant,
mais qui leur a dit que le sexe devait être un acte silencieux ? » a-t-elle
dit lors dune conférence sur la parité des sexes et sur le développement
organisée dans la capitale, Kampala.
Le programme ougandais de lutte contre le VIH est basé sur le model ABC,
(Abstinence, Fidélité, Préservatif, en anglais), mais le C a eu tendance à
ne concerner que les préservatifs masculins.
Le préservatif masculin a connu lui aussi une période difficile en 2004,
quand le pays a été confronté à une pénurie nationale, suite à limportation
par le gouvernement de préservatifs défectueux.
La situation a depuis été rectifiée, et M. Kigozi a dit que le ministère de
la Santé ainsi que des entreprises privées importaient au moins 120 millions
de préservatifs masculins chaque année, une quantité qui devrait augmenter.
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