[e-med] Les pays émergents pionniers d’un meilleur accès à la vaccination (Bill Gates)

Les pays émergents pionniers d’un meilleur accès à la vaccination
Bill Gates, Co-Chair of the Bill & Melinda Gates Foundation.
09/01/2014
http://lecercle.lesechos.fr/economistes-project-syndicate/autres-auteurs/221188244/pays-emergents-pionniers-meilleur-acces-a-vac

SEATTLE – Lorsque que nous avons créé la Fondation Gates il y a de cela 15
ans, nous pensions que l’ensemble des démarches les plus basiques en la
matière étaient d’ores et déjà à l’œuvre, et qu’il nous appartenait de
nous atteler à un certain nombre de problématiques plus coûteuses et plus
incertaines. En réalité, la délivrance des vaccins les plus fondamentaux
constitue encore aujourd’hui l’une de nos priorités.

À l’approche de l’année 2014, je suis plus optimiste que jamais quant aux
progrès que nous pouvons accomplir dans l’exploitation de l’efficacité des
vaccins en faveur d’une entrée dans la vie en bonne santé pour tous les
enfants du monde. Nous bénéficions de nouvelles ressources de la part de
généreux donateurs issus des quatre coins du globe. Nous développons par
ailleurs un certain nombre de vaccins nouveaux et plus aboutis, qui
permettent de protéger les jeunes populations contre plusieurs maladies
mortelles. Enfin, nous identifions peu à peu de nouvelles manières
d’administrer ces vaccins, et notamment dans les régions les plus
reculées.

Bien souvent ignorée, l’une des évolutions les plus intéressantes du
renforcement global de l’accès à la vaccination pour tous les enfants
n’est autre que le rôle croissant joué par les fournisseurs de vaccins
basés au sein des pays émergents. Un certain nombre d’États tels que le
Brésil, la Chine et l’Inde ont d’ores et déjà eu à faire face à de
nombreuses problématiques de santé et de développement qui leur étaient
propres, et ont accompli des progrès considérables en la matière. Leur
expérience et leurs capacités techniques bénéficient désormais à d’autres
pays en direction de progrès dans ces domaines.

Bien que vous n’ayez probablement jamais entendu parler des sociétés
pharmaceutiques telles que le Serum Institute of India, Bharat Biotech,
Biological E, China National Biotec Group, et Bio-Manguinhos, nombre
d’entre elles comptent aujourd’hui parmi les plus importants partenaires
de la santé à travers le monde. En ayant su tirer parti de ce même esprit
pionnier qui a permis de transformer les marchés émergents en pôles
manufacturiers producteurs de marchandises allant de l’automobile aux
ordinateurs, ces sociétés sont désormais devenues leaders dans la
fourniture internationale de vaccins de qualité et proposés à faible coût.

L’accroissement de la concurrence, de même que les nouvelles approches de
fabrication adoptées par ces différentes compagnies, ont abouti à la
possibilité de protéger l’enfant contre huit maladies majeures – parmi
lesquelles le tétanos, la coqueluche, la poliomyélite et la tuberculose –
pour moins de 30 $. Le Serum Institute produit ses vaccins dans un volume
supérieur à n’importe quelle autre entreprise à travers le monde, et joue
un rôle considérable dans la réduction des coûts et l’accroissement des
volumes.

Grâce aux efforts de ces fournisseurs, de même qu’aux partenariats étroits
qu’ils ont conclus auprès de GAVI Alliance, de multinationales
productrices de vaccins, ainsi que de donateurs internationaux, plus de
100 millions d’enfants sont ainsi vaccinés chaque année – un chiffre plus
élevé que jamais auparavant. Grâce à l’entrée sur le marché de nouveaux
fournisseurs stimulant la concurrence au travers de techniques de
fabrication innovantes, les prix seront très probablement amenés à baisser
encore davantage.

Considérons par exemple les avancées accomplies autour de cette
immunisation vitale que constitue le vaccin pentavalent, qui protège
l’enfant contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, l’hépatite B et
la grippe hémophile de type B (HiB) – le tout en une seule injection. À
l’époque où GAVI Alliance l’a introduit, c’est à dire en 2001, un seul et
unique fournisseur le proposait, pour un tarif de 3,50 $ par dose. Face à
l’accroissement de la demande autour de ce vaccin, GAVI a encouragé
d’autres fournisseurs à faire leur entrée sur le marché, ce qui a permis
de faire considérablement baisser les prix. Cinq fournisseurs proposent
aujourd’hui ce vaccin, la société pharmaceutique indienne Biological E
ayant cette année annoncé qu’elle le proposerait pour seulement 1,19 $ par
dose.

Nous constatons également combien les principaux pays émergents
investissent dans les technologies biomédicales afin d’approvisionner les
pays en voie de développement en nouveaux vaccins. Le département indien
de la Biotechnologie et Bharat Biotech ont annoncé leur volonté de
proposer cette année un nouveau vaccin contre le rotavirus – qui est
responsable de la mort de centaines de milliers d’enfants – pour 1 $ la
dose, soit un tarif significativement inférieur aux autres vaccins
existant aujourd’hui. De même, une société biotechnologique chinoise a
obtenu au mois d’octobre une approbation de la part de l’Organisation
mondiale de la santé en vue du lancement sur le marché d’un vaccin
amélioré permettant de protéger les enfants contre l’encéphalite
japonaise. Au cours de ce même mois d’octobre, le plus important centre
brésilien de recherche et de développement en matière biomédicale, le
centre Bio-Manguinhos, a annoncé en partenariat avec la Fondation Gates un
projet destiné à l’élaboration d’un vaccin combiné contre la rougeole et
la rubéole.

Lorsque j’ai commencé à prendre part au combat pour la santé à travers le
monde, il y a de cela 15 ans, les annonces de ce genre se faisaient rares.
Le secteur de la vaccination était dominé par une poignée de
multinationales pharmaceutiques basées dans les pays riches, et le marché
tout entier souffrait d’une pénurie de concurrence. Aujourd’hui, les
fabricants issus des pays émergents produisent environ 50% des vaccins
achetés par les agences de l’ONU en vue d’une utilisation dans les pays en
voie de développement, contre seulement environ 10% en 1997.

La contribution des producteurs de vaccins basés dans les pays émergents
vient bien souvent compléter les efforts de leurs homologues au sein des
pays développés. Il se trouve en réalité que plusieurs des idées les plus
innovantes sont le fruit de cette collaboration. La fondation Gates a
soutenu un partenariat majeur entre le Serum Institute of India et SynCo
Bio Partners, producteur néerlandais de vaccins, en vue de la délivrance
d’un vaccin low-cost destiné à protéger plus de 450 millions d’Africains
contre la méningite. Cette année, Biological E a annoncé la conclusion de
deux partenariats importants auprès de multinationales productrices de
vaccins. La conclusion d’un partenariat conjoint avec GlaxoSmithKline
permettra par ailleurs la fabrication d’un vaccin six-en-un destiné à
protéger les enfants contre la poliomyélite et d’autres maladies
infectieuses ; un autre partenariat, cette fois-ci avec Novartis,
permettra de produire deux vaccins censés protéger plusieurs millions de
personnes au sein des pays en voie de développement contre les fièvres
typhoïde et paratyphoïde.

Malgré tous les progrès réalisés, il reste encore beaucoup à accomplir
pour venir en aide aux 22 millions d’enfants – principalement répartis
dans les pays les plus pauvres – qui n’ont pas accès aux vaccins les plus
salutaires. Sans une protection contre un certain nombre de maladies
mortelles telles que la rubéole, la pneumonie et le rotavirus, beaucoup de
ces enfants se voient ravir la possibilité de grandir en bonne santé,
d’aller à l’école, et de vivre une existence productive. Le pays dans
lequel ils vivent est lui aussi perdant. La maladie dérobe aujourd’hui aux
pays pauvres toute l’énergie et le talent associés à leurs populations,
alourdit considérablement les coûts de traitement, et entrave la
croissance économique.

Nous vivons dans un monde au sein duquel nous avons la capacité à corriger
cette injustice. Nous bénéficions du savoir-faire nécessaire à la
production de vaccins efficaces et abordables, ainsi qu’à la délivrance de
ces vaccins auprès d’enfants n’y ayant pas accès. Les fournisseurs de
vaccins basés dans les pays émergents comptent parmi les acteurs
essentiels de ce processus. Grâce à leur contribution, nous nous
approchons peu à peu du jour où chaque enfant pourra débuter sa vie en
bonne santé.

Traduit de l’anglais par Martin Morel

Project Syndicate