[e-med] Programme pour l'amélioration de la bonne gouvernance dans le secteur pharmaceutique en Tunisie

(Pour en savoir plus sur le concept de bonne gouvernance dans le secteur
pharmaceutique
http://www.who.int/medicines/ggm/fr/
CB)

Le trafic des médicaments s'amplifie
Mercredi 12 Novembre 2014
http://www.letemps.com.tn/article/87520/le-trafic-des-médicaments\-s¹amplifie

Le ministère de la santé publique a présenté, mardi 11 novembre
2014, aux professionnels et
à la presse, un programme tendant à l¹amélioration de la bonne
gouvernance dans le secteur
pharmaceutique et des médicaments qu¹il compte mettre en ¦uvre, en
collaboration avec l¹Organisation mondiale de la santé.

Une étude nationale d¹évaluation de la transparence dans le
secteur signalé a été réalisée, à
cet effet, par des experts indépendants, dont les conclusions ont été
exposées, par cette
même occasion, à une commission groupant les délégués des
organisations professionnelles
actives dans le secteur et les représentants de la société civile.

Par la voix du conseiller du ministre de la santé publique chargé
du secteur des médicaments,
Amor Toumi, le ministère de la santé publique a dit attacher une grande
importance à ce
programme , exprimant son souci de collecter les avis des professionnels
et de la société
civile en vue d¹y apporter les améliorations nécessaires avant son
adoption officielle et sa
mise en application sous forme de plan d¹action pour l¹amélioration de la
bonne gouvernance
dans le secteur pharmaceutique et des médicaments.

Lutte contre la corruption

En partant de la constatation que la corruption est l¹un des
principaux obstacles au
développement, l¹OMS a participé au lancement de ce programme de la
bonne gouvernance
dans le secteur pharmaceutique pour essayer de lutter contre la corruption
dans les systèmes
d¹approvisionnement des médicaments en développant la transparence et la
responsabilisation et en encourageant les bonnes pratiques. Le programme
de bonne
gouvernance dans le secteur pharmaceutique comporte une phase
d¹évaluation, une phase
consacrée à la mise au point d¹un cadre national de bonne gouvernance et
enfin une phase de mise en oeuvre.

Selon l¹OMS, les 6500 milliards dollars dépensés, annuellement,
dans le monde pour les
services de santé constituent un pôle d¹attraction puissant pour
la corruption.
Le marché pharmaceutique mondial représente plus de 850 milliards
dollars. Or, selon
l¹Organisation mondiale de la transparence (Transparency International),
la corruption et la
fraude se traduisent par des pertes pouvant aller jusqu¹à représenter
deux tiers des
approvisionnements des hôpitaux dans certains pays, ce qui diminue
énormément l¹accès des
citoyens aux médicaments notamment les médicaments essentiels.
En Tunisie, Mr Amor Toumi a parlé, notamment, de conflits d¹intérêts et
de grands problèmes
incluant l¹aspect éthique en matière de publicité sur les médicaments.
Toutefois, la justice tunisienne avait eu à examiner des affaires de
trafic de médicaments impliquant des professionnels.

De façon générale, l¹étude signalée a abouti à la conclusion que «
l¹enregistrement des
médicaments, l¹octroi des licences d¹exploitation, l¹approvisionnement et
la distribution sont
marginalement vulnérables à la corruption. L¹inspection, les essais
cliniques, et la sélection de
la liste des médicaments essentiels sont modérément vulnérables à la
corruption, alors que la
promotion (publicité entre autres ) est très vulnérable à la
corruption, et ce dans les secteurs public et privé.

Salah BEN HAMADI

Bonjour

Encore une fois c'est dommage que l'approche commerciale prenne le dessus
sur celle de santé publique. Ce journaliste est le meilleur exemple: un
titre totalement en déphasage avec le contenu. Dommage on aurait souhaité
qu'il aborde un sujet de cette importance avec plus de responsabilité et
qu'il développe l'utilité sanitaire et publique de la Bonne Gouvernance des
médicaments. On aurait souhaité qu'il explique que l'objectif de la Bonne
Gouvernance des médicaments est de construire un modèle de prise de décision
fondé sur la confiance dans les instances sanitaires et non sur une
confiance fondée sur les relations personnelles source de conflits
d'intérêts et de corruption. La bonne gouvernance des médicaments vise à
améliorer le processus de prise de décision tout au long du circuit du
médicament et la décision elle-même; ainsi que le rendement des enjeux
économiques du médicaments.

Amartya Sen (Prix Nobel de l'Economie 1998) disait que les problèmes
économiques ne sont pas dus à la rareté des ressources mais à la mauvaise
utilisation de celles-ci. Dans les pays en développement nous avons besoin
plus que jamais de corriger cette situation d'injustice et d'économie
immorale.

Lassaâd M'SAHLI
Membre de l'Instance Nationale de Lutte Contre la Corruption
Evaluateur National en Bonne Gouvernance et co-auteur du rapport
Consultant auprès de l'OMS
Pharmacien Clinicien & Pharmaco-économiste

Bonjour,

La corruption dans la santé est multiforme.

Je pense qu'il y a un peu trop de constats globaux et pas assez de constats spécifiques visant les acteurs qui participent à cette corruption. Et si on fait un audit approfondi du sujet, on verrait que tous les acteurs en prendrait pour leur grade, y compris les institutions internationales.

Les organisations états-uniennes sont-elles étanches en matière de conflit d'intérêt ? La Banque Mondiale est-elle bien placée pour parler de la bonne gouvernance ?

Bon week-end,
Bertrand Livinec

Les écarts de comportements des personnes morales dans le secteur de la pharmacie en particulier ont été constatés depuis le début des années 1970, mais ils étaient occultés pour deux raisons: la première c'est la force du lobbying et de la persuasion par l'argent et la seconde c'est la négligence de la communauté internationale vis-à-vis des crimes économiques tels que la corruption. Ce qui explique l'intérêt un peu tardif que l'on prête à ces dérives de comportement social. En fait, je pense que la responsabilité est à partager entre ceux qui n'ont pas considéré que cette vérité devienne réalité un jour et ceux qui ont participé à la mise en place d'un système qui leur convienne et qui en ont profité. La nature ne supporte pas le vide. D'ailleurs, l'amorce de l'étude de l'ampleur (la mesure) de la corruption comme nouvelle approche n'a été faite qu'à partir des travaux de Johann Graf Lambsdorff 1995 à travers l'ouvrage de Jean de Millard Un monde sans loi.

En réalité, le combat était déjà inégal : d'un côté, une industrie stratège, bien organisée et solidaire outre le fait d'être bien conseillée par une armée d'avocats, de managers de très haut niveau, de lobbyistes et de conseillers en communication. De l'autre côté des gouvernements dépendants de l'argent des firmes pharmaceutiques et subissant la pression de leurs problèmes économiques à l'exception de certains pays nordiques et anglo-saxonnes.

Tout au long de ces dernières décennies, on a fait l'éloge d'une industrie prospère économiquement avec des chiffres d'affaires exponentiels et des profits records malgré une crise d'innovation, des accidents thérapeutiques, des caisses d'assurances maladies grevées et une opacité scientifique. Et l'on ne s'est jamais posé la question: comment est-ce possible? C'est peut être un dénis de la réalité, qui a fait que la situation d'eldorado économique parfait s'installe confortablement par tout dans le monde, où l'on retrouve les mêmes faiblesses et les mêmes problèmes. C'est pour çà que je pense que c'est plus qu'un problème d'instances nationales et internationales. La prise de conscience internationale était nécessaire, malheureusement elle est un peu tardive, ce qui rend le projet collectif de lutte contre la corruption difficile voire audacieux car les freins sont multiples et omniprésents. Fort heureusement, il y a un début de changement des mentalités. On sait déjà que les résultats ne seront pas immédiats.

Je pense que jusque là l'industrie pharmaceutique a toujours anticipé et a imposé sa vision et ses intérêts. En revanche l'administration a subi et a essayé de suivre. Un autre élément qu'il faudrait dire honnêtement c'est que la société civile et scientifique ont été passives sur ce sujet englobant les différentes formes du crime économique dont la corruption pharmaceutique. Maintenant, c'est tout le système qui doit être repensé car il arrive à expiration. Le système de brevets, point fort de l'industrie pharmaceutique présente des faiblesses qui retentissent négativement sur la légitimité morale des droits conférés et des royalties. Les engagements de l'industrie pharmaceutique en matière de transfert de technologie n'ont pas été respectés. Des prix de commercialisation des médicaments sans aucune corrélation avec le coût de développement et celui de production et de distribution, mais évoquant une prédation boursière ciblant les budgets sanitaires. Cette pratique "non morale" fragilise le système de fixation des prix des médicaments qui devrait être mérité scientifiquement et être corrélée aux effets indésirables et à leurs surcoûts. Face à cela l'administration est confrontée à des ressources limitées et à une obligation légale d'assurer la santé au citoyen.

Le plus important c'est comment repenser l'architecture des systèmes pharmaceutiques tout en sachant que le patient risque d'être pris en otage tout au long des négociations destinées à assoir un nouvel équilibre entre les firmes pharmaceutiques et l'administration?

Lassaâd M'SAHLI
Pharmacien Clinicien