[e-med] (2)AMS : nouveau programme OMS unique pour les urgences sanitaires

(cf à la fin "MSF oubliée", signe d'un "entre-soi" ?... CB)

Une réforme de l’OMS pour tirer les leçons d’Ebola
Le Monde.fr | 19.05.2015 à 23h56 • Mis à jour le 20.05.2015 à 10h59 |
Par Paul Benkimounhttp://lemonde.fr/planete/article/2015/05/19/une-reforme-de-l-oms-pour-tirer-les-lecons-d-ebola_4636526_3244.html

Genève - Envoyé spécial

Le ton a changé à l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Lors de la 68e Assemblée mondiale de la santé, réunion annuelle de l’institution internationale, qui se déroule à Genève du 18 au 26 mai, l’heure n’est plus à l’autocritique sur la gestion de l’épidémie d’Ebola. Cela avait été le cas en janvier, lors de la session extraordinaire du conseil exécutif, où les critiques avaient fusé, appelant à une réforme. La réforme a été entérinée mardi 19 mai, avec la création annoncée d’une force regroupant des « ressources humaines mondiales pour l’action sanitaire d’urgence » et d’un fonds de réserve qui disposera d’un capital prévu de 100 millions de dollars (90 millions d’euros).

Dans son discours le premier jour de l’Assemblée, la directrice générale de l’OMS, Margaret Chan, déclarait : « Le monde était mal préparé pour riposter à une épidémie qui était si étendue, si sévère, si soutenue et si complexe. L’OMS a été débordée, comme l’ont été les autres participants à la riposte. Les demandes auprès de l’OMS ont été plus de dix fois supérieures à ce qu’on avait connu dans les près de soixante-dix ans d’existence de cette organisation. » En somme, l’épidémie était trop forte et, comme tout le monde, l’OMS a fait ce qu’elle a pu dès que cela a été possible.

Cafouillage médiatique

La directrice générale précise bien que « l’épidémie d’Ebola a fait passer le processus de réforme de l’OMS à la vitesse supérieure, donnant la priorité absolue aux changements dans les opérations d’urgence de l’OMS ». Oubliés donc les appels pressants à la mobilisation, au printemps 2014, de Médecins sans frontières (MSF), premiers sur le terrain, et ceux émanant de membres des Nations unies ou même de l’OMS, qui donnaient l’alerte quand les responsables des urgences à l’OMS décidaient obstinément de ne pas les écouter. Oubliés, les critiques acerbes d’experts mandatés par les Nations unies.

Dans un communiqué daté du 16 avril dernier, l’OMS reconnaissait même, avec « humilité », avoir pris très sérieusement note des critiques l’accusant d’une « réponse initiale lente et insuffisante, de ne pas avoir été agressif en alertant le monde, d’avoir une capacité d’intervention limitée, de ne pas avoir travaillé de manière efficace en coordination avec les autres partenaires ». Dans un cafouillage médiatique dont elle a le secret, l’OMS republiait quelques heures plus tard, une nouvelle version édulcorée du communiqué où ces formulations avaient disparu.

Autorité retrouvée

Le discours de Margaret Chan devant la 68e Assemblée mondiale de la santé allait donc encore plus loin sur cette voie et se voulait une démonstration d’une autorité retrouvée et renforcée. Autorité retrouvée sur les directeurs régionaux, qui souvent en faisaient à leur tête en fonction des intérêts, bien compris, des Etats membres de la région qui les élisent : « J’ai un excellent cabinet avec mes six directeurs régionaux. Ils conseillent. J’écoute. Je décide. ».Une manière d’affirmer qu’il y aurait dorénavant un chaîne de commandement claire.

Autorité renforcée avec une réforme introduisant des « changements fondamentaux pour permettre à l’OMS de bien faire son travail. Je crée un programme unique pour les urgences sanitaires, rassemblant toutes nos ressources pour les épidémies et les urgences à travers les trois niveaux de notre organisation », siège, région et pays. Un programme qui est placé sous la responsabilité directe du directeur général.

Cinq changements

Les changements sont au nombre de cinq. Outre la création du programme unique pour les urgences, Mme Chan introduit la notion d’« évaluation du programme avec des indicateurs de performance en partenariat avec les autres participants à la riposte ». Elle établit une « force internationale de ressources humaines pour les urgences sanitaires » et renforce en parallèle les capacités d’intervention de personnels de l’OMS entraînés à la riposte d’urgence. Elle inclut de « nouvelles procédures commerciales pour faciliter une riposte rapide et efficace », en particulier pour la fourniture d’équipements de protection individuelle et autres matériels.

Enfin, il y a la mise sur pied d’un fonds de réserve qui a comme cible budgétaire 100 millions de dollars. Pour abonder ce dernier, certains évoquaient une hausse des contributions statutaires des Etats membres de l’OMS, ce qui, comme l’a expliqué le représentant de la Banque mondiale, reviendrait à rompre avec des années de politique de « croissance zéro » des versements des 194 pays qui y ont adhéré. Cette politique explique la part croissante qu’ont prise d’autres contributeurs, comme la Fondation Gates. La tonalité dominante, et notamment celle des pays développés, privilégie les contributions volontaires, sur le modèle du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

MSF oubliée

La vaste majorité des interventions lors de la discussion sur Ebola ont apporté un soutien marqué à la réforme annoncée par Margaret Chan, qui entend renforcer les capacités des pays face aux urgences et aux épidémies autour du Règlement sanitaire international – texte à valeur judiciaire auquel les Etats membres doivent s’être conformés d’ici à 2019.

De manière significative, lors de la session de mardi 19 mai, aucun représentant des plus de quarante pays intervenant dans la discussion n’a pris la peine de citer MSF et son action déterminante dans la riposte dès le début de l’épidémie d’Ebola, alors que pleuvaient les félicitations et congratulations diplomatiques pour les pays touchés et la direction de l’OMS. La réforme est en marche.