[e-med] (3)Changer de braquet pour en finir avec le sida

Bonjour,

Le montant de 15 milliards de dollars pour le Fonds mondial avait été présenté (je crois par le TERG) à la dernière conférence de replenishment du Fonds mondial (ou celle d'avant je ne sais plus mais en tout cas il y a déjà plusieurs années) comme un scénario intermédiaire, entre 13 milliards le minimum et 17 ou plus milliards le maximum pour la période en question.
Je doute que quelques années après, avec plus de 2 millions de nouveaux malades en plus chaque année et des critères d'éligibilité biologique modifiés à la baisse (200) selon les dernières recommandations de l'OMS, ce montant soit suffisant à couvrir les besoins sur la période 2014-2016, si l'on doit dépister un nombre considérable en plus de patients.

Dans un contexte où il n'y aura pas assez d'argent, il importe de se battre aussi, et surtout, pour qu'il n'y ait pas d'infection et la seule stratégie "ttt to prevent" a ses limites dans les contextes comme l'Afrique de l'ouest et du centre, où moins d'1personne sur 4 des patients éligibles dépistés (selon les recommandations antérieures) a accès au traitement, et cela plus de 15 ans après que les premières initiatives d'accès aux traitements ARV, (UNAIDS et rapport OMD Afrique 2011) sans parler de tous ceux qui de la population cible ne sont pas dépistés (dont les dénominateurs ne tiennent aucun compte).

Il ne faut pas s'en tenir au seul ttt to prevent, cette stratégie à elle seule ne suffira pas pour vaincre le sida, le nombre de nouveaux cas d'infection continuera de dépasser le nombre de personnes mises sous traitement; plus de 75% des jeunes de 15 à 49 ans ne connaissent pas leur statut sérologique.
Compte tenu des retards d'accès aux interventions de prévention et de ttt en Afrique francophone, il faut exiger un réajustement de cet équilibre et des priorités, et mettre la France et l'Europe face à leurs responsabilités dans ce domaine; ce sont des fonds publics qui doivent bénéficier équitablement aux pays francophones, les plus vulnérables, en conflits, etc. ce qui n'a pas été le cas

Enfin, il faut se battre pour que l'ensemble des acteurs et politiques aient des données épidémiologiques, sociologiques, économiques, correctes et cohérentes, (combien de rapports autant de données différentes IHME, OMS, ONUSIDA, UNICEF, BM, OMD, etc.) et se battre pour une éthique de la qualité scientifique de l'information sanitaire qui nous est livrée, si nous voulons convaincre les politiques de s'intéresser à nos sujets:

Il est inadmissible qu'une organisation comme l'ONU ou la communauté internationale publie en juin 2012 un "2013 MDG Report" pour l'Afrique d'une telle déplorable qualité à la veille de la définition de nouveaux objectifs pour le monde après 2015; ce rapport est rédigé par des personnes que ces sujets ennuient, qui ne connaissent pas le terrain, je lis entre les lignes une très grand désinvolture, vraiment les rédacteurs s'en foutent totalement. Pauvreté épidémiologique. pauvreté d'analyse 2013 MDG report : assessing progress in Africa toward the millennium development goals. Food security in Africa : issues, challenges and lessons. June 2012. 144p.

Quelles impulsions politiques voulez-vous suscitez avec de tels rapports, à l'heure où nous devrions lire des bilans sévères et sérieux de réalisation des OMD sur 15 ans, dégager des priorités pour l'avenir sur ces OMD et pour toutes les pathologies qui n'étaient pas prises en compte et continueront de ne pas l'être, si nous ne réagissons pas face à la diffusion de mauvais rapports par les organisations dites de référence au niveau mondial sur les données sanitaires et les OMD

Rédiger un mauvais rapport sur les OMD de la part de l'ONU en dit long sur la considération des Nations Unies, ce qui est le comble compte tenu de leur mission, mais également de l'ensemble de la communauté scientifique et professionnelle qui laisse faire et qui reprend ces données, y compris le Lancet! contribuant à diffuser une vision pervertie des réalités locales et des OMD, relayée par Jeffrey Sachs que tout le monde écoute et qui se trompe pourtant. Tant que les réalités sont inventées et fantasmées et colportées sur des bases NON scientifiques, aucune politique, aucune stratégie en peut être pertinente à répondre à ce qui se déroule sous nos yeux.

Les politiques n'en ont que faire des données aussi diverses, les personnes et leurs vies sur le terrain sont noyées derrière des statistiques discréditées d'elles-mêmes; la mobilisation politique passe par une vérité scientifique imparable qu'il nous faut rétablir dans nos domaines

Dominique Kerouedan
d.kerouedan@skynet.be

Chère Professeur Kerouedan,

Vous avez tout à fait raison. Notre communiqué est bien sûr à replacer
dans son contexte de sensibilisation de la société civile (ce qui
nécessite une certaine simplification du message) et de plaidoyer
auprès des autorités (une des stratégies pouvant être la mise en avant
d'un objectif plus facilement réalisable). Ce qui ne m'empêche d'être
entièrement d'accord avec vos remarques. Quant à l'estimation des 15
milliards, il s'agit d'un montant minimum qui n'aura l'impact escompté
que si l'on augmente par ailleurs les ressources nationales et autres
programmes bi- et multilatéraux, et à supposer que les fonds soient
utilisés de la manière la plus efficace possible.
Bien à vous,

Céline GRILLON
Coordinatrice plaidoyer international
Act Up-Paris

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