Communiqué de presse d'Act Up-Paris, 12 juin 2007
ABBOTT ATTAQUE ACT UP-PARIS, UNE ASSOCIATION DE MALADES
C'est la première fois qu'un laboratoire nous poursuit en justice.
La firme pharmaceutique Abbott a décidé de porter plainte contre
l¹association de malades Act Up-Paris après l¹action que nous avons
lancée contre elle le 26 avril dernier. C¹est la première fois qu¹un
laboratoire utilise ce recours. Mais cette stratégie obligera Abbott
à rendre publiquement des comptes sur ses décisions criminelles qui
consistent à priver les personnes séropositives de Thaïlande de ses
innovations thérapeutiques et, de fait, les condamner à mort.
LE VRAI CRIME : LA POLITIQUE COMMERCIALE D'ABBOTT
En décembre dernier, la Thaïlande décidait d'émettre des licences
obligatoires sur plusieurs médicaments dont un sous monopole
d¹Abbott. Grâce à cette mesure, le gouvernement peut fabriquer ou
importer des copies de médicaments, aussi efficaces, mais beaucoup
moins coûteuses et cela permet au système de santé thaï de prendre en
charge beaucoup plus de personnes.
Alors que la décision du gouvernement thaï est parfaitement légale,
Abbott a décidé d'une mesure de rétorsion inédite : ne plus
enregistrer ses nouveaux médicaments, dont le Kaletra Meltrex, un
médicament de seconde génération indispensable aux malades en
échappement thérapeutique. Il s'agit, ni plus, ni moins d'une
condamnation à mort.
AUCUN RECOURS POSSIBLE
La décision d'Abbott est contraire aux accords internationaux sur la
propriété intellectuelle, signés par les pays membres de l'OMC.[1]
Mais ces mêmes accords n'ont prévu aucun recours devant l¹OMC face à
une décision d'un groupe privé. Seuls les gouvernements ont des
comptes à rendre devant l'OMC. Bien qu'illégitime et criminelle, la
décision d'Abbott n'est légalement pas contestable.
L'Organisation Mondiale de la Santé, ou encore le Ministre français
des Affaires Etrangères de l'époque, Philippe Douste-Blazy, ont
soutenu la décision thaïlandaise. De nombreux médecins ou
scientifiques ont dénoncé la mesure de rétorsion d'Abbott, et se sont
même, fait rarissime, engagés à boycotter les produits du
laboratoire. Au sein même des actionnaires du groupe, une forte
minorité a demandé aux responsables de revenir sur leur décision
criminelle. En vain.
LA DÉNONCIATION PUBLIQUE, DERNIÈRE ARME DONT ABBOTT ENTEND NOUS PRIVER
La seule solution qui reste aux malades pour défendre leur vie est
donc la dénonciation publique. Le 26 avril dernier[2], la veille de
l'Assemblée générale des actionnaires du groupe, les associations de
malades thaïlandaises appelaient à une journée internationale
d'actions, relayée par de nombreuses ONG. Act Up-Paris a proposé aux
militantEs du monde entier de participer à un netstrike. Des
centaines, peut-être plus d¹un millier de personnes, en France, en
Thaïlande, aux Etats-Unis, etc. se sont connectées à répétition sur
le site d'Abbott pour le ralentir ou de le saturer.
Trois semaines plus tard, Abbott a porté plainte contre nous par une
citation directe. Le laboratoire entend nous faire condamner au nom
des articles 323-2 (entrave au fonctionnement d¹un système de
traitement automatisé de données), et 323-3-1 (détention ou mise à
disposition des outils qui permettent le blocage d¹un système) du
Code pénal. Nous risquons 70 000 euros d¹amende, des dommages et
intérêts, 3000 euros de frais de justice et la publication de la
condamnation dans deux journaux, à nos frais. Ces chiffres sont à
mettre en rapport avec ceux qu¹affichent Abbott en termes de profits
pour ses actionnaires (22,5 milliards de dollars de résultat).[3] La
plainte d¹Abbott est clairement une man¦uvre pour réduire Act Up-
Paris au silence.
LE PROCÈS D'ABBOTT PLUTÔT QUE CELUI D'ACT UP-PARIS
L¹article 323-3-1 qu¹Abbott utilise contre nous, malades du sida,
prévoit des poursuites, sauf si le prévenu a eu un « motif légitime »
pour agir. L¹appel au boycott de malades thaïlandaisEs, les positions
de l¹OMS ou du gouvernement français, les actions des activistes sida
un peu partout dans le monde, les positions des médecins les plus
réputéEs en matière de lutte contre le VIH : tout montre que nous
avions un « motif légitime ».
En portant plainte contre nous, Abbott devra prouver que les vies de
milliers de malades en Thaïlande ne sont pas un « motif légitime »
qui justifierait une dénonciation publique du laboratoire. Le procès
intenté contre nous, malades du sida, obligera Abbott à révéler
publiquement son obscénité.
Nous exigeons des dirigeants d¹Abbott :
- Qu¹ils cessent de menacer les pays qui, conformément aux
accords internationaux, utilisent le droit à produire ou importer des
génériques pour soigner beaucoup plus de malades ;
- Qu¹ils reviennent sur leur décision de ne plus faire
enregistrer leurs nouveautés thérapeutiques en Thaïlande, mesure qui
condamne à mort des milliers de malades ;
- Qu¹ils retirent leur plainte contre Act Up-Paris.
Prochaine étape : 15 juin 2007, Palais de Justice, 31ème Chambre
Correctionnelle, 13 h 30, audience de fixation
Pour un historique de la politique cynique d¹Abbott en matière de
lutte contre le sida : http://www.actupparis.org/mot49.html
A lire également : le dossier de Presse paru dans Action n°107
http://www.actupparis.org/article2779.html
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[1] Déclaration sur l¹accord sur les ADPIC et la santé publique, Doha
2001:
http://www.wto.org/french/thewto_f/minist_f/min01_f/mindecl_trips_f.htm
[2] http://www.actupparis.org/article3007.html
[3] Rapport financier annuel du groupe :
http://www.abbott.com/static/content/microsite/annual_report/2006/
support_files/abbott_ar06_full.pdf