[échange de mails, suite de la polémique après l'annonce de la nomination du
Suisse Paul Herrling, directeur de la recherche chez Novartis, au sein d'un
groupe consultatif de vingt et un experts de l'OMS (CEWG) chargé d'élaborer
des propositions pour stimuler la recherche et le développement pour les
maladies négligées. Remerciements à CR pour la traduction de ce message.CB]
Response to Mary Moran on managing conflicts of interest at the WHO CEWG
http://keionline.org/node/1065
Ceci est la réponse à un email envoyé à a2k [1] et à ip-health [2] par le
Dr. Mary Moran. Entre autres choses, ce message soulève la question de ce
qui constitue un conflit d'intérêts, et aussi de la façon de les gérer. Le
Dr. Moran avait demandé une réponse, la voici.
Chère Dr. Moran,
Je réponds à votre dernier message envoyé à a2k et à ip-health qui semble
répondre à un message précédent à propos de la nomination de Paul Herrling
au CEWG (Consultative Expert Working Group) de l'OMS sur le financement de
la R&D.
Comme vous le savez, le Dr. Herrling est l'auteur de la proposition FRIND,
et selon Novartis, il est le co-auteur, avec vous et Holly Wong, de la
proposition PDP Plus. Le 20 janvier 2011, KEI Knowledge Ecology
International et huit autres ONG impliquées dans la santé mondiale ont écrit
une lettre [3] au bureau exécutif de l'OMS, rejetant cette nomination au
CEWG en arguant qu'il serait inapproprié de le voir participer à la revue de
sa propre proposition.
Votre expérience avec le groupe précédent (CEWG) est évoquée sur mon blog à
la date du 18 janvier 2011 (http://www.keionline.org/node/1058 [4]), sur
« Conflits d'intérêts, et évaluation par l'OMS des propositions de FRIND et
de PDP Plus par le CEWG », en bref, compte tenu d’ « avoir donné la priorité
à deux propositions coûteuses jamais soumises formellement au groupe », dont
une proposition dont vous êtes l’auteure, et l’autre venant de IAVI, « un
groupe dont Moran est consultante ». Déjà lors de l’évaluation précédente,
votre double rôle d’auteure et d’évaluatrice a soulevé des questions, il est
donc surprenant de voir l’OMS nommer l’un de vos co-auteurs du PDP Plus au
CEWG.
A propos de CEWG, pensez-vous que Paul Herrling, co-auteur de PDP Plus
puisse l’évaluer pour le CEWG ? Votre réponse sera très intéressante au
regard de votre propre perception de ce qui constitue un conflit d’intérêts,
et de la façon de le gérer.
Dans votre message, vous suggérez que vote statut d’auteure de Industry
Research and Development Facilitation Fund (IRFF) ne présentait pas de
conflit, puisque l’un des autres membres du CEWG était Mark L. Rohrbaugh du
NIH (National Institute for Health USA), et que le EWG disait des choses
agréables sur les dons SBIR du NIH, et aussi parce que le EWG disait aussi
des choses agréables sur le Groupement des brevets de UNITAID et que le Dr.
Philippe Douste-Blazy, le Conseiller spécial du Secrétaire Général des
Nations Unies sur les Innovations du financement du développement, était le
président du bureau exécutif d’UNITAID. Vous objectez aussi avoir informé de
votre activité de consultante pour IAVI, arguant qu’il s’agit d’une relation
ancienne et sans pertinence.
Voici quelques commentaires tirés de votre message.
1. Même si EWG compte de nombreux membres et bénéficie de l’appui de
personnels de l’OMS, votre rôle avec EWG a été, sans aucun doute,
extraordinaire, en termes de la quantité d’analyses que vous avez écrites ou
supervisées. C’est ainsi que l’IFPMA parle de votre rôle dans ses propres
analyses (http://bit.ly/ifpma-overview), que l’on trouve sur Wikileaks:
Dans la mesure où on parle de méthodologie, Mary Moran, la coordinatrice de
la revue des propositions les a regroupées en six catégories et elle a
mesuré leur performance contre les critères mentionnés et l’acceptabilité
des groupes cibles … Pour chaque catégorie, elle a tiré les conclusions et
identifiés les propositions qui recevaient les scores les plus, et les
moins, élevés.
Informellement, des membres de EWG et des employés de l’OMS ont clairement
souligné votre rôle, et en effet, que le Secrétariat vous ait donné un
contrat de consultant (APW) pour faire cette évaluation, et qu’il est voulu
que vous expliquassiez le rapport devant le bureau exécutif de l’OMS en est
une autre preuve, tout comme le sont les nombreux documents d’appui préparés
par le EWG et maintenant disponible sur le site de l’OMS (cliquer ici).
2. Même si mentionner le Groupement des brevets d’UNITAID a été perçu
positivement par nombre de groupes de la santé publique, cela a très peu
pesé dans le travail du groupe, qui s’intéressait au financement récurrent
de la R&D. Pour ce qu’on en sait, le Dr. Philippe Douste-Blazy a été nommé à
l’EWG compte tenu de son rôle de Conseiller Spécial du Secrétaire Général
des Nations Unies pour l’innovation des financements du développement et il
semble qu’il n’y a pas de lien financier avec le résultat du travail de EWG.
3. Que Mark Rohrbaugh ait travaillé pour le NIH et que le NIH soit à l’origine
des dons SBIR est vrai. Mais que peut-on dire à ce sujet? Mark Rohrbaugh
a-t-il demandé que le don finance le travail de EWG? Non. Le programme SBIR
a été créé par le décret de 1982 appelé Small Business Innovation
Development Act (P.L. 97-219), et les fonds viennent du Congrès américain.
De plus, Mark Rohrbaugh est un fonctionnaire fédéral, pas un bénéficiaire
potentiel du don SBIR. On ne voit pas comment quiconque pourrait y voir un
conflit.
4. Je vous remercie d’avoir apporté des informations sur le traavil d’IAVI
(groupe que nous soutenons aussi). Avant votre email, c’est ce qu’on en
savait. Vous avez été nommée à l’EWG en fin 2008, et vous avez commencé à y
travailler en 2009. L’an dernier, vous avez refusé d’indiquer à Malini
Aisola les noms des clients de votre société, mais Aisola a relevé dans un
papier publié le 3 février 2009, après la première réunion de EWG, que vus
déclariez avoir reçu des dons de IAVI. Plus tard, vous pourrez certainement
clarifier le moment et la nature de ce lien, que vous avez vous-même déclaré
comme « intérêts concurrents » à PloS. Mais nous sommes très satisfait de l’explication
donnée dans votre email à a2k et à ip-health. Je retiens à cet égard que
votre connexion valait d’être notée, en partie parce que IAVI n’avait jamais
soumis de proposition à EWG, en fait sa proposition non publiée et privée a
fini par se trouver au sommet de la pile des recommandations pour EWG. Et,
bien sûr, maintenant que les propositions de IAVI, de IFPAM, de FRIND et de
Moran sont rassemblées dans une seule proposition PDP Plus, qu’un des
co-auteurs a été nommé pour ce nouveau groupe, il y a bien sûr la poursuite
de la collaboration d’une, ou de la proposition du fonds leader a considérer
par EWG.
5. Lorsque vous travailliez avec EWG, la biographe officielle de l’OMS
disait ceci: « Le Dr. Mary Moran est Australienne, elle dirige la Division
des politiques de la santé (Health Policy Division) du George Institute for
International Health à Sydney, Australie. Elle a fondé le Pharmaceutical R&D
Policy Project à la London School of Economics & Political Science », projet
qui se poursuit maintenant au George Institute. « L’an dernier, il a été
démontré que le George Institute a reçu beaucoup d’aides financières de l’industrie
pharmaceutique à but lucratif. L’an dernir, vous avez complété cette
information sur les liens e indiquant que vous aviez une entreprise de
consultants à but lucratif, et que cette société a un accord avec le George
Institute. Donc, quand EWG a été formé, soit vous travailliez pour une
entreprise financée par l’industrie pharmaceutique (the George Institute),
soit c’était pour une entreprise privée de consultations, soit pour une
combinaison des deux (une entreprise de consultants travaillant alors pour
une entité sans but lucratif partiellement financée par les labos). Dans
tous les cas, cela diffère beaucoup d’un fonctionnaire public ou de la
situation d’un expert académique.
Ensuite, regardez la nature des propositions elles-mêmes. Votre première
proposition retenue par EWG était l’ Industry R&D Facilitation Fund (IRFF).
Elle est décrite dans Results for Development ainsi :
L’Industry R&D Facilitation Fund (IRFF) est un mécanisme rassemblant les
aides financières en vue de garantir les fonds dans le cadre de Product
Development Partnerships (PDPs). Le PDPs recevrait des parts fixées du fonds
de financement et utilisera ce financement pour des contrats avec le secteur
privé. Les financements seront souples, pour permettre au PDP de se reposer
sur sa propre expertise dans la gestion du portefeuille de recherche. Avoir
une source de financements prévisibles pourra aussi stimuler les entreprises
pharmaceutiques et de biotechnologie à travailler avec le PDP car le risque
de fluctuation des fonds est moindre. De plus, un fonds commun pourra aussi
attirer des donateurs, peu habitués à l’art du développement de produits,
qui investiront des fonds dans des groupes du PDP. Ce qui éliminera le
besoin d’évaluer chaque PDP individuellement.
Selon les versions, IRFF donnerait 80% de l’argent reçu pour les labos et la
biotech à but lucratif. L’aide aux activités conduites par des institutions
à but non lucratif serait nulle.
Il est facile de comprendre comment cette proposition peut être reçue
favorablement par l’industrie à but lucratif. Pensez-vous que demander à l’industrie
à but lucratif de commenter cette proposition peut présenter un problème ?
Ou bien est-ce si différent de demander à des entités sans but lucratif, des
gouvernements ou des universités de le faire ?
Pour finir, les propositions IFPMA/Novartis/FRIND, IRFF, Product Development
Partnership Financing Facility (PDPFF), et PDP Plus, toutes demandent des
millions d’aides financières qui bénéficieront directement à l’industrie
privée. Alors que l’on cherche à développer le soutien politique à cette
proposition, pensez-vous que les organisations PDP jouissent d’une
perception publique que les entreprises privées sont directement
représentées dans les entités chargées de faire la revue des propositions,
ou qu’elles en sont les auteurs mêmes ? C’est peut-être le moment pour l’OMS
d’écarter ces participants, pour construire une plus grande confiance dans
les évaluations, rendant plus facile le financement de toute conclusion à
laquelle EWG arrivera.
Sincères salutations,
Thirukumaran Balasubramaniam
Knowledge Ecology International