Cameroun: Des anti-rétroviraux fabriqués sur place
Mohamadou Houmfa
29 Avril 2010
http://fr.allafrica.com/stories/201004290755.html
Malgré les campagnes de sensibilisation et de prévention sur le SIDA, la
pandémie continue de faire des ravages au Cameroun. Selon les chiffres du
plan stratégique de lutte contre le SIDA, ce pays a enregistré environ
60.000 nouvelles infections en 2009 et 33.000 décès liés à la maladie.
La prise en charge des personnes vivant avec le VIH/SIDA constitue un axe
majeur de la politique sanitaire de l'Etat camerounais soutenu par ses
partenaires internationaux. Pour 2010 par exemple, selon les chiffres du
Comité national de lutte contre le SIDA (CNLS), le Cameroun dépensera
quelque 490,9 millions de francs CFA (environ un million de dollars) pour
l'accès aux traitements et soins en faveur des enfants et adultes vivant
avec le VIH/SIDA.
Face aux dépenses considérables consacrées à l'achat des médicaments pour
soigner les malades du SIDA, un nouvel espoir est venu de Douala, la
capitale économique du Cameroun, où a été inauguré, le 8 avril, le
laboratoire de la Compagnie industrielle pharmaceutique (Cinpharm). La
Cinpharm envisage de fabriquer, à partir de juin, des médicaments génériques
parmi lesquels les anti-rétroviraux (ARV) à des prix coûtant de 30 pour cent
à 40 pour cent moins chers - et d'égale qualité - que ceux disponibles
actuellement sur le marché national.
L'implantation de ce laboratoire pharmaceutique ne sera pas seulement une
aubaine pour le gouvernement du Cameroun qui pourra réaliser de
substantielles économies dans l'acquisition des ARV. Les malades du SIDA se
sentiront aussi soulagés.
Selon le fondateur du Cinpharm, Célestin Tawamba, le coût global des
investissements mobilisés pour l'implantation du laboratoire, s'élève à
quelque 11 milliards FCFA (environ 22,9 millions de dollars).
«Le gouvernement ne subventionne que les anti-rétroviraux de première ligne
et de deuxième ligne. Les ARV de troisième ligne ne sont pas encore
subventionnés et coûtent extrêmement chers. Les malades qui sont sous ARV de
troisième ligne doivent se prendre en charge eux-mêmes», a expliqué à IPS,
Hilarion Fortuné Manga, président du comité directoire du Réseau des
associations des personnes affectées ou infectées par le VIH au Cameroun
(Rapaic).
Pour les malades du SIDA sous ARV de troisième ligne, la fabrication de ces
ARV au Cameroun sera un soulagement car la plupart des personnes qui ont
développé une résistance aux ARV de deuxième ligne doivent souvent être
évacués vers les pays développés pour le traitement aux ARV de troisième
ligne.
Comme les ARV de première ligne et de deuxième ligne sont gratuits pour les
malades depuis 2007 dans ce pays d'Afrique centrale, les ARV de troisième
ligne seront également subventionnés dès qu'ils seront disponibles au
laboratoire du Cinpharm, affirme Dr Ibilié Abessouguié, secrétaire exécutif
du CNLS.
Selon les spécialistes, il devient urgent pour le gouvernement et ses
partenaires d'acquérir les ARV à des prix plus abordables par rapport au
nombre de malades en constante progression. En 2009, seuls 76.228 personnes
étaient sous ARV sur un total de 164.070 infectés au VIH, soit 46,6 pour
cent seulement des personnes qui étaient potentiellement dans le besoin de
ce traitement, selon le CNLS.
Le Raipac exprime toutefois quelques inquiétudes par rapport aux ARV qui
seront produits par la Cinpharm. «Est-on vraiment sûr que ces génériques
seront certifiés et de bonne qualité? En outre, est-ce certain qu'ils seront
moins chers? Car si les comprimés sont fabriqués à 10 FCFA par exemple et
sont taxés à 20 FCFA, ils reviendront chers. Donc, il faut accorder des
facilités fiscales à cette compagnie», explique le président du Raipac.
Ces inquiétudes ont trouvé leurs réponses le jour de l'inauguration du
laboratoire. «On est assuré que Cinpharm pourra fabriquer des médicaments de
haute qualité qui répondent aux normes internationales», a affirmé à IPS,
Markus Geibel, représentant de la Société allemande d'investissement et de
développement (DEG), un des partenaires financiers du laboratoire.
Pour sa part, le ministre de la Santé publique, André Mama Fouda, a exprimé
le soutien du gouvernement camerounais à cette initiative du Cinpharm. «Plus
la chaîne de distribution des médicaments est courte, moins il y a des
risques de trafics», avait-il déclaré notamment le jour de l'inauguration du
laboratoire.
Mais, les patients soulèvent une autre inquiétude : la mise sous ARV
nécessite au préalable la réalisation d'un bilan thérapeutique pour les
malades. Ce bilan est facturé à 3.000 FCFA (environ 6,25 dollars) au patient
qui sera remboursé plus tard par le gouvernement.
Tous les patients n'ont pas toujours cette somme à payer, souligne Manga à
IPS, indiquant, par ailleurs, qu'il est parfois demandé à certains patients
de débourser 14.800 FCFA (environ 30 dollars) au lieu de 3.000 FCFA. Ce qui
complique davantage la situation.
«Je ne sais pas pourquoi ils le font, mais nous avons reçu les plaintes de
certains malades et nous avons déjà attiré l'attention des autorités
là-dessus, et nous sommes en train de mener nos enquêtes», ajoute le
président du Raipac.