Le mail de Lulu et surtout celui du docteur Guy ont suscité de
nombreuses réactions. En voici une de plus.
Je suis un jeune pharmacien avec une petite mais solide expérience
dans une ONG humanitaire, et quand je me remémore la fin de mes
études, j'aurais aussi certainement fait n'importe quoi pour "aller
sauver le monde", "rétablir le système de santé" ou bien encore
"mettre en place le circuit du médicament" dans un pays d'Afrique,
choqué comme tout le monde par les images de misère véhiculées par
les médias occidentaux (qui ne sont d'ailleurs intéressés par
l'Afrique QUE pour sa pauvreté, ses épidémies et ses massacres... ou
ses parcs nationaux)
Avec un peu de recul, j'ai parfois l'impression que les réels
bénéficiaires de l'aide humanitaire ou de l'aide au développement,
quel que soit le nom qu'on lui donne, ce sont ceux qui viennent pour
la donner, c'est à dire les "humanitaires". Ils ont, durant leur 3
mois, 6 mois, un an ou plus, l'occasion de découvrir une nouvelle
culture, une autre façon de vivre, des gens chaleureux, un pays. De
l'autre côté, les "bénéficiaires" reçoivent ce qu'on veut bien leur
donner, qui correspond plus ou moins bien à leurs besoins, et
qu'après tout ils n'ont peut-être pas demandé... Ils retiendront
sûrement les chouettes moments passés à discuter avec le Blanc, les
échanges de point de vue, les rigolades. Quant à la dépendance qu'on
leur apporte, nous pays occidentaux qui d'un côté refusont de
modifier les règles du commerce international (provoquant la pauvreté
de millions de personnes) et d'un autre côté versont des millions de
$ en programmes de développement pour se donner bonne conscience,
c'est une autre histoire.
Tout ça pour dire qu'il faut avant tout de l'humilité quand on va "en
Afrique". Il faut être conscient qu'on y va pour apprendre dans un
premier temps, et non pour "mettre en place le circuit du
médicament". Et si telle partie du Cameroun n'a pas encore accès aux
médicaments essentiels, de nombreux camerounais sont en train d'y
travailler et de construire un système solide qui leur correspond. Il
serait dommage de ne pas considérer leur travail et de le saboter.
3 mois au Cameroun, c'est super. Mais il faut y aller avec respect et
humilité, avec sérieux, c'est à dire en étant au courant des projets
pharmaceutiques du pays ou de la région où l'on va, avant de faire
n'importe quoi. Après, on peut devenir expert ou pas, seul le futur
le dira.
L'intervention du docteur Guy était peut-être un peu sèche et rentre-
dedans, mais je pense qu'il cherchait aussi à dénoncer dans son
propre style une attitude occidentale qu'il faut bannir.
Benoit Marquet
reggaeben@yahoo.fr
Pharmacien