(Très intéressant article. Un traitement à examiner et des recherches à développer...CB)
Comment tuer un produit compétiteur ou l’Histoire de la réserpine dans l’HTA
Pr. Pierre Biron, Pr. Honoraire de Pharmacologie Médicale à Montréal
BIP31.fr 2017, 24, (4), 59 - 78
L’histoire de la réserpine comme antihypertenseur est édifiante. Aux petites doses (0,1 à 0,25 mg / jour, dites ‘doses filées’) on savait depuis 1967 (Veterans Administration. JAMA 202, 116) que c’était un bon produit qui ne coutait presque rien comparé aux nouvelles classes émergentes : bêta bloquants, anticalciques, inhibiteurs de la conversion de l’angiotensine (dits IECA) et sartans.
Le plus fréquent Effet Indésirable Médicamenteux (EIM) était la congestion nasale, pas beaucoup plus fréquente ou sévère que la toux aux IECA. Mais voilà qu’elle devient victime de deux phénomènes, le premier entraînant le second :
a) On la recommande à trop forte posologie (0,75 à 10 mg/jour), ne sachant pas au début que sa demi vie était longue.
b) Puis on l’accuse de trois EIM inacceptables : la dépression, l’ulcère duodénal et le cancer du sein. Des suicides étaient survenus à des posologies de 6 à 14 fois trop élevées, mais aucun à la dose de 0,25 mg ; même situation pour l’ulcère duodénal ; des études subséquentes disculperont la réserpine de ces deux EIM. Trois études cas témoins révèlent une association avec le cancer du sein mais 10 enquêtes suivantes viennent réfuter l’allégation.
La réhabilitation ne suit pas car le mal est fait, même si des experts ont crié dans le désert, comme Widmer(J Fam Pract 1985, 20, 81) et quelques autres à sa suite. Pourtant, un diurétique et la réserpine auraient pu remplacer toutes les nouveautés trop chères dans le contrôle de l’hypertension au tiers monde, et aussi réduire le fardeau fiscal de nos budgets pharmaceutiques.
Les quatre facteurs en jeu sont :
a) la mise en marché intensive des nouveaux produits,
b) le dénigrement organisé des génériqués,
c) le goût prononcé des prescripteurs et de leurs représentants pour suivre la mode, et surtout
d) l’ignorance de la réfutation de fausses informations (Dictionnaire de Pharmacologie Sociale, 2017).
Ce n’est pas pour rien qu’on n’enseigne pas l’histoire de la pharmacothérapie (Clin Pharmacol Ther 1996, 60, 368).
Pierre Biron : "Si la santé n’a pas de prix, l’indignation non plus ».