[e-med] CP : Accords de libre-échange Inde/Union Européenne / Contre les malades : pas d'accords ?

Act Up-Paris – Aides – Coalition Plus – Sidaction – Solidarité Sida -
                                Solthis

          Communiqué inter-associatif - Mercredi 2 mars 2011

             Accords de libre-échange Inde/Union Européenne

                 Contre les malades : pas d’accords ?

Aujourd'hui manifestent à Delhi des milliers d'activistes venus de toute
la région Asie/Pacifique. L’enjeu ? Protester contre des dispositions de
propriétés intellectuelles inscrites dans un accord de libre-échange en
cours de négociation entre l'Inde et l'Union Européenne. Nous demandons
au gouvernement français de rendre d'urgence des comptes sur les accords
négociés.

Un accord de libre-échange se négocie depuis deux ans entre l’Union
Européenne et l’Inde. L’une des dispositions de cet accord vise à durcir
les conditions de production et d’exportation des produits
pharmaceutiques, dont ceux destinés à lutter contre le VIH. L'enjeu est
d'importance car l'Inde est la pharmacie des pays pauvres qui n’ont,
eux, d’autres solutions que d’acheter des médicaments à bas prix. Le
résultat de ces négociations dépasse donc largement l’Inde et l’Union
Européenne.

Depuis deux ans, jamais les accords négociés n'ont fait l'objet d'un
débat démocratique éclairé en France, aucune consultation des
associations n'a été organisée par le gouvernement français, malgré les
demandes répétées des associations de lutte contre le sida. Le
gouvernement français a laissé carte blanche à Bercy pour négocier un
accord dont les intérêts principaux pour la commission européenne sont
de protéger l'industrie européenne du médicament. Où étaient le
ministère des affaires étrangères et le ministère de la santé dans ces
négociations ?

Les accords de libre-échange, s'ils sont signés en l'état, notamment
avec une clause augmentant la durée de la protection des données (« data
exclusivity ») auront des conséquences désastreuses qui ne se limiteront
pas à l'accès aux médicaments pour les malades indiens, mais bien à
l'ensemble des pays pauvres qui n'ont d'autre solution qu'acheter des
génériques à bas prix importés d'Inde.

L’Inde pourrait voir dans cet accord une possibilité de protéger son
industrie informatique, au détriment de la production de médicaments à
bas prix. Si l’Inde signe, les compagnies produisant des génériques
désirant déposer un médicament seront obligées de reconduire toutes les
études cliniques. Ce n’est que dans ces conditions que le médicament
pourra être vendu et disponible à un prix abordable pour les malades.
Non seulement cela crée d’énormes barrières financières qui ont un effet
dissuasif sur les fabricants de génériques, mais c’est aussi une
violation de l’éthique médicale, dans la mesure où des populations sont
soumises aux risques d’études cliniques dont les résultats sont déjà
connus.

Rien ne peut justifier que de tels accords soient signés. Ils vont
empêcher des millions de personnes chaque année d'accéder à de meilleurs
traitements, moins toxiques et plus efficaces, et vont même remettre en
cause l'accès aux traitements actuels compte tenu des augmentations de
prix qu'ils vont connaître.

Ces accords ont-ils pour l'Europe l’objectif de booster l'industrie
pharmaceutique européenne de marque pour que celle-ci puisse continuer à
jouir de ses monopoles meurtriers sur des traitements vitaux ?

Nous demandons en urgence :

- que Nicolas Sarkozy et Alain Juppé reçoivent les associations ;

- que dans les plus brefs délais une consultation Elysée / Bercy / MAE /
Ministère de la santé/ ONG soit organisée ;

- que la clause sur la protection des données (data exclusivity) et
l'ensemble des mesures menaçant la capacité de l'Inde à produire et
vendre des génériques soit immédiatement retirée du projet d'accord.

contacts presse :

Act Up-Paris : Pauline Londeix (à Bangkok) : +33 6 47 98 48 58 / Jérôme
Martin (à Paris) : + 33 6 84 47 20 92

Aides : Francesca Belli : + 33 6 10 25 52 03

Sidaction : Francis Gionti : +33 6 73 21 63 97

http://www.unitaid.eu/fr/resources/actualites/320-unitaid-concerned-over-future-of-medicines-access-after-eu-india-fta.html

AUJOURD’HUI DIX MILLIONS DE PERSONNES ONT BESOIN D’UN TRAITEMENT CONTRE
LE SIDA

Genève, 3 mars 2011 – Alors que des manifestations de la société civile
sont prévues cette semaine comme la semaine prochaine dans le monde,
UNITAID souligne son inquiétude au sujet des négociations commerciales
en cours entre l’Union européenne et l’Inde qui pourraient limiter la
capacité de l’Inde à continuer à fournir des traitements vitaux aux pays
en développement. Les indications selon lesquelles les négociations
pourraient conduire à l’introduction de mesures – telles que
l’exclusivité des données – allant au-delà de l’Accord sur les ADPIC et
désignées sous l’appellation de dispositions « ADPIC-Plus » sont
particulièrement préoccupantes.

« Des négociations sur les automobiles, les machines ou d’autres
marchandises sont sans doute une bonne chose », a déclaré Philippe
Douste-Blazy, Président du Conseil d’administration d’UNITAID. « Mais
les médicaments vitaux ne sont pas des marchandises comme les autres.
Nous devons favoriser un environnement politique qui permette de
garantir que les intérêts commerciaux ne sont pas un obstacle à la santé
et au développement humain. »
Selon les estimations de l’ONUSIDA, ce sont 10 millions de personnes qui
ont besoin d’un traitement contre le sida aujourd’hui et qui ne peuvent
y avoir accès, et ce chiffre va croître de manière exponentielle. Ces
personnes auront besoin de médicaments plus récents, plus efficaces,
protégés par des brevets dont la durée de validité peut être d’encore 15
à 20 ans. Même pour les médicaments non protégés par un brevet,
l’introduction de « l’exclusivité des données » signifiera que les
producteurs de génériques ne seront pas en mesure d’accéder aux
informations essentielles concernant l’homologation et les essais
cliniques aussi longtemps que l’exclusivité des données sera applicable.

« Si l’accord de libre-échange introduit des mesures allant au-delà de
l’Accord sur les ADPIC, bon nombre des personnes qui suivent un
traitement aujourd’hui ne seront pas en mesure de bénéficier du
traitement de deuxième intention qui leur sera vital lorsqu’elles
développeront une résistance aux médicaments qu’elles prennent
aujourd’hui », déclare Jorge Bermudez, Secrétaire exécutif d’UNITAID.

On a parlé, à propos de l’Inde, de la pharmacie du monde en
développement parce que depuis plus de 10 ans, elle fournit des
médicaments à des prix abordables aux pays en développement, en
particulier pour le traitement du sida. Selon une étude dirigée par
Brenda Waning, Coordonnateur d’UNITAID chargée de la dynamique des
marchés – A lifeline to treatment: the role of indian generic
manufacturers in supplying antiretroviral medicines to developing
countries – les antirétroviraux génériques fabriqués en Inde ont
représenté plus de 80 % du marché financé par des donateurs dans les
pays en développement depuis 2006 et 87 % des volumes d’achat
d’antirétroviraux en 2008. Dans le domaine des médicaments pédiatriques
pour lutter contre le sida, les produits génériques fabriqués en Inde
ont représenté 91 % du volume total des médicaments en 2008.

Aujourd’hui déjà, alors que l’ALE UE-Inde n’est pas encore entré en
vigueur, des préoccupations existent quant au prix des nouveaux schémas
thérapeutiques de première intention recommandés par l’Organisation
mondiale de la Santé.

Dès 2008, le prix moyen au niveau mondial des génériques indiens pour
les schémas thérapeutiques à base de ténofovir nouvellement recommandés
s’élevait entre 246 et 309 dollars par personne et par an, soit un prix
trois à quatre fois plus élevé que celui de l’ancien schéma
thérapeutique le plus fréquemment utilisé (3TC/NVP/d4T30). Cependant,
les schémas thérapeutiques équivalents composés de génériques non
fabriqués en Inde et des nouveaux ARV sont considérablement plus coûteux
que les médicaments génériques indiens.

« Traiter et endiguer le sida et d’autres maladies qui ravagent le monde
en développement est un enjeu mondial », a ajouté Philippe Douste-Blazy.
« L’Inde et l’Union européenne doivent se montrer responsables et
veiller à un équilibre entre la création de richesses et les vies à
sauver. »