[e-med] Un accord UE-Inde pourrait restreindre l'accès aux médicaments génériques dans les pays pauvres

Un accord UE-Inde pourrait restreindre l'accès aux médicaments génériques
dans les pays pauvres
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MUMBAI, Inde (AP) - Un accord de libre-échange négocié entre l'Union
européenne et New Delhi pourrait réduire l'accès de millions de personnes
dans les pays pauvres à des médicaments génériques bon marché fabriqués en
Inde, affirment les détracteurs du projet.

Des organisations non gouvernementales, dont Médecins sans frontières, et
des entreprises indiennes estiment que les règles sur la propriété
intellectuelle proposées par les Européens entraveront la production des
médicaments génériques indiens à bas coûts utilisés en Inde et dans de
nombreux pays en développement.

"Le sort de millions d'Indiens pauvres sera décidé par un accord de
libre-échange avec l'Europe", déclare Amar Lulla, un responsable de Cipla,
l'un des plus gros producteurs indiens de génériques. "Si les droits de
propriété industrielle l'emportent sur les droits des patients, ce serait un
génocide".

Depuis les années 1970, l'Inde produit des médicaments pour les pays en
développement et a révolutionné le traitement de maladies comme le SIDA, la
tuberculose et le paludisme avec des génériques bon marché. Elle fabrique
aujourd'hui 20% des génériques dans le monde, selon PricewaterhouseCoopers.

L'Europe affirme que rien dans l'accord en négociation n'empêchera l'Inde de
continuer à jouer ce rôle. "L'UE s'engage pleinement à garantir que les
personnes dans les pays les plus pauvres aient accès à des médicaments
abordables", assure John Clancy, porte-parole de l'UE pour les questions
commerciales.

"Rien dans l'accord proposé ne limiterait la liberté de l'Inde de produire
des médicaments vitaux pour l'exportation", précise-t-il. "La Commission
européenne a même proposé une clause légalement contraignante dans les
négociations à cet effet."

L'UE et l'Inde espèrent signer l'accord en octobre. Les tractations se
déroulent en secret, mais l'Associated Press a eu accès à un document de
travail de février 2009 contenant des mesures controversées: elles
allongeraient la protection des droits de propriété industrielle jusqu'à
cinq ans et introduiraient la notion d'"exclusivité des données", qui
pourrait contraindre les producteurs de génériques à de longs et coûteux
essais cliniques, faute de ne plus pouvoir utiliser les données des grands
laboratoires.

Le projet d'accord actuel contient des clauses similaires, selon des sources
proches du dossier. Et Alexandra Heumber, de Médecins sans frontières (MSF),
souligne que les déclarations de bonnes intentions de l'UE resteront vaines
tant que ces mesures ne seront pas retirées du projet. "Ces dispositions
retarderaient la concurrence et prolongeraient le monopole de l'industrie
pharmaceutique", explique-t-elle.

Les entreprises indiennes craignent que l'accord n'affecte les fabricants
indiens de génériques et ne rendent les médicaments plus chers dans le pays.
Amit Mitra, secrétaire général de la Fédération des chambres de commerce et
d'industrie indiennes, un influent groupe de pression, estime que l'accord
est en l'état inacceptable. "Je pense que notre gouvernement n'acceptera pas
quelque chose qui entraverait la capacité de l'Inde à produire des
médicaments bon marché dans le domaine des génériques", souligne-t-il.

L'accord en vue avec l'Europe n'est pas la seule menace potentielle pour
l'industrie indienne des génériques. La longue méfiance entre les
producteurs indiens de génériques et les grandes compagnies pharmaceutiques
internationales s'estompe et certains analystes pensent l'Inde finira par
adopter elle-même des règles plus strictes sur les droits de propriété
intellectuelle.

Sujay Shetty, de PricewaterhouseCoopers, note que les dix plus grandes
compagnies pharmaceutiques indiennes ont consacré en 2008 480 millions de
dollars (363 millions d'euros) à la recherche et au développement, même si
aucune n'a introduit de nouveau médicament sur le marché.

Ces dernières années, l'Europe et les Etats-Unis ont utilisé des accords de
libre-échange bilatéraux pour renforcer les règles de propriété
intellectuelle au-delà de ce qu'impose l'Organisation mondiale du commerce
(OMC). Ces mesures sont censées soutenir l'innovation et l'investissement,
mais leurs détracteurs notent qu'elles ont pour principal effet de faire
grimper le coût des médicaments dans les pays pauvres.

Avec l'Inde, les enjeux sont de taille. MSF estime acheter 80% de ses
traitements contre le SIDA à l'Inde. Le producteur indien Cipla précise de
son côté qu'il fournit des médicaments à un malade du SIDA sur trois en
Afrique.

L'Afrique du Sud, qui compte 5,7 millions de personnes contaminées par le
VIH, un record mondial, distribue gratuitement des médicaments aux malades
du SIDA. La plupart sont des génériques indiens. AP

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