[e-med] Ghana : Le secteur privé prête main forte pour la distribution d'ARV

GHANA : Le secteur privé prête main forte pour la distribution d'ARV

ACCRA, le 14 juin (IRIN) - Freiné par les capacités limitées du secteur
public de la santé, le programme d'accès aux antirétroviraux (ARV) au Ghana
bénéficie désormais du renfort du secteur privé, un partenariat avec des
structures de santé annoncé mercredi.

Le 'réseau Arc-en-ciel' (Rainbow Network), lancé dans la capitale ghanéenne,
est le fruit de négociations menées depuis deux ans par le Programme
national de lutte contre le sida (NACP) ; il s'inscrit dans le cadre du
programme pilote initié en octobre 2005, et financé pour un an à hauteur de
200 000 dollars par l'organisation américaine Family Health International
(FHI).

Grâce à un système de «franchise sociale» délivrée au secteur privé, qui
assure déjà près de 40 pour cent de la prise en charge sanitaire nationale,
ce programme, également expérimenté au Kenya, a pour objectif de permettre à
des structures sanitaires de répondre aux besoins de traitement de
populations vivant dans des zones où le secteur public est absent.

Actuellement, seuls cinq centres publics, tous situés dans la moitié sud du
pays, sont habilités à distribuer ces médicaments qui prolongent et
améliorent la vie des personnes vivant avec le VIH/SIDA. Sur les 72 000
personnes qui auraient besoin de ces traitements, moins de 5 000 en
bénéficient dans le cadre du programme national.

«Le besoin de qualité et de standardisation de l'accès aux soins dans le
pays a donné naissance à ce nouveau partenariat public-privé», s'est
félicité le docteur Derek Aryee, directeur de FHI au Ghana. «Ce partenariat
s'intensifie et il constitue une part essentielle de notre lutte contre
cette épidémie.»

Ainsi, un centre de santé franchisé s'engage à acheter les médicaments et
les fournitures via le NACP, à se conformer aux standards nationaux en
matière de qualité, à se soumettre à des évaluations, et à ne pas dépasser
des prix convenus au préalable dans le cadre du programme pour la délivrance
des traitements.

En échange, le franchisé reçoit la garantie d'un approvisionnement régulier
en ARV, un soutien technique et une formation permanente de son personnel.
Il est associé à un 'label qualité' dont la promotion est assurée par des
campagnes nationales de publicité.

Les membres du réseau Arc-en-ciel ont également établi des passerelles avec
le secteur public pour diriger les patients vers des services spécifiques ;
pour effectuer les analyses biologiques et assurer l'approvisionnement en
ARV et autres médicaments -un soutien que le Ridge hospital, un hôpital
public de la capitale, et le NACP leur ont déjà accordé.

Trois cliniques privées de la capitale ghanéenne, qui collaboraient déjà
avec le NACP, ont immédiatement adopté cette franchise. Cinq autres
structures, dont quatre à Accra et une à Tema, le principal port ghanéen à
20 kilomètres de la capitale, ont reçu le feu vert du NACP pour être
inscrits prochainement sur la liste des sites partenaires du programme.

Hormis la capitale, quatre structures sanitaires supplémentaires, situées
dans les provinces de l'Ouest et du Centre, ont été identifiées comme
partenaires potentiels. Le docteur Aryee a dit espérer pouvoir fournir à ces
centres de santé les capacités nécessaires, en termes de ressources humaines
et d'équipements, pour leur permettre de rejoindre le réseau Arc-en-ciel
d'ici le mois d'août.

Pour poursuivre ce programme au-delà de septembre 2006, FHI a expliqué avoir
sollicité le soutien de la coopération britannique (DFID), qui étudie
actuellement la possibilité de débloquer une enveloppe de 1,1 million de
dollars pour financer l'extension du réseau.

<b>Un rêve devenu réalité</b>

Les trois cliniques pionnières ont salué la mise en place de ce partenariat.
«C'était un rêve, il est devenu réalité», s'est réjoui le docteur Felix
Anyah, directeur de Holy Trinity Hospital, à Accra.

Le même sentiment domine du côté des autorités, car avant la mise en place
de ce programme de franchise, les cliniques privées, dans leur hâte de
délivrer des services VIH/SIDA, ignoraient les sessions de formation
organisées par le NACP et utilisaient leur système d'approvisionnement
auprès des principales firmes pharmaceutiques.

Résultat, le coût élevé du traitement, vendu au patient 100 dollars par mois
en moyenne dans les structures privées -contre environ cinq dollars dans le
cadre du programme national-, ajouté à un approvisionnement irrégulier,
menaçait d'anéantir les efforts d'élargissement de l'accès aux ARV.

Le docteur Aryee a précisé qu'un protocole d'accord avait été signé entre
les trois structures et le NACP, qui a déjà commencé à approvisionner les
membres du réseau Arc-en-ciel en ARV largement subventionnés, afin que les
cliniques privées puissent délivrer ces médicaments aux patients à un coût
mensuel n'excédant pas 40 dollars.

Ce coût inclut les tests de suivi biologiques, qui, à Accra, seront
effectués par le centre hospitalier partenaire du réseau, le Ridge Hospital.

La baisse du coût du traitement et la régularité des approvisionnements dans
les structures privées, généralement fréquentées par des personnes qui
préfèrent éviter les hôpitaux publics et se faire soigner plus discrètement
pour éviter la stigmatisation, devrait permettre de limiter le nombre de
patients qui abandonnent leur thérapie, a espéré FHI.

Le protocole d'accord prévoit également que le NACP fournisse gratuitement
aux partenaires privés des traitements pour les infections opportunistes,
qui s'attaquent aux organismes affaiblis par le VIH -des médicaments qui
seront revendus aux patients au même prix que dans les hôpitaux publics.

Parallèlement, FHI a apporté un soutien technique et logistique aux
cliniques privées en les aidant à mettre en place des bases de données,
grâce à des dons d'ordinateurs et de logiciels.

Sakyi Awuku Amoa, le directeur général de la Commission nationale sur le
sida (GAC, en anglais), a souligné que l'implication du secteur privé dans
les efforts de lutte contre le sida s'inscrivait dans la logique de la
stratégie développée par le Ghana pour freiner la propagation du virus.

Les autorités ont à plusieurs reprises ces derniers mois affirmé leur
intention d'augmenter rapidement le nombre de centres de distribution d'ARV,
avec pour objectif affiché de mettre ces médicaments à disposition des
patients dans les dix régions du pays avant la fin 2006.

Mais de nombreux acteurs de la lutte contre le sida au Ghana ont estimé que
le manque de moyens du secteur public de la santé et la pénurie de
professionnels à laquelle est confronté ce secteur rendait l'élargissement
de l'accès aux ARV utopique sans l'aide du secteur privé.[ENDS]