[e-med] Gratuité des ARV au Burkina: Des responsables de réseau donnent leurs appréciations

Gratuité des ARV
Des responsables de réseau donnent leurs appréciations
Sidwaya n° 6584 du jeudi 7 janvier 2010

Le président du Conseil national de lutte contre le Sida et les Infections
sexuellement transmissibles (CNLS-IST), le chef de l’Etat, Blaise Compaoré,
a fait un cadeau du nouvel an aux acteurs de la lutte contre le Sida ô
combien inestimable : la gratuité des Antiretroviraux (ARV) ! Deux
responsables de réseaux d’associations, Simon Kaboré du Réseau accès aux
médicaments éssentiels (RAME) et Martine Somda, présidente de la Coalition
des réseaux et associations de lutte contre le Sida (CORAB) donnent leurs
appréciations.

*Martine Somda, présidente de la Coalition des réseaux et associations de
lutte contre le Sida (CORAB) :*

En tant que personne vivant avec le VIH, l’annonce de la gratuité par le
Président du Faso a fait bondir mon cœur de joie car je viens de voir un
solutionnement d’une partie de nos problèmes. En tant que présidente de la
CORAB, c’est un sentiment de joie, la réalisation d’un vœu longtemps attendu
par les acteurs de la lutte contre le VIH/Sida et les malades.

En effet, le 1er décembre 2004, sous l’initiative de REVS+ et du RAME, une
marche a eu lieu à Bobo– Dioulasso avec tous les acteurs de la lutte contre
le VIH/Sida parce que déjà nous avions observé une inaccessibilité des
personnes vivant avec le VIH aux soins et au traitement à cause du coût des
ARV. La gratuité des traitements va permettre aux acteurs de la lutte
d’avoir une équité dans l’accessibilité au traitement (plus besoin d’être
riche ou pauvre), une meilleure observance au traitement, plus d’initiatives
massives au dépistage du VIH/Sida et une prise en charge précoce des
personnes dépistées positives au traitement.

Cette déclaration est entre autre pour nous comme une victoire à l’actif des
acteurs communautaires dans la mesure où ils l’ont toujours souhaité et ont
toujours fait le plaidoyer dans ce sens. Personnellement, la gratuité du
traitement a toujours été d’une importance capitale dans mes plaidoyers
depuis le début de la lutte.

Le Président du Faso étant le premier responsable de la lutte contre le
VIH/Sida au Burkina Faso et connaissant le contexte dans lequel cette lutte
est menée, il ne pouvait pas rester insensible à cette préoccupation de sa
population.

C’est donc une victoire de l’ensemble des acteurs de la lutte contre le
VIH/Sida au Burkina Faso avec à sa tête le Président lui-même. Nous
souhaitons et nous espérons de tout cœur que ce serait le meilleur cadeau de
l’an 2010 si des mesures d’accompagnement pour éviter d’éventuelles
difficultés d’approvisionnement et de suivi biologique sont prises en
compte : la disponibilité continue des ARV, la décentralisation effective
des soins et des traitements jusqu’aux confins les plus reculés de notre
pays, la prise en compte des analyses biologiques dans cette gratuité car
c’est le volet le plus cher et sa gratuité enlèvera une épine du pied des
PVVIH.

En outre, la disponibilité et une meilleure accessibilité de la prise en
charge et du dépistage ainsi que la disponibilité et l’accessibilité de
prescripteurs compétents à travers le pays et surtout que cette gratuité
annoncée soit effective dès la déclaration.

En ce début de l’année 2010, en tant que présidente de la CORAB, je profite
de l’occasion pour présenter mes vœux à tous les Burkinabè, aux différents
acteurs de la lutte contre le VIH/Sida, à nos responsables politiques,
administratifs, religieux et coutumiers et spécialement à tous ceux qui
vivent avec le VIH/Sida. Santé, paix, amour et tolérance. Bonne et heureuse
année 2010.

*Simon Kaboré, PCA du Réseau accès aux médicaments essentiels (RAME) :*

Nous avons tout d’abord un sentiment de fierté pour le Burkina Faso parce
qu’enfin nous pourrons dire partout que notre pays aussi applique la
gratuité du traitement ARV à l’instar d’autres pays africains. Deuxièmement,
c’est un sentiment de satisfaction, parce que nous avons mené le plaidoyer
pour la gratuité des ARV depuis 2003 et les autorités sanitaires nous
laissaient entendre que la gratuité est un leurre.

Nous nous réjouissons aujourd’hui que le Président du Faso, plein de
réalisme, tranche en faveur de notre plaidoyer. C’est aussi un sentiment de
défi, parce que nous sommes conscients que la gratuité du traitement ARV a
un coût très important et que chacun de nous doit s’impliquer dans la
mobilisation des ressources pour sa mise en œuvre effective et pérenne.

Nous regrettons tout de même que nous ayons mis autant de temps pour arriver
à cette décision. Tout le temps mis dans la polémique a été autant
d’occasions où des malades se sont épuisés financièrement pour se soigner au
détriment de leur alimentation, de la scolarité et de la santé de leurs
enfants et de tous les autres besoins vitaux. Beaucoup d’entre eux ne vivent
plus de nos jours, et en leur nom, je demanderai que les autorités
compétentes aient plus de diligence dans le traitement des revendications,
ou des recommandations de la société civile.

Dans les perceptions les plus répandues, qui parle de victoire parle de
vainqueurs et de vaincus. Je tiens à préciser que notre combat ne s’inscrit
dans cette logique mais plutôt dans celle des grands courants de luttes
sociales basées sur les principes de la non-violence telle que les ont
menées Martin Luther King et le Mahamat Gandhi.

Un des principes de cette non-violence est surtout de chercher à convaincre
mais non vaincre. Celui qui a été convaincu a du mérite pour sa perméabilité
et son intelligence qui lui a permis d’accepter votre argumentaire. Vous
avez du mérite également dans l’efficacité de votre stratégie et pour avoir
trouvé les éléments-clés pour convaincre votre égo d’en face. Ainsi,
ensemble, vous avez de bonnes dispositions pour mettre en œuvre la
disposition adoptée.

Ce qui n’est pas le cas dans une situation de vaincu qui se sent affaibli et
honteux et un vainqueur fier de loin et de sa hauteur n’est pas prêt à
collaborer avec le vaincu pour réussir la mise en œuvre de l’élément de
victoire.

Donc l’adhésion du Président du Faso à notre requête est une victoire de
tous les acteurs impliqués : le RAME et ses membres pour l’initiative de
plaidoyer et la persévérance, les associations qui ont appuyé le plaidoyer
du RAME, les partenaires techniques et financiers qui n’ont cessé de
suggérer continuellement l’adoption de cette mesure, les prestataires des
centres de soins qui ont toujours fait remonter les effets négatifs de la
contribution financière des patients, le SP/CNLS qui a su orienter en temps
opportun la décision présidentielle et enfin le Président du Faso qui a fait
preuve de diligence et de réalisme en adoptant la gratuité du traitement
ARV.

C’est juste une victoire du réalisme, de l’empathie, du droit et du défi sur
le conservatisme systémique. Pourtant, parmi les acteurs cités plus haut,
aucun n’a spécifiquement le monopole de tel ou tel autre de ces éléments.
Donc, on ne peut parler d’une victoire d’un acteur sur tel autre. En suivant
le SP/CNLS au journal télévisé de la TNB, le leitmotiv des autorités est la
« prudence ».

Je ne doute pas alors que des mesures aient été envisagées pour accompagner
la mise en œuvre de cette mesure, pour éviter que nous tombions dans des
situations de ruptures d’ARV, de médicaments contre les infections
opportunistes ou de réactifs pour le suivi biologique. Je me dis que dans
les jours à venir, le SP/CNLS communiquera plus sur ces mesures
d’accompagnement.

Dans ce sens, nous savons qu’il ne ménagera aucun effort pour cela. Surtout
que c’est la crédibilité du Président qui va se jouer au cours d’une année
d’élection présidentielle. Nous concernant, nous sommes conscients des
actions que nous devons mener pour accompagner cette mesure et elles sont
déjà inscrites dans notre plan stratégique 2010-2014.

Ce sont essentiellement : le plaidoyer pour l’augmentation des financements
nationaux et internationaux, la promotion de la bonne gouvernance dans la
lutte contre le VIH/SIDA, la protection des droits des PVVIH, la mise en
place d’un système de veille sur les blocages dans l’accès des PVVIH aux
soins dans toutes les régions du Burkina Faso. Pour la presse, nous espérons
plus de disponibilité pour relayer les succès et les limites de
l’application de cette mesure présidentielle.

*Propos recueillis par Charles OUEDRAOGO*

--
Simon KABORE
Coordonnateur du Réseau Accès aux Médicaments Essentiels (RAME)
04 BP: 8038 Ouagadougou 04 Burkina Faso
Tel: bur (226) 50 34 55 32
        Cel: (226) 70 24 44 55
E-mail alternatif: simonkabore@rame-bf.org