HIV chez le nourrisson : traiter tard tue
http://www.jim.fr/en_direct/grds_etudes/e-docs/00/01/98/1E/document_grandes_
etudes.phtml
Le moment optimum pour débuter un traitement anti-rétroviral a été lobjet
de débats passionnés depuis lapparition de la zidovudine ! Pendant des
années, les partisans dun traitement précoce se sont affrontés à ceux dune
stratégie réservant les anti-rétroviraux aux stades plus avancés de la
maladie. Les succès obtenus avec les multithérapies anti-rétrovirales ont
émoussé lintérêt de ces débats dans les pays développés où les médicaments
actifs sont facilement accessibles.
Cependant dans les pays pauvres, la question demeure posée en raison du prix
de certaines nouvelles molécules et du risque dapparition de résistance qui
pourrait être favorisée par une mauvaise observance. Le problème est
particulièrement crucial pour les nourrissons infectés in utero ou à la
naissance.
Cest dans ce cadre qua été conçue en Afrique du Sud létude CHER (pour
Children with HIV Early antiretroviral Therapy).
Trois cent soixante dix-sept nourrissons de 6 à 12 semaines, infectés par le
HIV in utero ou à la naissance (PCR positive et charge virale supérieure à
1000/ml), et ayant plus de 25 % de lymphocytes CD4 ont été inclus dans cette
étude à Soweto et au Cap. Tous ces enfants ont été surveillés de très près
avec bilans cliniques et biologiques rapprochés pendant 2 ans. Ces
nourrissons ont été randomisés entre 3 groupes :
- traitement anti-rétroviral retardé, débuté si les CD4 diminuaient en
dessous de 20 % (ou de 25 % avant lâge de un an) ou si des signes cliniques
de stade C ou B sévère du CDC apparaissaient ;
- traitement précoce débuté immédiatement et poursuivi systématiquement
durant un an ou deux ans.
Le traitement reposait sur une association lopinavir-ritonavir, zidovudine
et lamivudine.
Après un suivi médian de 40 semaines lessai a été interrompu en raison de
la diminution hautement significative de la morbi-mortalité avec le
traitement immédiat.
Même à Soweto, on peut et on doit traiter tôt
Vingt enfants du groupe traitement retardé (16 %) sont décédés contre 10 (4
%) dans les groupes traitements immédiats (risque diminué de 76 % avec un
intervalle de confiance à 95 % [IC95] entre 49 et 89 % ; p<0,001). De plus,
malgré une surveillance rapprochée (bilan clinique et biologique toutes les
4 semaines durant les 6 premiers mois) 26 % des nourrissons du groupe
traitement différé ont progressé vers un stade C ou B grave du CDC contre 6
% du groupe traitement précoce (p<0,001).
Enfin il faut noter que dans le groupe traitement retardé 66 % des
nourrissons ont du recevoir un traitement anti-retroviral en raison dune
évolution biologique ou clinique défavorable.
Il est important dinsister sur le fait que, chez ces enfants de moins de un
an et surtout avant 6 mois, lévolution de la maladie peut être extrêmement
rapide et que même avec une surveillance rapprochée (qui ne peut être
proposée dans ces pays très pauvres en dehors du cadre dun essai clinique),
on ne peut éviter des décès rapides avec une stratégie de traitement
retardé. Ainsi 15 des 20 enfants décédés dans le groupe traitement différé
sont morts avant quun traitement puisse être débuté dont 8 à leur domicile.
Dans les pays pauvres, un traitement immédiat des nourrissons infectés par
le HIV est donc un impératif médical. Ce qui confirme ce que lexpérience de
plus dun demi-siècle de médicaments anti-infectieux, aurait dû nous
apprendre : en matière de pathologie infectieuse, si lon dispose de
médicaments efficaces et bien tolérés, un traitement précoce est préférable
à un traitement différé jusquà preuve du contraire
Dr Anastasia Roublev
Volari A et coll. : Early antiretroviral therapy and mortality among
HIV-infected infants. N Engl J Med 2008; 359: 2233-44.