L'ONU lance un appel aux bailleurs pour financer la lutter contre l'épidémie
de choléra
UN Integrated Regional Information Networks
8 Novembre 2005
Publié sur le web le 9 Novembre 2005
Dakar
- L'Organisation des Nations unies (ONU) vient de lancer un appel aux
bailleurs de fonds pour collecter 3,2 millions de dollars américains qui
serviront à aider six pays ouest africains à lutter contre le choléra, une
maladie qui, selon l'ONU, a fait au moins 700 victimes et infecté plus de 42
000 personnes dans la région depuis le mois de juin.
C'est le premier appel du genre que l'ONU lance pour l'Afrique de l'ouest
qui est frappée par une épidémie de choléra à chaque saison des pluies. Mais
cette année, les pluies diluviennes qui se sont abattues sur la région ont
amplifié le phénomène, provoquant une recrudescence des cas de choléra. Par
ailleurs, la mobilité des populations dans la région et l'exode rural ont
contribué à propager la maladie.
« Il est nécessaire de contenir le choléra dans la sous-région et d'aider
les systèmes de santé à éradiquer cette épidémie, afin qu'elle ne devienne
pas un phénomène chronique et qu'elle ne s'étende pas aux pays voisins comme
le Tchad, le Nigeria et le Cameroun » a déclaré Hervé Ludovic de Lys, le
directeur régional d'OCHA (Bureau des Nations unies pour la coordination des
affaires humanitaires) pour l'Afrique de l'ouest.
Près de la moitié des fonds - servant à appuyer les efforts continus du
gouvernement et des agences humanitaires de l'ONU- est destinée à la
Guinée-Bissau, un pays de près de 1,5 millions d'habitants où, à la
mi-octobre, le choléra avait fait 320 victimes et touché 20 415 personnes,
selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Alors que la saison des pluies tire à sa fin, le choléra recule dans la
plupart des pays de la région, mais de nouvelles infections se déclarent
encore dans certaines zones et à brèves et longues échéances, d'importants
défis restent à relever, affirment les experts de la santé.
« Si nous ne faisons rien maintenant pour renforcer la capacité du
gouvernement à réagir, à attirer l'attention de la communauté internationale
et à améliorer les conditions d'hygiène et les systèmes d'assainissement, le
choléra continuera de poser un grave problème », a affirmé John Mulangu, le
coordinateur pour l'Afrique de l'ouest des secours d'urgence de l'OMS.
Touchant des zones déjà défavorisées, le choléra est un frein au
développement, selon l'ONU. « Outre la souffrance humaine qu'il entraîne,
les épidémies de choléra font peur, bouleversent les structures économiques
et sociales et affectent les communautés, pèsent énormément sur les systèmes
de santé déjà précaires et constituent un obstacle au développement ».
Les gouvernements de la région - qui couvre quelques-uns des pays les plus
pauvres de la planète - essayent tant bien que mal de prendre en charge
leurs malades et d'endiguer cette maladie très contagieuse.
Dans certains cas, les autorités ont interdit aux vendeurs ambulants de
vendre des sachets d'eau et des aliments dans les rues. En Guinée Bissau, le
gouvernement a également interdit temporairement les cérémonies
traditionnelles, mais selon les autorités sanitaires de telles mesures sont
difficiles à appliquer.
Dans le cadre de l'appel de fonds, l'ONU a proposé un programme
d'investissement pour couvrir des besoins de base tels que la formation du
personnel médical et des agents de santé communautaires et la construction
de systèmes sanitaires décents car l'absence de ces deux éléments contribue
à propager la maladie.
La Gambie, le Mali, la Mauritanie, Sao Tome et Principe et le Sénégal
bénéficieront également de ce programme d'investissement d'une durée de six
mois.
Au Sénégal, le choléra a fait près de 400 victimes cette année et affecté
plus de 27 000 personnes, selon l'OMS.
Le choléra est une infection intestinale aiguë qui provoque une rapide
déshydratation de l'organisme et la mort en l'espace de 24 heures, alors
qu'une simple solution d'eau, de sucre et de sel permettrait de réhydrater
les patients et de sauver de nombreuses vies.
Et selon les professionnels de santé, de simples mesures d'hygiène peuvent
freiner de manière significative la propagation de la maladie.
Ciré N'Dao, vendeuse de bijoux au marché de Médina, à Dakar, affirme que
depuis que la radio et les chefs religieux parlent du choléra, elle applique
à la lettre les mesures d'hygiène qu'ils recommandent.
Derrière son étal au marché, on trouve deux bassines - une avec de l'eau
javellisée pour se laver les mains et une autre pour l'eau usée. Elle garde
également de vieilles brosses à dent que sa famille et elle utilisent pour
se frotter les ongles.
Selon elle, certaines personnes appliquent strictement les mesures d'hygiène
pendant un laps de temps, lors des campagnes de lutte contre le choléra,
puis relâchent leur vigilance.
« Ils en ont marre de toutes ces mesures, puis ils ne les appliquent plus.
Ou, d'autres se lavent les mains et javellisent l'eau pendant la journée,
mais oublient de le faire le soir. Ce qu'il faut leur faire comprendre,
c'est que la propreté est une affaire de tous les instants ».
La maladie des pauvres
« Le choléra est associé à la pauvreté » a déclaré le docteur Malang Coly,
chargé de programmes de l'OMS à Dakar. L'épidémie régionale de cette année
« est le signe que les personnes deviennent de plus en plus pauvres ».
Selon les autorités sanitaires, la pauvreté et le comportement des
populations créent inéluctablement les conditions favorables à la
propagation rapide de la maladie.
« La pauvreté et le comportement vont de paire », a déclaré à IRIN
Claire-Lise Chaignat, la spécialiste du choléra à l'OMS.
« Lorsque les personnes sont moins pauvres, elles sont mieux éduquées et
plus à même de se prémunir contre le choléra ».
« Les gens respectent les mesures d'hygiène en fonction de leurs moyens », a
ajouté la représentante du Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF)
au Mali, Frances Turner. L'eau de javel et le savon sont hors de portée de
certaines bourses. Et pour de nombreuses personnes, les sources d'eau
potable, quand elles existent, sont à plusieurs kilomètres de leurs
habitations.
« Les convenances du moment font parfois oublier les comportements sains »,
a-t-elle précisé.
Mme Turner a souligné par ailleurs que le manque d'éducation contribue à la
propagation de maladies infectieuses comme le choléra. « Seule une femme sur
cinq au Mali est alphabétisée, ce qui peut expliquer la lenteur des
changements de comportement ».
L'indifférence face aux messages de prévention
Pour Moussa Dieng Sarr du ministère sénégalais de la Santé, le choléra n'est
pas simplement un problème de pauvreté. Une analyse plus poussée devrait
être menée pour comprendre les raisons qui poussent certaines personnes à ne
pas tenir compte des mises en garde.
« Il faut aller au-delà du fait que les gens n'ont pas les moyens », a t-il
déclaré. « Tant que nous n'aurons pas fait cette démarche et compris
pourquoi certaines personnes ne prennent aucune mesure préventive, le
choléra continuera, malheureusement, d'être un problème de santé publique ».
Selon Sarr, le porte à porte qui permet au personnel de santé de s'adresser
directement à la population - une stratégie préconisée par le programme des
Nations unies dans certains pays affectés - est plus effectif que les
campagnes médiatiques.
Un électricien de 28 ans, qui a préféré garder l'anonymat, a affirmé qu'il a
vu à la télévision toutes les mesures préventives recommandées par les
services publics pour lutter contre le choléra.
« Certaines personnes les appliquent, mais d'autres pas. Il est difficile de
se l'expliquer ».
Selon lui, beaucoup de personnes - y compris lui-même - ne se sentent pas
concernées par la maladie car elles n'ont jamais vu de personnes infectées.
Trop souvent, les gens ne réagissent que lorsqu'un proche est mort du
choléra.
« Ici, nous sommes des médecins après la mort ».