[e-med] L’OMS pense à délocaliser

L’OMS pense à délocaliser
Par Julie <mailto:julie.zaugg@hebdo.ch> Zaugg - Mis en ligne le 13.07.2011
à 09:56
http://www.hebdo.ch/pense_a_delocaliser_113700_.html

L’Organisation mondiale de la santé doit économiser. Elle songe à renforcer
sa présence dans ses centres régionaux, au détriment du siège genevois.

Le gros cube solidement planté sur deux pilotis qui abrite l’Organisation
mondiale de la santé (OMS) a des airs immuables sous le soleil de plomb de
juillet. Pourtant, l’institution vacille. Pour 2010 et 2011, son budget
estimé entre 3,7 à 3,9 milliards de dollars comporte un trou de 600
millions.

Confrontée à une baisse de 10 à 15% de ses contributions volontaires à cause
de la crise financière, et à la force du franc, devise dans laquelle elle
est contrainte de payer ses salariés suisses, l’organisation devra subir une
cure d’austérité drastique.

Quelque 350 postes, sur les 2370 que compte le siège genevois, vont être
supprimés d’ici à la fin de l’année. «Si le dollar se dégrade encore, cela
pourrait toucher jusqu’à 500 personnes», précise Lahouari Belgharbi, le chef
de l’association du personnel de l’OMS.

A cela, il faut ajouter 167 départs à la retraite prévus dans les deux
prochaines années, «dont certains pourraient ne pas être remplacés».

Mais ces réductions de postes ne sont pas de simples coupes linéaires. Elles
s’inscrivent dans une stratégie à long terme, visant à délocaliser une
partie des activités accomplies au coûteux siège genevois. «Bien que le
nombre d’employés n’ait crû que de 8% entre 2006 et 2010, les frais de
personnel ont augmenté de 40% durant la même période», détaille
l’organisation dans une circulaire publiée sur son intranet et dont L’Hebdo
a obtenu copie.

La force du franc, mais aussi le coût élevé de la vie et des salaires sont
en cause. «Actuellement, même si nos frais restent stables, nous perdons de
l’argent en raison des fluctuations du taux de change, précise Andrew
Cassels, directeur de la stratégie au sein de la direction générale de
l’OMS.

A cette aune, redéployer du personnel à l’étranger permettrait d’accroître
notre efficience financière.» Une partie des licenciements genevois pourrait
se transformer en délocalisations.

Hubs régionaux. Concrètement, l’organisation souhaite renforcer sa présence
dans ses hubs régionaux (Brazzaville, Delhi, Manille, Le Caire, Washington,
Copenhague) aux dépens de Genève. L’Asie, l’Afrique et l’Amérique latine
seraient en première ligne. «Cette idée est en phase d’exploration»,
confirme Andrew Cassels.

Un document de travail daté du 23 mars 2011 concernant la division general
management indique que le ratio actuel de 70:30 entre le siège et les
régions devra sans doute être renforcé, «ce qui impliquera de nouvelles
coupes significatives» à Genève.

Si la réduction des coûts est la raison d’être de ce projet, ce n’est pas la
seule logique à l’œuvre. «Cela permettrait de rapprocher le personnel
qualifié du terrain, là où sont les besoins, de résoudre les problèmes de
mobilité qui se posent dans certaines régions comme l’Afrique ou, encore, de
créer des pôles thématiques, par exemple autour des vaccins à Bangkok»,
explique Andrew Cassels.

Il met d’ailleurs en garde contre une logique purement financière: «Un
centre régional comme celui de Brazzaville ne coûte pas forcément beaucoup
moins cher – proportionnellement – que le siège de Genève, notamment en
raison des frais élevés de sécurité.»

Une première expérience de délocalisation a déjà eu lieu: en 2008,
l’ensemble de la gestion administrative de l’OMS a été déplacé dans un
centre offshore à Kuala Lumpur. L’opération a touché 276 employés du siège
qui ont pu être replacés ailleurs ou ont bénéficié d’une retraite anticipée
– et devait permettre d’économiser 51,7 millions de dollars sur huit ans,
selon un rapport de l’ONU publié en 2009, qui précise «qu’un professionnel
de niveau P-3 coûte 75% de moins à Kuala Lumpur qu’à Genève».

Retombées locales. «Globalement, on va vers une réduction du personnel au
siège», estime Lahouari Belgharbi, qui se demande «si les autorités
genevoises ont vraiment pris la mesure de ce que cela impliquerait pour
l’économie locale».

Ce n’est pas certain. «Cela fait vingt ans qu’on parle de délocalisations,
note, peu ému, Olivier Coutau, délégué à la Genève internationale.

Le CICR a déplacé sa comptabilité aux Philippines dans les années 90 et le
HCR a déménagé ses services administratifs à Budapest en 2008, mais il n’y a
pas eu de fluctuations dans le nombre de personnes travaillant pour la
Genève internationale.» Ils sont 28 173 et suscitent des retombées de 3
milliards de francs par an, soit 9% du PIB cantonal.

Ces dernières années, les ONG œuvrant dans la santé publique comme le Fonds
mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme ou
l’Alliance globale pour les vaccins et l’immunisation, se sont fortement
développées, tout comme le CERN depuis le lancement du LHC, constate Olivier
Coutau. «Des organisations arrivent et d’autres partent; il s’agit d’un
milieu mouvant.»