La lutte contre le SIDA menacée (MSF)
29/11/2010
http://www.msf-azg.be/fr/main-menu/actualites/infos/news-detail/table/1612.html
Le traitement du VIH/sida dans les pays en développement est en train de
subir un un double revers dont les conséquences sont les suivantes : les
recommandations de traitement ne pourront plus être mises en ouvre et la
promesse d'une nouvelle science restera lettre morte, indique l'organisation
humanitaire médicale Médecins Sans Frontières (MSF).
« Le prix des nouveaux médicaments dont nous avons besoin va atteindre des
sommets, juste au moment où les donateurs ont décidé de revenir sur leur
promesse d'étendre le traitement du sida » indique le Dr. Gilles van Cutsem,
coordinateur médical de MSF pour l'Afrique du Sud et le Lesotho. « En tant
que médecins essayant de soigner des malades atteints du VIH/sida, nous
avons l'impression d'avoir les mains liées ».
Les dernières recommandations de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS)
portent sur le traitement précoce des malades avec des médicaments mieux
tolérés. La nouvelle stratégie consiste à soigner les personnes avant qu'elles
ne soient contaminées par des infections opportunistes telles que la
tuberculose. Les informations publiées récemment sur le projet de MSF au
Lesotho montrent l'intérêt de cette nouvelle stratégie : en effet, un
traitement précoce a permis de réduire la mortalité de 68%, l'apparition de
nouvelles maladies de 27%, les hospitalisations de 63% et de 39% les
personnes n'ayant pas accès aux soins.
Cette stratégie de traitement précoce bénéficie tant aux patients qu'à la
société dans son ensemble, car son action diminue la charge virale et dès
lors le risque de transmission du virus. La recherche en Afrique a montré
que le traitement du sida peut réduire la transmission hétérosexuelle du
virus de 92%.
« Nous cernons de mieux en mieux le problème pour pouvoir enrayer
l'épidémie » explique Gilles Van Cutsem. « Mais au moment où nous
commençons à entrevoir les perspectives prometteuses des dernières
recommandations de traitement, nous constatons que le financement des
donateurs pour lutter contre le VIH/sida n'augmente pas pour autant. Même l'Afrique
du Sud, un pays à revenu intermédiaire et qui dispose du plus important
programme ART (antirétroviraux) au monde, aura des difficultés à mettre en
ouvre les recommandations de l'OMS dans leur intégralité si sa proposition
au Fonds mondial, au titre du round 10, est rejetée. »
Les dernières promesses de financement s'élèvent à 11,7 milliards de
dollars seulement alors que le Fonds mondial avait déclaré avoir besoin de
20 milliards de dollars. Le programme PEPFAR financé par les Etats-Unis et
qui soutient près de la moitié des patients bénéficiant d'un traitement
contre le VIH/sida dans les pays en développement, a plafonné ses
contributions pour la troisième année consécutive.
Parallèlement, les pays riches s'emploient à accorder des avantages injustes
à des entreprises qui fabriquent des produits brevetés, limitant l'accès aux
médicaments génériques et faisant grimper les prix. 80% des médicaments que
MSF utilise pour soigner 160 000 personnes viennent de producteurs
génériques établis en Inde, surnommée la « pharmacie des pays en
développement », ainsi que plus de 80% des médicaments contre le sida
financés par les bailleurs de fonds internationaux. La position de l'Inde
en tant que fournisseur de médicaments abordables a déjà été menacée par des
règles formulées par l'Organisation mondiale du Commerce qui obligent l'Inde
à délivrer des brevets pour les médicaments.
Pourtant l'Inde dispose d'une législation en matière de brevets qui impose
des restrictions très strictes sur ce qui peut ou ne peut pas être breveté,
afin de défendre les intérêts de la santé publique. Des multinationales
pharmaceutiques ont bien tenté de renverser cette loi mais elles ont échoué.
A présent, l'Union européenne reprend le flambeau. Dans le cadre des
négociations pour un accord de libre-échange avec l'Inde, l'Union européenne
tente d'imposer des mesures telles que « l'exclusivité des données » qui
limiteraient davantage encore la capacité des producteurs génériques de
mettre des médicaments génériques abordables sur le marché. Si l'Union
européenne obtient gain de cause, l'accès à des versions génériques bon
marché de nouveaux médicaments nécessaires pour enrayer le VIH/sida sera
fortement compromis.
"Nous ne pouvons pas nous permettre de regarder les pays riches nous voler
notre capacité de soigner les personnes vivant avec le VIH/sida » déclare le
Dr. Tido von Schoen-Angerer, directeur général de la Campagne MSF pour l'Accès
aux médicaments essentiels. « Nous demandons à tous les citoyens de prendre
position et de dire qu'ils s'opposent à ce que la Commission européenne
entre dans le jeu des entreprises pharmaceutiques ».
MSF fournit un traitement antirétroviral depuis 2000 et soigne aujourd'hui
plus de 160 000 personnes vivant avec le VIH/sida. Cinq millions de
personnes suivent un traitement aujourd'hui dans les pays en développement.
Cela représente des progrès non négligeables, mais dix millions de personnes
attendent leur tour et mourront dans les années à venir si elles ne sont pas
soignées.