L'Afrique mal préparée à l'arrivée du coronavirus
PAR DAMIEN COULOMB - PUBLIÉ LE 20/03/2020
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Alors que le continent est encore relativement peu touché par le Covid-19, Tedros Adhanom Ghebreyesus a enjoint les États africains de prendre dès maintenant des mesures fortes face à un « ennemi de l’humanité ».
À la date du 19 mars 2020, 367 cas de Covid-19 seulement étaient confirmés sur le continent africain, dont 7 décès. Des chiffres qui ne rassurent pas le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus pour qui de nombreux cas n’étaient sans doute pas détectés ou signalés. « L’Afrique devrait se réveiller, mon continent devrait se réveiller », a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse téléphonique.
« Ce coronavirus constitue une menace sans précédent. Mais c’est aussi une occasion sans précédent de nous rassembler contre un ennemi commun, un ennemi de l’humanité », a-t-il poursuivi, rappelant que « plus de 200 000 cas ont été signalés à l’OMS et plus de 8 000 personnes ont perdu la vie », 80 % de ces cas ont été recensés en Europe et dans le Pacifique occidental.
« Dans d’autres pays, nous avons vu comment le virus s’accélère après un certain seuil. Donc le meilleur conseil à donner à l’Afrique est de se préparer au pire et de se préparer dès aujourd’hui », a affirmé Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Une « task force » mise en place
Une task force africaine pour la préparation et la réponse au coronavirus (AFTCOR) a été mise en place pour travailler sur 6 thématiques : le diagnostic et le sous-typage, la surveillance de l'épidémie et l'organisation du dépistage dans les points d'entrée et son impact sur l'activité transfrontalière, la prévention et le contrôle de l'infection dans les établissements de santé, l'évolution clinique des patients présentant un cas sévère de Covid-19, la communication du risque et la gestion de la logistique et de stockage.
Si l'épidémie de Covid-19 devait se répandre rapidement en Afrique, la plupart des pays n'auraient pas les moyens réaliser des diagnostics à large échelle. Aussi, l'AFTCOR pourrait déployer des capacités dans plus de 40 pays africains.
Un impact sur la santé publique en général
Certains experts expriment par ailleurs leurs craintes quant à l'impact de l'épidémie de Covid-19 sur plusieurs campagnes de santé publique, et notamment pour la prévention du paludisme. Dans un commentaire publié dans le « Lancet », des spécialistes chinois, allemands et sénégalais estiment que le « potentiel infectieux de la maladie pourrait miner les efforts de contrôle de l'épidémie de paludisme ».
Ils rappellent les cruels enseignements de l'épidémie d'Ebola survenue entre 2014 et 2016 en Afrique de l'Ouest. Rien qu'en Guinée, on estime que 74 000 cas de fièvre paludique de plus que les années passées ont été observées au cours de l'épidémie d'Ebola. De plus, plus de 7 000 décès supplémentaires liés au paludisme chez des enfants de moins 5 ans ont également été observés.
Les auteurs expliquent cette situation passée par la proximité entre les symptômes de l'infection par le virus Ebola et ceux du paludisme. Cela avait conduit à des confusions et à des mises à l'écart par la communauté. De plus l'épidémie d'Ebola avait sévèrement touché la communauté médicale, et submergé les services de santé, réduisant d'autant les ressources disponibles pour lutter contre le paludisme.
Depuis le 12 mars, des cas d'infections par le SARS-Cov-2 sont signalés dans des régions où le paludisme est hautement endémique : le Nigeria, le Sénégal, et la République démocratique du Congo.