AFRIQUE: Débordés et mal protégés
http://www.irinnews.org/fr/ReportFrench.aspx?ReportId=81831
Des travailleurs de la santé mal protégés contre le VIH et la TB
DAKAR, 5 décembre 2008 (PlusNews) - Tandis que les travailleurs de la santé
en Afrique subsaharienne luttent pour gérer les surcharges de travail
induites par le VIH/SIDA, une nouvelle étude vient rappeler que leurs
besoins ont été largement négligés jusqu’à maintenant.
Les hôpitaux ne parviennent pas à protéger leur personnel des infections VIH
et tuberculose (TB), et les travailleurs sanitaires manquent souvent d’un
accès adapté à des services VIH/SIDA, selon une étude réalisée par
l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au Kenya, Malawi, Zimbabwe,
Mozambique et Ethiopie.
Cette étude, publiée le 3 décembre dans le cadre de la 15ème Conférence
internationale sur le sida et les infections sexuellement transmissibles en
Afrique (ICASA) à Dakar, au Sénégal, a noté qu’en dépit du risque
extrêmement élevé de contracter la TB dans les structures sanitaires, les
mesures destinées à protéger les personnels étaient largement insuffisantes.
Mark Wheeler, consultant en politiques de santé, qui a présenté les
résultats de l’étude, a révélé aux délégués que le risque d’être infecté par
la tuberculose était 20 fois plus élevé pour les travailleurs de la santé
que pour la population générale.
Le risque est même encore plus grand pour les personnels travaillant dans
les unités TB : ils sont 80 fois plus exposés au risque. « Pourtant, les
employeurs ne reconnaissent pas [ce risque] et ne fournissent pas de
protection appropriée », a dit M. Wheeler.
Des mesures élémentaires de lutte contre la TB, comme fournir des mouchoirs
aux patients tuberculeux pour couvrir leur bouche lorsqu’ils toussent ou
construire des unités TB séparées des autres, ne sont pas mises en œuvres,
bien que l’efficacité de ces interventions soit pourtant largement reconnue.
Le risque d’être infecté au VIH sur le lieu de travail peut être faible,
mais l’étude a découvert que « la peur que cela arrive est répandue et très
réelle » parmi les travailleurs de la santé, selon M. Wheeler.
Près de 70 pour cent des personnels ont dit qu’ils étaient mal protégés
contre le VIH sur leur lieu de travail, dans la mesure où ils manquaient de
gants, de savon, d’eau et de conteneurs adaptés pour stocker les seringues
usagées.
Les piqûres de seringue accidentelles sont « extrêmement fréquentes » dans
les pays en développement, mais entraînent un risque assez faible
d’infection au VIH. Dans les faits, la transmission du VIH dans l’exercice
de la profession compte pour 2,5 à quatre pour cent des infections au VIH
parmi les travailleurs de la santé.
L’étude a noté que lorsque les personnels étaient exposés au virus sur leur
lieu de travail, très peu d’entre eux choisissaient d’utiliser la
prophylaxie post-exposition (PEP) comme mesure de prévention, parce qu’ils
comprenaient souvent mal comment la PEP marchait et pensaient que s’ils
l’utilisaient, ils seraient obligés de faire un test VIH.
Moins de 40 pour cent des quelque 1 000 travailleurs de la santé ayant
participé à l’enquête étaient au courant des politiques destinées à les
protéger de l’infection et de la discrimination sur le lieu de travail, a
noté M. Wheeler.
Le docteur Yohannes Chanyalew, de l’Organisation internationale du travail
(OIT), a dit aux délégués que les politiques pour les travailleurs de la
santé sur le lieu de travail ne pouvaient plus rester « enfermées dans un
tiroir », et a exhorté les employeurs à informer leurs personnels de leurs
droits à se protéger du VIH.
M. Wheeler a reconnu qu’il y avait peu d’informations sur les niveaux
d’infection au VIH parmi les travailleurs de la santé, mais qu’il était
généralement admis que ces degrés d’infection étaient plus ou moins
équivalents à ceux de la population générale.
Mwansa Nkowane, un responsable de l’OMS, a prévenu que le VIH et la TB
figuraient parmi les principales causes de décès des travailleurs
sanitaires, et a estimé qu’il était urgent de prendre des mesures pour leur
fournir des services VIH/SIDA adaptés.
D’après Mme Nkowane, 17 pour cent des décès de travailleurs de la santé
entre 1999 et 2005 au Botswana étaient liés au VIH. « Si aucune action n’est
entreprise, cela pourrait atteindre 40 pour cent en 2010 », a-t-elle dit.
La peur de la discrimination liée au VIH a empêché de nombreux travailleurs
de la santé d’aller se faire dépister au VIH ; bon nombre d’entre eux ne
veulent pas être dépistés par des collègues. M. Wheeler a noté que le manque
de confiance entre la direction et les personnels étant souvent élevé, la
méthode choisie par les travailleurs était souvent de se dépister eux-mêmes.
Les taux d’accès aux ARV sont plus encourageants : 72 pour cent des
travailleurs sanitaires considèrent que l’accès à ces traitements est
facile, et les personnels sont plus disposés à prendre leur traitement dans
leur propre centre sanitaire, bien que plusieurs d’entre eux aient souligné
le besoin de mettre en place des consultations spéciales pour les employés.