E-MED: Le sida, Seattle et l'exception sanitaire

E-MED: Le sida, Seattle et l'exception sanitaire

Bonjour,

Enfin, on en parle en France...,
Je vous transmets cet article du Monde paru le 1er d�cembre, journ�e
mondiale du Sida
La lutte continue..
Carinne Bruneton
ReMeD

Le Monde du mercredi 1d�cembre 1999

HASARD du calendrier, l'ouverture de la r�union minist�rielle de
l'Organisation mondiale du commerce (OMC), le 30 novembre � Seattle
(Etats-Unis), pr�c�de d'un jour la journ�e mondiale de lutte contre le
sida, qui a lieu comme tous les ans le 1er d�cembre. Il y a quelques jours,
le rapport de l'Onusida (le programme commun des Nations unies sur le
VIH/Sida) a rappel� qu'� la fin de 1999 33,6 millions de personnes vivent
avec le virus du sida et 30 millions de s�ropositifs � travers le monde
n'ont pas acc�s aux traitements contre cette maladie. � Une majorit�
�crasante des personnes infect�es par le VIH - environ 95 % du total
mondial - vivent dans le monde en d�veloppement �, ajoute ce document, qui
pr�cise que � l'Afrique subsaharienne continue de supporter le plus gros du
fardeau du VIH et du sida, avec pr�s de 70 % du total des personnes
infect�es par le VIH dans le monde �.

Le probl�me est triple : co�t prohibitif de certains traitements ;
fluctuations de l'approvisionnement en m�dicaments ; et insuffisance de la
recherche sur des pathologies qui ne touchent que les pays les moins
riches. Le co�t des traitements les rend inaccessibles au plus grand
nombre, une situation largement �voqu�e en septembre dernier � Lusaka
(Zambie), lors de la Conf�rence internationale sur le sida en Afrique. En
Tha�lande, le co�t mensuel d'une trith�rapie est de 675 dollars alors qu'un
employ� du secteur tertiaire gagne le plus souvent 120 dollars par mois. Au
Kenya, le co�t des deux premi�res semaines de traitement d'une m�ningite
venant compliquer l'infection par le virus du sida �quivaut � 800 dollars ;
le salaire mensuel moyen dans le pays repr�sente 130 dollars.

Le sida symbolise spectaculairement le gouffre qui s'est creus� entre pays
riches et pays pauvres dans l'acc�s aux traitements, mais les maladies
tropicales sont �galement d�laiss�es par la recherche pharmaceutique
priv�e. � Parmi les 1 233 nouveaux m�dicaments enregistr�s par les
autorit�s sanitaires occidentales entre 1975 et 1997, 11 seulement
concernaient le traitement des maladies tropicales �, rappelle M�decins
sans fronti�res (MSF).

Le progr�s scientifique ne suffit pas � assurer la rel�ve. � L'int�r�t
minimum pour la recherche sur la tuberculose n'est pas pos� en termes
scientifiques, mais en termes financiers, �crit Diana Chang Blanc, experte
de l'Organisation mondiale de la sant� (OMS), dans une analyse sur � Les
facteurs incitatifs et dissuasifs pour le d�veloppement de nouveaux
m�dicaments antituberculeux � (novembre 1998). Selon les calculs des firmes
pharmaceutiques, le rapport co�t-b�n�fice est trop �lev�. �

Certains laboratoires ont bien ponctuellement r�vis� leurs tarifs � la
baisse, des accords ont pu �tre trouv�s pour reprendre la production de
certains m�dicaments (�flornithine pour traiter la maladie du sommeil), et
un accord de partenariat international pour la mise au point de traitement
contre le paludisme vient d'�tre conclu, sous l'�gide de l'OMS, entre des
agences internationales et des firmes priv�es. De plus, les prix fix�s par
les laboratoires pharmaceutiques ne sont pas le seul param�tre, et il
convient de s'interroger sur les choix d'un certain nombre de pays qui ne
consacrent � la sant� qu'une part infime de leur budget. De m�me, on ne
saurait, sous le pr�texte de l'urgence, n�gliger l'imp�ratif du
d�veloppement d'infrastructures sanitaires, dont l'absence fait le lit de
maladies, comme la tuberculose ou le trachome.

Mais comment justifier la bataille men�e par la F�d�ration internationale
de l'industrie du m�dicament et par les Etats-Unis, au nom de la d�fense de
la propri�t� intellectuelle, consid�r�e comme moteur de la recherche
m�dicale, contre des dispositions favorables aux pays pauvres pour l'acc�s
aux traitements : les licences obligatoires et les importations parall�les
?

La r�vision des accords du GATT, qui a abouti � la cr�ation de l'OMC, a
introduit des accords sur la propri�t� intellectuelle (ADPIC ou, en
anglais, TRIPS) que les pays d�velopp�s sont cens�s appliquer depuis 1996,
les pays en d�veloppement, au cours de l'ann�e 2000, et les pays les moins
d�velopp�s d'ici � 2006. Ces accords, soutenus par un mandat donn� � l'OMS
en mai, autorisent un Etat confront� � une situation d'urgence sanitaire �
faire fabriquer localement des formes g�n�riques de m�dicaments : c'est ce
qu'on appelle une licence obligatoire. Il peut �galement se fournir non pas
aupr�s de la maison-m�re mais dans d'autres pays pratiquant des tarifs plus
bas : c'est ce que l'on d�signe sous le nom d'importations parall�les.
Selon les pays, le prix de la bo�te de 40 g�lules � 250 mg d'AZT, premier
m�dicament commercialis� contre le sida, varie de 53,50 � 124,95 dollars.

L'Afrique du Sud et la Tha�lande, deux pays largement touch�s par le sida,
sont soumis � une forte pression pour cesser de recourir � ces m�thodes. La
Tha�lande �tait parvenue � fabriquer un antifongique � un prix environ
trente fois inf�rieur � celui du producteur original, avant de devoir y
renoncer sous la menace de mesures de r�torsion am�ricaines. L'Afrique du
Sud a adopt� dans sa l�gislation la possibilit� de recours aux licences
obligatoires.

Au moment o� l'accord ADPIC est sur le point d'�tre r�vis�, une trentaine
d'organisations, dont M�decins sans fronti�res, Agir ici, Act Up, M�decins
du monde, Aides, ReMeD et Ensemble contre le sida, lancent une campagne en
France, du 1er d�cembre 1999 au 31 mars 2000. Elles demandent � l'industrie
pharmaceutique d'instaurer � un prix de vente accessible aux populations du
Sud � et au premier ministre � d'engager publiquement la France � appuyer
la mise en place de financements bilat�raux et multilat�raux permettant aux
populations du Sud atteintes du sida d'acc�der enfin aux traitements � et �
� d�fendre, lors des n�gociations au sein de l'OMC, les possibilit�s
pr�vues par les accords internationaux sur la propri�t� intellectuelle, que
ce soient les importations parall�les ou les licences obligatoires �.

Le contre-sommet de Seattle sera l'occasion pour ces ONG de faire entendre
la pr�occupation croissante de l'opinion publique. Leur intervention
pourrait ne s'appuyer que sur des craintes � �go�stes � devant les risques
d'un effet boomerang que fait courir, pour les pays les plus riches, la
persistance d'�pid�mies de maladies mortelles transmissibles dans les pays
les plus pauvres. Mais elle se justifie largement par des consid�rations
plus essentielles : le respect de l'�tre humain.

Paul Benkimoun
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