ABUJA, le 7 décembre (IRIN) - L'Organisation mondiale de la santé (OMS) va devoir renoncer à son ambitieux objectif fixé dans le cadre de l'initiative "3 fois 5", qui prévoyait de proposer des traitements antirétroviraux à trois millions de personnes vivant dans les pays en développement d'ici fin 2005.
Cependant, au lieu de parler d'échec, le docteur Jim Yong Kim, le directeur du département VIH/SIDA de l'OMS, préfère revenir sur les progrès considérables accomplis par certains pays, et sur les leçons qu'il faut retenir de cette initiative.
M. Yong Kim s'exprimait lors d'une rencontre en marge de la 14e Conférence internationale sur le sida et les maladies sexuellement transmissibles en Afrique, la Cisma, qui se tient du 4 au 9 décembre dans la capitale nigériane, Abuja.
<b>QUESTION</b>: Pouvez-vous nous dire ce qui n'a pas marché ? Pourquoi l'objectif n'a-t-il pas été atteint ?
<b>REPONSE</b>: Avant toute chose, nous devons nous poser la question suivante : 'qu'est ce qui a marché ?'
Des pays, que personne ne croyait capables de pouvoir élargir l'accès au traitement, ont prouvé le contraire. Nous avons été témoins d'importantes actions dans des pays comme le Swaziland, qui s'était fixé comme objectif de traiter 50 pour cent des personnes ayant besoin d'une thérapie antirétrovirale, un objectif qui a été atteint. L'Ouganda ainsi que le Botswana ont également atteint leur objectif. Nous étions convaincus que ces pays allaient y parvenir. Avant le lancement de l'initiative "3 fois 5", l'objectif du Malawi était de proposer des traitements à 5 000 personnes d'ici 2008. Il est désormais prévu que quelque 40 000 personnes bénéficient d'un traitement d'ici à la fin 2005. Sans l'initiative "3 fois 5", les autorités du Malawi n'auraient pas revu leur objectif à la hausse.
Le monde avait besoin qu'on fixe un objectif international, le monde avait besoin que l'OMS dise 'Arrêtez de faire semblant, assumez vos responsabilités', et cela a marché.
Regardons maintenant ce qui n'a pas marché. L'accès au traitement s'est heurté à beaucoup d'obstacles. Le premier obstacle a été l'argent. Il y a beaucoup d'argent disponible, mais il n'a souvent pas été débloqué à temps et en quantité nécessaire. Beaucoup de pays ne disposaient pas d'un bon système de gestion des stocks et manquaient parfois de médicaments. Le deuxième obstacle a été le manque de médecins.
Mais le bon côté des choses est que l'on s'est rendu compte que l'on n'avait pas besoin de médecins pour gérer tous les aspects du traitement. Les médecins doivent s'occuper des cas difficiles et diriger les équipes, mais nous savons désormais que le personnel de santé et les infirmières sont tout aussi capables d'administrer un traitement à un patient et de surveiller son évolution.
Il est également intéressant de voir que les pays que l'on croyait incapables d'atteindre l'objectif sont ceux qui, en réalité, y sont parvenus et que les pays que l'on croyait capables de traiter non pas 50 pour cent mais cent pour cent des personnes ayant besoin d'une thérapie antirétrovirale n'y sont pas arrivés - parmi ces pays sont ceux qui affichent les plus hauts taux d'infection au VIH dont l'Afrique du Sud, le Nigeria et l'Inde.
Ces pays disposent de beaucoup d'infrastructures mais ils ont été confrontés à divers problèmes. Le Nigeria a annoncé qu'en 2006, 250 000 personnes bénéficieraient d'un traitement. Si ces trois pays arrivent à élargir l'accès au traitement comme ils l'ont annoncé, et s'ils le font d'ici la fin de l'année prochaine, trois millions de personnes auront accès aux ARV avant la fin de l'année 2006.
<b>Q</b>: Vous avez omis de mentionner l'obstacle important que représentent les infrastructures du secteur de la santé. Comment les pays peuvent-ils continuer à élargir l'accès au traitement si leur système de santé ne le permet pas ?
<b>R</b>: Une chose qui a été mise en évidence avant tout par l'initiative "3 fois 5" est que l'on doit faire preuve d'une grande vigilance lorsqu'on énonce les choses que les Africains ne peuvent pas faire, en raison de l'état des infrastructures de leur pays. Beaucoup d'experts en développement m'ont lancé à la figure "Tu es fou, les pays africains n'arriveront jamais à faire ça car ils n'ont pas de système de santé". Cependant, un très grand nombre de pays sur le continent ont prouvé que même avec un système de santé en mauvais état, ils étaient capables d'élargir l'accès au traitement.
Par conséquent, les bailleurs, les bureaucrates et les techniciens doivent saisir cette occasion et apporter une plus grande aide financière et technique. Si l'on veut mettre en place des systèmes de santé, investir dans la lutte contre le VIH/SIDA est un bon moyen d'y arriver.
<b>Q</b>: En terme de chiffres, où en sommes-nous maintenant ? Combien de personnes sont actuellement sous traitement ?
<b>R</b>: Nous ne le saurons pas avant l'année prochaine, nous sommes toujours en train de collecter des données. Mais au total entre 750 000 et un million d'Africains devraient être sous traitement antirétroviral.
<b>Q</b>: Pensez-vous que le rythme qui s'était mis en place est en train de ralentir ?
<b>R</b>: Le rythme [auquel les traitements sont fournis] n'est pas fondé sur des propos énoncés par l'OMS, mais sur des faits. Les pays, ainsi que les individus, qui ont senti que l'épidémie était en train de les détruire se sont rendus compte qu'ils pouvaient se battre. Le rythme auquel les traitements sont délivrés est lié au fait que les gens ont compris qu'ils allaient pouvoir vivre avec le virus.
Mais ce que nous devons faire maintenant, c'est passer du traitement à la prévention parce que l'argent n'est pas disponible à infini. On va bientôt être à cours de financement et le nombre des personnes sous traitement augmente à la même vitesse que le nombre de nouvelles infections. A mon avis, les bailleurs vont se faire de plus en plus rares. Ils ont tout à fait raison d'exiger que l'on commence à s'occuper sérieusement des personnes nouvellement infectées au VIH/SIDA.
<b>Q</b>: Mais le traitement et la prévention ne semblent toujours pas être liés?
<b>R</b>: Ce n'est pas du tout vrai. Regardez ce qui se passe au Lesotho, par exemple, en ce qui concerne la transmission du VIH de la mère à l'enfant. Le problème est que nous ne pouvons pas identifier les mères séropositives car elles ne se font pas dépister au VIH/SIDA. Que devons-nous faire ? Elargir rapidement l'accès aux tests de dépistage ? Mais comment allons-nous pouvoir élargir rapidement l'accès aux tests de dépistage si un résultat positif est synonyme de mort imminente ? Par conséquent, si nous voulons élargir l'accès aux tests de dépistage, nous devons élargir l'accès au traitement. Une fois que nous aurons fait cela, nous pourrons prendre des initiatives en ce qui concerne le dépistage au VIH.
Au Lesotho, des dépistages au VIH vont être proposés gratuitement à tout le monde. Je pense que c'est une bonne solution, mais on ne peut faire cela qu'à condition d'avoir le traitement et la prévention à portée de main. Il ne faut jamais séparer ces deux éléments. La solution à la lutte contre l'épidémie est de faire de la prévention et de fournir des traitements en même temps.
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