[Remerciements à Charles Rambert pour cette traduction de cet important
article.CB]
4 Octobre 2009
L'accès à des médicaments sûrs est une question de santé publique, pas de
propriété intellectuelle, a déclaré un panel
De Catherine Saez @ 10:29 pm
http://www.ip-watch.org/weblog/2009/10/04/access-to-safe-medicine-a-public-h
ealth-issue-not-ip-says-panel/
Les initiatives contre les contrefaçons peuvent avoir des effets négatifs
sur l'accès aux médicaments tout en ne répondant pas à la question des faux
médicaments, en particulier dans les PED, selon les déclaration d'un panel
lors de la réunion de Open Society Institute.
La confusion faite entre les génériques légitimes, les médicaments de
mauvaise qualité et les copies illégales de produits originaux, peut avoir
un effet dévastateur: il est nécessaire de bien définir ce que l'on entend
par contrefaçon, ont-ils déclaré. La mise en place des mesures de protection
de la propriété intellectuelle PI ne devraient concerner que les infractions
aux marques commerciales, disent-ils.
Selon un document de Médecins Sans Frontières, les contrefaçons sont des
produits emballés volontairement de façon à ressembler au produit original,
sans en être. C'est une infraction à la marque commerciale. D'un autre côté,
un produit de mauvaise qualité est un médicament qui ne satisfait pas les
normes prévues par les autorités de la santé. C'est une question de contrôle
de la qualité. Enfin, un générique est un produit fabriqué en toute légalité
en tous points semblable au produit original, en général il n'est plus
couvert par un brevet, et il contient les mêmes principes actifs.
En général les génériques sont bien moins chers que le produit sous brevet
et ils jouent un rôle crucial dans la fourniture de médicaments essentiels
aux populations pauvres.
"Quand nous parlons d'initiatives anti contrefaçons, on se réfère
généralement à la réglementation sur la propriété intellectuelle (PI)"
déclare Sangeeta Shashikant, consultante juriste sénior du Third World
Network, lors de la réunion du 25 septembre.
Selon Shashikant, on fait face à un "glissement" au sujet des contrefaçons,
sujet débattu par diverses instances. C'est un sujet du GO (Groupe des huit
pays les plus industrialisés), dont l'un des moments forts est l'assistance
technique aux pays en développement en matière de protection de la PI. La
question est aussi à l'ordre du jour des négociations sur l'Accord
Commercial sur les Contrefaçons (Anti-Counterfeiting Trade Agreement ACTA).
De plus, la contrefaçon est aussi à l'ordre du jour d'Interpol
(International Criminal Police Organisation), dont les activités dans ce
domaine ont conduit les observateurs à se poser la question de la définition
de la contrefaçon. L'organisation basée à Bruxelles, World Customs
Organization, a décidé en 2006 de développer des normes prévisionnelles pour
uniformiser la réglementation des droits, mais ses efforts ont subi des
pressions pour les ralentir.
La question est aussi à l'ordre du jour de l'Organisation Internationale sur
la Propriété Intellectuelle (World Intellectual Property Organisation WIPO)
dont le comité consultatif (Advisory Committee on Enforcement) doit se
réunir pendant la première semaine de novembre.
Au niveau national, on pousse à la mise en place de mesures dans les PED,
surtout en Afrique, a déclaré Shashikant, comme au Kenya, par exemple qui a
adopté une loi anti contrefaçon alors qu'en Ouganda on est en train d'en
discuter. La Tanzanie et la Zambie se préparent à en discuter, a déclaré Els
Torreele, directeur de l'initiative pour l'accès aux médicaments essentiels
de Open Society Institute.
La contrefaçon ne doit pas inclure toutes les infractions à la PI
Selon Shashikant, le problème est la définition de cette législation. Dans
l'accord mondial sur le commerce ADPIC, la contrefaçon est définie comme une
infraction du nom de marque commercial. Dans la législation kényane, on va
plus loin en se référant à tous les aspects de la PI comme le brevet, le nom
commercial, les exclusivités (copyrights), les logos, et même la protection
des espèces de plantes. Ce n'était jamais arrivé auparavant, a-t-elle
déclaré, qu'on appelle contrefaçon la violation d'une variété de plante.
Une telle législation ne différencie pas les noms commerciaux et les
brevets. Le brevet protège l'invention, la matière du sujet et les droits et
obligations en sont différents .
La loi kényane va aussi au delà de la législation sur la PI dans certains
domaines (comme le copyright) dont les limites et les exceptions ne sont pas
retenues, dit-elle.
La qualité du médicament doit être l'affaire des autorités de la santé, non
celle des douanes, car les personnels des douanes ne sont pas qualifiés pour
déterminer si les produits sont en violation de la PI, dit-elle, car ce
sujet doit être l'affaire des services de la PI.
Le personnel des douanes n'a pas la capacité de juger de la qualité des
médicaments a reconnu Partha Satpathy, conseiller à la Mission Permanente de
l'Inde.Une simple suspicion du détenteur de la PI peut conduire à saisir la
marchandise à la frontière et pendant plusieurs mois, déclare Shashikant.
C'est arrivé plusieurs fois au cours des dernières années en Europe,
principalement aux Pays Bas.La question est de savoir quelle pénalité
appliquer en cas de mauvaise décision, a demandé Satpathy, qui a ajouté que
la contrefaçon est seulement une question de nom commercial.
Quand il s'agit de la santé publique, il est dangereux de confondre tous les
aspects de la PI sous le nom de contrefaçon: les réglementations sur la PI
doivent être revues dans le contexte de la santé publique. La souplesse des
ADPIC est importante pour protéger la santé publique, a-t-il ajouté,
poussant les pays a éviter les "ADPIC-plus" (qui contiennent des mesures
plus contraignantes que les ADPIC).
On ne devrait pas limiter les médicaments essentiels aux maladies tropicales
(comme le paludisme) dans les PED, on doit aussi envisager les maladies
non-transmissibles (comme le cancer et les maladies chroniques) qui sont une
inquiétude croissante, a ajouté Satpathy.
Confusion entre législation de la PI et qualité
On ne doit pas confondre médicaments de mauvaise qualité et génériques, bien
que l'on voit des atteintes délibérées de perpétuer cette confusion, a
déclaré Elio Cardoso, conseiller de la Mission Permanente du Brésil.
Même si un produit original ou un générique n'a pas été autorisé pour le
commerce international par les autorités de la santé d'un pays, il est
important que les autorités d'un autre pays puissent l'autoriser et le
transit de ce produit doit être autorisé, a déclaré Cardoso.
L'objectif doit être l'accès à des médicaments de qualité, a-t-il dit, car
les malades sont les premières victimes des produits de mauvaise qualité, et
non les labos. "On doit se préoccuper de l'efficacité des médicaments plutôt
que du profit des labos" a-t-il ajouté.
Tous les participants sont tombés d'accord pour dire que l'accès à des
produits de qualité ne doit pas faire partie des discussions sur la PI, mais
qu'il doit être compris dans la santé publique. "A l'OMS, l'accès aux
médicaments doit se concentrer sur les questions de santé publique, et pas
sur la PI" a déclaré Cardoso.
De plus, Shashikant a déclaré que la nature des infractions lors de saisies
n'est pas claire, par exemple, l'OMS ne possède aucune information sur les
saisies: "s'il n'y pas d'information, pas de preuve évidente, pourquoi
a-t-on tout un service s'occupant de cela?" a-t-elle demandé.
Pour Michelle Childs de Médecins Sans Frontières, la question est l'accès
aux traitements disponibles et à venir. Avec la législation anti
contrefaçons "nous sommes en danger de finir avec le pire des deux mondes,
poussant pour les réglementations de la PI, qui arriveront à interdire
l'accès à des médicaments vitaux sans arrêter ou prévenir de l'arrivée de
mauvais médicaments" dit-elle.
Pour Childs, "le monde est en train de changer". L'Inde, qui est le plus
grand fournisseur de génériques bon marché a maintenant ses lois sur la PI
et de nouveaux traitements du SIDA sont couverts par des brevets. "Comment
pourrons nous avoir accès à ces nouveaux produits?" demande-t-elle.
Le Conseil de l'Europe entre dans le jeu
Bart Wijnberg, conseiller du ministère de la santé des Pays Bas, a indiqué
que le Conseil de l'Europe est sur le point de finir une proposition de
texte sur la contrefaçon des produits pharmaceutiques, et que cette
proposition est fortement influencée par l'approche de la santé publique.
Pour joindre Catherine Saez: csaez@ip-watch.ch.