[e-med] Les recommandations 2010 de l'OMS en matière de prise en charge du VIH se heurtent aux difficultés du terrain

OMS : des recommandations 2010 difficiles à mettre en oeuvre
TRANSCRIPTASES n°147 hiver 2011-2012
vih et virus des hépatites
Serge Eholié
CHU de Treichville (Abidjan, Côte d’Ivoire)
http://www.vih.org/documents/transcriptases_147.pdf

Ambitieuses, les recommandations 2010 de l’Organisation mondiale de la santé
en matière de prise en charge du VIH se heurtent aux difficultés du terrain.

Appliquer le changement de seuil de traitement : 350 CD4 vs 200 CD4

Débuter le traitement ARV à moins de 350 CD4/ mm3 apporte un bénéfice
évident en terme de réduction des évènements classant sida, de la mortalité
et de transmission du virus.
Cependant de la salle de « réunion » au terrain, les réalités changent.
Trouver des patients à des stades « précoces » n’est pas évident : la
médiane des CD4 chez les patients débutant les ARV au Sud tourne autour de
150/mm3. Mais le dépistage n’est proposé généralement qu’à despatients
symptomatiques. Il faut atteindre les patients asymptomatiques « bien
portants », ce qui est une gageure quand on sait la réticence du personnel
soignant à proposer le test. C’est une des causes majeures aux difficultés
du dépistage à large échelle.

En Afrique du Sud à Durban, un dépistage proactif a multiplié par 10 le
nombre de tests offerts, par 4 le nombre de personnes dépistées
séronégatives, et par 5 le nombre de personnes dépistées séropositives. Cela
montre l’intérêt d’un dépistage large en population générale impliquant tous
les acteurs de santé. Le dépistage ne doit pas être une spécialité, les
praticiens ne doivent pas manquer ses opportunités.

Il faut aussi anticiper l’augmentation du nombre de personnes sous ARV avec
le rehaussement du seuil de CD4 (en Ouganda, l’augmentation est de 60 %).
Dans les centres, l’accroissement du volume des patients est surtout
ressenti par les pharmaciens et les gestionnaires en pharmacie, prouve une
étude au Mozambique. Dans certains centres, 200 à 300 personnes par jour
fréquentent la pharmacie. Ilparaît essentiel, dans le renforcement des
ressources humaines, de ne pas oublier ceux qui dispensent les
antirétroviraux et conseillent les patients.

Cette surcharge annoncée pour le personnel de soins pose la question de la
délégation des tâches aux infirmiers. L’implication du personnel paramédical
dans la prise en charge est incontournable. Une étude randomisée en Afrique
du Sud montre que des personnels non médicaux bien formés au suivi, y
compris avec la faculté de renouveler les ARV, obtiennent des résultats
d’efficacité et de tolérance au moins équivalents à ceux des médecins.

Intégrer les nouveaux schémasthérapeutiques de 1re ligne

Les nouvelles stratégies thérapeutiques de 1re ligne recommandent l’arrêt de
la stavudine (d4T). Mais l’option préférentielle de l’AZT ou du ténofovir
pose des problèmes de coûts, d’efficacité, de tolérance, de disponibilité
des formes galéniques pédiatriques et de combinaisons fixes. L’abandon
définitif de la d4T n’est pas évident au vu des stocks existants et du
nombreimportant de patients débutant encore une première ligne à base de
d4T.

Fin décembre 2009, 30 pays avaient un plan de « phase out » de d4T ; 60 %
des 1res lignes étaient à base de d4T. Mais les schémas à base d’AZT ou de
ténofovir sont deux à trois fois plus chers que ceux à base de d4T. C’est
une contrainte programmatique au moment où il faut augmenter le nombre de
patients sous ARV dans un contexte de réduction des ressources financières.

Il faut montrer aux décideurs nationaux et aux partenaires que ces nouveaux
schémas sont coûts-efficaces. Forte des arguments d’année de vie sauvée et
de qualité de vie améliorée, l’OMS a récemment proposé en première ligne
préférentielle, la combinaison ténofovir + lamivudine ou emtricitabine +
efavirenz.

La tolérance rénale du ténofovir est une des craintes pour son utilisation à
large échelle enAfrique subsaharienne où la prévalence de la maladie rénale
chronique chez les personnes vivant avec le VIH varie entre 30 et 60 % selon
les études. Cependant, les données de cohortes indiquent que moins de 5 %
des patients exposés au ténofovir depuis plus d’un an présentent une
intolérance rénale majeure (comparable aux chiffres observés avec l’AZT,
l’abacavir ou la d4T).

Cela n’exclut pas la prudence et l’importance de se conformer aux
recommandations de l’OMS (évaluation de la fonction rénale par dosage de la
créatinine, de la clairance rénale et/ou dosage de la protéinurie par
bandelettes urinaires).

Développer l’utilisation de la charge virale en routine

Les dernières directives de l’OMS insistent sur l’importance d’utiliser la
charge virale en routine, cet outil virologique étant essentiels pour un
monitorage de qualité. Les arguments sont nombreux : une meilleure
appréciation de l’observance.

Une réduction des passages en 2e ligne (souvent liés à un diagnostic par
excès de l’échec thérapeutique). Un renforcement de l’observance en cas de
charge virale détectable (plus de 1 000 copies/ml) avec une réévaluation de
la réponse après deux mois, ce qui permet de maintenir en 1re ligne plus de
la moitié des patients en échec clinique et immunologique.

Enfin, un dépistage plus précoce de l’échec thérapeutique avec un passage en
2e ligne sans accumulation des résistances aux INTI. Au total, cette
intervention est en fait rapidement coût-efficace dès qu’on réduit les coûts
à 25 dollars. C’est le principal défi pour son utilisation en routine. Il
faut rendre disponible les tests génériques, favoriser l’accès
en zone décentralisée (« point of care »), garantir une fourniture continue
en électricité et d’assurer la maintenance continue des appareils et à
moindre coût (lire p. 51-53).

Permettre l’accès aux régimes thérapeutiques de 2e ligne

En 2010, seulement 1,4 % des adultes sous ARV sont en 2e ligne, ce qui est
très loin des 12 % estimés en 2007. Raisons principales : le coût 4 à 5 fois
(entre 400 et 600 USD) plus élevés que celui d’une 1re ligne avec INNTI et
le retard au
diagnostic de l’échec, en l’absence de charge virale en routine (critères
cliniques et immunologiques si les CD4 sont disponibles). Les
recommandations OMS de février 2011 recommandent comme anti-protéases de 2e
ligne l’atazanavir(option préférée) puis le lopinavir boosté. Mais ce
dernier (en comprimé combiné sec) reste la plus utilisée en 2e ligne (90 %
des prescriptions).

Problème : la 2e ligne est souvent suboptimale car ne reposant que sur l’IP,
les INTI prescrits en « backbone » étant souvent inefficaces à cause des
résistances. Peu de données sont disponibles sur l’efficacité des stratégies
recommandées au Sud. Dans une étude précieuse sur 27 cohortes de centres de
prise en charge MSF en Afrique et en Asie, le taux d’échec (critères
cliniques et immunologiques OMS) est de 19 % après un an. On retrouve les
facteurs prédictifs attendus : pas de modification des INTI lors du passage
à 2e ligne, défaut d’observance, CD4 bas.

Dans deux autres études au Cambodge (n=70) et en Thaïlande (n=95), taux
d’échec virologiquesà 24 mois de 15 %. En cas d’utilisation du critère
virologique, la 2e ligne a une efficacité satisfaisante.
Ces petits effectifs ne reflètent pas les pratiques et réalités de la prise
en charge des patients au Sud.
Il faut réduire les coûts des antiprotéases, l’utilisation de la charge
virale en routine pour un diagnostic précoce de l’échec, l’association
d’INTI efficaces, l’obtention de combinaisons fixes ou en co-blister et la
mise à disponibilité de formulations pédiatriques.

Besoins en ARV de 3e ligne : illusion ou réalité ?

Le nombre de personnes ayant besoin d’ARV de 3e ligne au Sud est difficile à
estimer. Il est cependant évident qu’il y a un réel besoin de3e ligne en
raison des régimes thérapeutiques suboptimaux en 2e ligne et de l’absence de
critères virologiques dans l’évaluation de l’échec.

Les données de MSF font ressortir qu’un certain nombre de patients
nécessiteront à court ou moyen terme une 3e ligne. Peu de données de
résistance sont disponibles chez les personnes en échec de 2e ligne au Sud.

Dans l’étude cambodgienne, un t iers des personnes en échec virologique
confirmé de 2e ligne ont des virusrésistants au lopinavir. En Afrique du
Sud, chez 75 personnes vivant avec le VIH sous type C, en échec virologique
de lopinavir en 2e ligne, 39 % n’avaient aucune mutation de résistance
majeure, 7 % une résistance majeure au lopinavir et 17 % une résistance aux
INNTI avec diminution de la susceptibilité à l’étravirine.

Ces personnes devraient bénéficier d’une troisième ligne à base de darunavir
boosté associé au raltégravir et/ou à l’etravirine comme recommandé en 2010
par l’OMS. Mais dans le contexte actuel, praticiens et patients sont aussi
désarmés qu’avant l’ère des ARV devant l’inaccessibilité et la
non-disponibilité de molécules de 3e ligne huit à dix fois plus chères qu’un
traitement de 1e ligne.

De plus, l’obtention des génotypes apparaît illusoire alors qu’obtenir une
charge virale est déjà un parcours du combattant. –

Serge Eholié

Merci Professeur EHOLIE

Mais mis a part cette difficulté de "dépistage de stades précoces" et de
mis sous traitement, moi je m'inquiète plus pour la prise en charge
"médicamenteuse" de tous ces patients précoces.
Aujourd’hui cette prise en charge en "gratuite" et Dieu merci ici en Cote
d'ivoire les cas de ruptures d'ARV ne sont pas "catastrophiques"
En réalité il n'y a pas de gratuité absolue, "il y a
toujours quelqu'un qui paye"

A ce jour cette gratuité est assuré par le Fonds mondial, Le PEPFAR et
autres partenaires au développement et à ce que je la part de l’État de
Cote d'Ivoire est négligeable.
Mon soucis est donc que si nous arrivons à faire ce" dépistage de stades
précoces", comme vous l'avez démontré, le nombre de patient à traiter
va exploser ; les partenaires nous suivrons -t-ils toujours dans cette
gratuité et jusqu'à quand ?

Je suis d'autant plus plus inquiet que en
cette période reliquat de"gratuité ciblé" en ce qui concerne
les médicaments essentiels, aucun cas n'est fait de la situation des arv,
on semble se complaire de cette prise en charge totale par les
partenaires. Aucune perspective n'est évoqué par les autorités quand à
l'avenir de personnes vivants avec le vih, hors ce sont des personnes en
situation palliatives avec une "maladie chronique"

C'est comme si l'état de Cote d'Ivoire se disait je laisse les partenaires
s'occuper de "mes malades du sida" et moi je me préoccupe de façon ciblé
des certains autres.

Que pensez vous de cette situation, ai je tort de m'en inquiéter ?

Dr GBANE Ali Daouda
Pharmacien Superviseur Régional
Région des Lacs et de la Marahoué
Pharmacie de la Santé Publique de Cote d'Ivoire ( PSPCI )
Email:gbaneali@gmail.com
         gbaneali68@hotmail.com
Skype:gbane.ali.daouda
Tel: +22502500515
       +22505966959

Bonjour Dr Ali,

Merci d'avoir relevé ce problème qui est une copie conforme en RDCongo. Non seulement que les partenaires d'appui ne sauront plus apporter ces ARV mais il y a aussi les quantités de tests pour le dépistage qu'il faudra hausser sensiblement avec augmentation de la charge de travail du personnel, et pour quelle rémunération?
Je crois qu'il y a vraiment une réflexion de fond qu'il faut faire.
Les partenaires s'en iront un jour à moins que cette gratuité ne soit que théorique ( récupération sous forme de dette des gouvernements des pays pauvres?).

Patrick KANKU-ka-LUKUSA,MD,MPH
HIV/AIDS Program Manager
Chef de Programme VIH/SIDA
SANRU PROGRAM-ECC / Global Fund R8
75, avenue de la Justice
Kinshasa /Gombe.
Democratic Republic of Congo
Phone numbers: (243) 081 60 35 080
(243) 099 73 45 784