Positive Génération - Act Up-Paris
L’OMS montre le chemin, les gouvernements doivent suivre
Communiqué de presse 4 juillet 2013
L’organisation mondiale de la santé (OMS) vient d’annoncer ses
nouvelles recommandations thérapeutiques concernant le VIH. Une
nouvelle à saluer qui rappelle à la communauté internationale les
défis de l’accès universel aux traitements et aux examens de suivi
biologique.
Traiter plus tôt, traiter mieux
Les nouvelles recommandations de l’OMS encouragent les pays à
démarrer le traitement antirétroviral (TARV) chez les adultes vivant
avec le VIH dès que leur taux de lymphocytes CD4 (cellules du
système immunitaire) devient inférieur à 500 cellules/mm3. Traiter
les personnes porteuses du VIH plus précocement (1) permet d’une
part d’améliorer les pronostics d’une bonne santé en réduisant les
risques de comorbidité et d’autre part à abaisser leur charge
virale, ce qui réduit statistiquement le risque de transmettre le
virus à une autre personne.
L’OMS préconise en outre d’améliorer le suivi thérapeutique en
améliorant l’accès aux suivis biologiques, tels que la mesure de la
charge virale et des lymphocytes CD4. Ces examens de suivi
permettent de mesurer les réponses virologique et immunitaire et
d’identifier le plus précocement possible les échecs thérapeutiques
nécessitant un changement de traitement.
Enfin, l’OMS recommande de fournir un traitement à tous les enfants
vivant avec le VIH de moins de 5 ans, à toutes les femmes enceintes
ou allaitantes porteuses du VIH et à tous les séropositifs dont le
partenaire n’est pas infecté.
L’OMS aurait dû aller plus loin
Comme le notent la coalition internationale pour la préparation aux
traitements (ITPC), l’alliance Sud-Africaine sur le SIDA et les
droits (ARASA) et le Réseau Asie Pacifique des personnes vivant avec
le VIH (APN+) (2), les recommandations de l’OMS manquent de préciser
un certain nombre de points cruciaux. C’est notamment le cas des
modalités d’implication des communautés à tous les stades du
parcours de soins, de l’inclusion des recommandations concernant la
co-infection VIH/hépatite C, ou encore de la préconisation du
dépistage chez les enfants de mois de dix-huit mois.
La balle est dans le camp des politiques
Pour que ces bonnes intentions se concrétisent, les politiques
devront faire preuve d’une réelle volonté politique de venir à bout
de l’épidémie. Les nouvelles recommandations font passer le nombre
de personnes éligibles au TARV de 15 à 26 millions, alors que seuls
9,7 millions y ont effectivement accès. En outre, dans bien des
pays, la discrimination dont sont victimes les personnes trans, les
travailleurSEs du sexe, les homosexuelLEs et les usagerEs de drogues
les éloigne de l’accès à la prévention et aux soins. Quant aux
examens de suivi biologiques, ils sont peu pratiqués dans les pays
du Sud en raison de leur coût élevé et du manque d’équipement des
laboratoires (surtout en milieu rural).
Alors que les États de l’Union africaine ne remplissent toujours pas
l’engagement pris en 2001 à Abuja de consacrer 15% de leur budget
national à la santé, et que le Fonds mondial de lutte contre le
sida, la tuberculose et le paludisme peine à trouver les 5 milliards
de dollars supplémentaires dont il a besoin sur les trois prochaines
années, on a du mal à voir comment les recommandations de l’OMS
pourront effectivement être mises en œuvre.
Faire baisser le prix des traitements, c’est possible
Outre la question des financements, les brevets pharmaceutiques
demeurent un frein à l’accès universel aux traitements. Si l’arrivée
sur le marché de médicaments génériques a permis de faire chuter les
prix des traitements de première et de deuxième ligne, les
médicaments de troisième ligne demeurent inabordables dans les pays
pauvres à cause des brevets. Pourtant, de plus en plus de patients
deviennent résistants aux traitements de premières intentions.
L’OMS, l’ONUSIDA et le PNUD se sont associés pour publier des
recommandations (3) en faveur de l’utilisation des flexibilités de
l’accord ADPIC (4) afin d’améliorer l’accès aux médicaments contre
le VIH. Ces flexibilités comportent en outre la possibilité pour les
pays les moins avancés (5) de ne pas accorder de brevets
pharmaceutiques et d’importer des versions génériques moins chères.
Dans deux mois, ce sera les dix ans de la « décision du 30 août 2003
» de l’OMC dont le paragraphe 6 prévoit le mécanisme d’importation
de médicaments génériques sous brevets pour les pays n’ayant pas la
capacité de production. Ce mécanisme, prohibitif par sa complexité,
n’a été utilisé qu’une seule fois en dix ans. Il est l’heure de
tirer le bilan et de le réformer afin de permettre plus facilement
aux pays en développement d’importer les médicaments dont leur
population a besoin.
Afin que les nouvelles recommandations de l’OMS ne restent pas une
coquille vide, Act Up-Paris (France) et Positive Génération
(Cameroun) exigent :
Des pays du Sud :
• qu’ils adoptent et mettent en œuvre les nouvelles recommandations
thérapeutiques de l’OMS concernant le VIH ;
• qu’ils respectent leur engagement pris à Abuja de consacrer 15% de
leur budget national à la santé ;
• qu’ils utilisent pleinement les flexibilités de l’accord ADPIC
pour faciliter l’accès aux traitements et examens de suivi
biologiques des malades ;
• qu’ils arrêtent de criminaliser les populations les plus
vulnérables et leur permettent un accès aux soins équivalent au
reste de la population ;
Des pays du Nord :
• qu’ils respectent leurs engagements de solidarité internationale
en faveur de la lutte contre le sida en finançant le Fonds mondial à
hauteur de 15 milliards de dollars sur les trois prochaines années ;
• qu’ils autorisent dans leurs législations nationales la production
de versions génériques des médicaments brevetés à destination des
pays en développement ;
• qu’ils cessent de négocier des accords de libre échange contenant
des dispositions plus restrictives que celles de l’accord ADPIC qui
risquent d’entraver l’accès aux médicaments génériques.
(1) Les précédentes recommandations de l’OMS fixaient ce seuil à 350
cellules/mm3
(2) ITPC, ARASA, and APN+. Treat People Right: ITPC, ARASA and APN+
Raise Community Concerns about the New WHO Guidelines. Press
release. June 30, 2013. https://arasa.info/index.php/news/92-latest-headlines/526-treat-people-right-itpc-arasa-and-apn-raise-community-concerns-about-the-new-who-guidelines
(3) Using TRIPS flexibilities to improve access to HIV treatment,
UNAIDS/WHO/UNDP, 2011
(4) L’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle
qui touchent au commerce (ADPIC), signé par les membres de
l’organisation mondiale du commerce (OMC), prévoit un certain nombre
de flexibilités afin de promouvoir l’accès à la santé.
(5) Catégorie créée par l’Organisation des Nations Unies qui
présentent les indices de développement humain les plus faibles et
devraient à ce titre obtenir une attention particulière de la part
de la communauté internationale. La liste des 48 pays faisant partie
de cette catégorie peut être consultée sur le site : http://unctad.org/en/pages/aldc/Least%20Developed%20Countries/UN-list-of-Least-Developed-Countries.aspx