Des progrès dans la lutte contre le paludisme, mais encore des efforts à fournir
Ousseini Issa
BIRNI GAOURE, sud du Niger , 21 août (IPS) - Habibatou Oumarou, une
mère de 23 ans, un bébé au dos, une moustiquaire imprégnée
d'insecticide et des médicaments antipaludiques entre les mains, ne
tarit pas de remerciements à l'endroit des autorités politiques pour
le don qu'elle venait de recevoir.
"En venant à ce rassemblement ce matin (11 août), je ne m'attendais
pas à recevoir ce présent. Avec la moustiquaire imprégnée
d'insecticide, mes deux enfants et moi sommes désormais protégés
contre les piqûres des moustiques et j'ai aussi reçu des médicaments
pour parer à toute éventualité pendant cette saison des pluies",
déclare Oumarou à IPS.
"Cette initiative des autorités consistant à distribuer gratuitement
des moustiquaires et des médicaments aux femmes enceintes et aux
enfants de zéro à cinq ans est très noble. C'est un grand soulagement
pour les pauvres", ajoute-t-elle.
Comme Oumarou, elles étaient plus d'une centaine de femmes à
bénéficier de la distribution gratuite des moustiquaires et des
médicaments antipaludiques, dans la commune de Birni Gaouré, à l'est
de Niamey, la capitale nigérienne, a constaté IPS.
"Chaque année, au mois d'août, les autorités politiques et sanitaires
du pays initient une semaine de mobilisation sociale contre le
paludisme, au cours de laquelle des moustiquaires imprégnées et des
médicaments sont gratuitement distribués aux couches vulnérables,
notamment les femmes et les enfants", explique à IPS, Dr Moha Mahaman,
un médecin basé à Niamey.
Selon Mahaman, la semaine de mobilisation (11-17 août) vise à
sensibiliser les populations sur le danger du paludisme et les mesures
de prévention contre la maladie.
"Cette semaine de mobilisation fait partie d'un paquet d'activités mis
en œuvre depuis 2000 au Niger pour lutter contre le paludisme qui est
la première cause de morbidité et de mortalité au Niger", souligne à
IPS, Dr Ibrahim Ousmane, médecin paludologue, gestionnaire de projets
de santé au bureau du Programme des Nations Unies pour le
développement (PNUD), à Niamey.
Selon les statistiques du Système national d'information sanitaire
(SNIS), sur les dix principales maladies qui sévissent au Niger, le
paludisme vient en tête de liste avec un peu plus de 800.000 cas
enregistrés en 2007, suivi des affections respiratoires (478.047 cas)
et de la diarrhée (220.210 cas). Le paludisme est également à
l'origine de 54,35 pour cent des décès dans le pays.
En 2000, le pays avait enregistré plus de 1,5 million de cas de
paludisme, selon le SNIS.
"Face à cette situation, les autorités ont mis en place un Programme
national de lutte contre le paludisme pour mettre en œuvre un certain
nombre de politiques et stratégies permettant d'atteindre les
engagements pris par les chefs d'Etat africains en 2000, à Abuja, en
vue de réduire de moitié les cas d'ici à 2010 dans les différents
pays", indique Ousmane.
Selon Ousmane, ce programme est appuyé par plusieurs partenaires
techniques et financiers, notamment l'Organisation mondiale de la
santé (OMS), le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose
et le paludisme, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF),
le PNUD, le Japon, la Chine...
Ces politiques et stratégies, validées par l'OMS, visent à améliorer
d'au moins 60 pour cent la prise en charge des cas de paludisme simple
dans les 42 districts sanitaires du pays et d'au moins 60 pour cent la
couverture en soins préventifs chez les femmes enceintes et les
enfants de moins de cinq ans, selon le Plan de développement sanitaire
(PDS) 2005-2010 du Niger.
"Ainsi, le Niger a adopté, depuis 2005, l'introduction des
combinaisons thérapeutiques à base d'Artémisinine (ACTs) jugées plus
efficaces que la chloroquine dans le cadre du traitement de la
maladie, pour une meilleure prise en charge des cas dans les
formations sanitaires", souligne Mahaman.
"Il a aussi intensifié les actions de prévention, y compris la lutte
anti-vectorielle (physique et biologique) et la chimio-prophylaxie
pour les femmes enceintes", ajoute-il.
Une autre stratégie visant la réalisation des objectifs du PDS, porte
sur la gratuité des soins aux femmes enceintes et aux enfants de zéro
à cinq ans, instituée depuis 2007 par le gouvernement, souligne
Laouali Ali, coordinateur de la "Cellule gratuité" au ministère de la
Santé publique. "Cette politique de gratuité a rehaussé
considérablement le taux des consultations dans les formations
sanitaires publiques".
"Avec l'introduction de la gratuité, nous faisons plus de 70
consultations par jour, contre moins de 30 avant", confirme à IPS,
Amina Dan Dossa, infirmière au service de pédiatrie de l'Hôpital
régional de Niamey.
Selon Dr Ousmane, ces stratégies ont permis de distribuer quelque 2,5
millions de moustiquaires imprégnées d'insecticide sur l'ensemble du
territoire en 2005, portant ainsi le taux de six à 70 pour cent dans
les foyers. "Nous nous apprêtons à distribuer gratuitement trois
millions d'autres en 2009, avec pour ambition de porter le nombre à
sept millions de moustiquaires d'ici à 2010", affirme-t-il.
Mais pour Moussa Chaïbou de l'ONG "Environnement sain" basée à Niamey,
la lutte contre le paludisme comporte certaines faiblesses. "Les
habitants des quartiers déshérités, qui sont les plus exposés à la
maladie à cause de la promiscuité dans laquelle ils évoluent, ne sont
pas souvent touchés par la distribution des moustiquaires", a-t-il dit
à IPS. "Des moustiquaires qui font d'ailleurs l'objet de trafic
puisqu'on en a trouvé en vente sur le marché à Konni".
Ousmane confirme que des moustiquaires destinées à la distribution ont
été retrouvées sur le marché. Mais il rassure qu'une enquête policière
est en cours pour identifier les responsables du détournement, en vue
de les sanctionner.
Même si la morbidité reste toujours élevé, estime Ousmane, il existe
aujourd'hui une prise en charge correcte des cas, qui a permis de
faire baisser le nombre de décès liés au paludisme de 2.500 environ en
2005 à 1.400 en 2007 dans ce pays d'Afrique de l'ouest.
Selon des professionnels de la santé, ces progrès ont été réalisés
grâce au soutien actif des partenaires qui injectent beaucoup d'argent
dans la lutte contre le paludisme.
"Le premier financement du Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la
tuberculose et le paludisme dans le cadre de la lutte est de trois
millions de dollars US, le deuxième 11 millions, le troisième 10
millions et le quatrième 30 millions", jusqu'en 2007, indique Ousmane,
ajoutant que celui de la Banque mondiale -- 10 millions de dollars --
est intervenu en 2006.
"Les autres comme l'UNICEF, le Japon ou la Chine, apportent plus des
appuis techniques, des médicaments et des équipements", ajoute-t-il,
indiquant que ces différentes interventions visent à promouvoir
l'accès aux soins aux couches démunies et à prévenir la maladie.
(FIN/2008
--
Simon KABORE
Coordonnateur du Réseau Accès aux Médicaments Essentiels (RAME)
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