[e-med] ONU et VIH : Accueil mitigé de la déclaration de l'UNGASS

[ Le texte de la déclaration politique sur le VIH est accessible à cette adresse : http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/N06/367/81/PDF/N0636781.pdf?OpenElement. Un compte rendu de la séance du 2 juin est accessible à l'adresse suivante http://www.un.org/News/fr-press/docs/2006/AG10473.doc.htm, on peut notamment y lire des résumé des interventions des responsables politiques nationaux]

DAKAR, le 6 juin (IRIN) - D'intenses négociations ont permis aux pays participants à la session spéciale de l'Assemblée générale des Nations unies (UNGASS) sur le VIH/SIDA d'adopter in extremis vendredi une déclaration d'engagement, fruit d'un compromis qui est loin de faire l'unanimité.

«Je sais qu'aucun d'entre vous n'a obtenu tout ce qu'il voulait dans cette déclaration», a dit Jan Eliasson, président de l'Assemblée générale des Nations unies, lors de la cérémonie de clôture de cette réunion qui s'est tenue à New York du 31 mai au 2 juin.

Mais, a-t-il assuré, «en partie grâce aux efforts de plaidoyer de la société civile, le projet de déclaration est devenu plus fort - pas plus faible».

Cette rencontre, cinq ans après la première UNGASS consacrée au VIH, devait permettre aux pays signataires de la Déclaration d'engagement sur le VIH/SIDA de 2001 d'évaluer le chemin parcouru et d'actualiser leur réponse en vue de la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) fixés par les Nations unies.

Dans le cas du VIH/SIDA, ces objectifs visent à atteindre l'accès universel aux traitements d'ici 2010 et l'inversion de la propagation de l'épidémie à l'horizon 2015.

Le texte final adopté vendredi par les représentants des 151 pays présents a fait l'objet d'âpres négociations jusqu'à la dernière minute entre pays dits 'conservateurs' et ceux qualifiés de 'modérés', soutenus par la société civile.

Si la majorité des organisations de lutte contre le sida ont admis que la déclaration finale était moins «vide de sens» que les fortes pressions exercées par les conservateurs ne le laissaient craindre, elles ont cependant estimé que le texte comportait d'importantes lacunes.

Premier motif de déception de la société civile : l'absence d'engagement ferme en matière de financement de la lutte contre le sida pour les années à venir.

Le document adopté vendredi reconnaît qu'il faudrait 20 à 23 milliards de dollars par an pour financer la lutte d'ici 2010 et qu'il est donc nécessaire de chercher des «ressources additionnelles», mais sur pression de certains pays notamment les Etats-Unis, aucun objectif chiffré n'a été inscrit dans le texte.

Autre «occasion manquée» de faire progresser la lutte contre le sida, selon les activistes, le refus des pays 'conservateurs', comme la plupart des pays musulmans et plusieurs pays catholiques d'Amérique du sud, de mentionner nommément certaines populations dont la vulnérabilité à l'infection au VIH est pourtant reconnue.

Ainsi, les travailleurs du sexe, les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes ou encore les consommateurs de drogues injectables, restent regroupés sous l'appellation neutre de «groupes vulnérables», un flou qui pourrait permettre aux pays conservateurs d'éviter de développer des programmes spécifiques, ont déploré des organisations de la société civile et les représentants de certains pays.

<b>Des ONG furieuses, l'ONU satisfaite</b>

«Nous sommes furieux», a dit Aditi Sharma, responsable de ActionAid International, une ONG basée en Afrique du Sud, et qui s'exprimait au nom d'environ 70 des 800 organisations de la société civile représentés à la réunion de New York.

«Il est incompréhensible que les négociateurs aient pu produire une déclaration aussi faible, alors que nous devons agir d'urgence pour empêcher [plus de 8 000] personnes de mourir et 13 500 d'être contaminées chaque jour», a-t-elle expliqué.

Hilary Benn, du secrétariat britannique au développement international, a également exprimé sa déception devant l'Assemblée générale. «J'aurais souhaité que nous puissions être un peu plus francs dans notre déclaration et que nous disions la vérité», a-t-il regretté.

Une analyse que ne partagent pas les Nations unies : la déclaration d'engagement adoptée vendredi à New York réaffirme les engagements pris en 2001 et les complète, a estimé M. Eliasson.

Ainsi, en dépit des vives réticences de certains pays conservateurs, la nécessité de protéger les droits des femmes et des filles, qui représentent près de 60 pour cent des personnes vivant avec le VIH en Afrique, selon le Programme commun des Nations unies sur le sida (Onusida), a été fermement soulignée, a-t-il rappelé.

Les pays signataires de la déclaration «reconnaissent que les inégalités de genre et toutes les formes de violence à l'encontre des femmes et des filles augmentent leur vulnérabilité au VIH/SIDA», et s'engagent «à éliminer [ces] inégalités et... à renforcer les capacités des femmes et des filles à se protéger du risque d'infection, principalement à travers l'accès aux services de santé, y compris la santé sexuelle et reproductive, et à l'information».

D'autre part, l'importance du recours à des moyens tels que les préservatifs, masculins et féminins, dans les stratégies de prévention de l'infection a été clairement affirmée, au même titre que l'abstinence et la fidélité.

Enfin, la déclaration souligne que les accords de l'Organisation mondiale du commerce sur les droits de propriété intellectuelle liée au commerce (ADPIC) ne «[doivent] pas compromettre le droit à la santé publique».

Ainsi, affirme le texte, les accords «peuvent et devraient être interprétés (.) de façon à défendre le droit à la santé publique et, en particulier, à promouvoir l'accès universel aux médicaments, y compris la production d'antirétroviraux génériques et autres médicaments essentiels pour traiter les infections liées au sida», affirme le texte.

«C'est un bon document, qui a de la substance et de la vision», a affirmé M. Eliasson.

Cette déclaration, qui prévoit une évaluation des progrès réalisés dans la lutte contre le sida en 2008 et 2011, représente «l'étape suivante» après les engagements pris en 2001, a estimé Peter Piot, directeur exécutif d'Onusida, affirmant qu'en dépit de «désaccords sur la tactique», tous les pays et acteurs étaient «des pièces essentielles de la même stratégie».

«Chacun peut estimer qu'il manque quelque chose, mais pour la première fois, certains des aspects les plus controversés de la problématique du sida figurent dans un texte approuvé par la communauté internationale», a-t-il conclu.