Bonjour chers e-médiens,
L'article ci-dessous résume très bien la situation actuelle, et appelle à développer de nouvelles thérapies antipaludiques, ce qui semble une voie logique pour assurer la relève des médicaments à base de dérivés d'artémisinine.
En accompagnement de cette stratégie, il semble à présent indispensable de s'intéresser aux sujets sains (non malades) porteurs du paludisme, qui continuent de transmettre le parasite et ne sont pas concernés par les traitements. cette stratégie doit s'appliquer en priorité dans les régions où il est en voie d'éradication et où la résistance à l'artémisinine est en augmentation, ce qui est le cas du Cambodge. Le traitement systématique de tous les porteurs de parasite est en pleine discussion au niveau international, fait l'objet de plusieurs études scientifiques, mais rencontre encore beaucoup d'obstacles éthiques et financiers.
Pascal Millet
Pascal Millet
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Paludisme: les parasites font de la résistance
Alors que l’épidémie de malaria régresse, l’apparition de parasites insensibles aux traitements inquiète les experts.
L’utilisation de moustiquaires imprégnées et l’amélioration de l’accès aux traitements ont permis de réduire de 60% la mortalité liée au paludisme en 15 ans.
Par Bertrand Beauté
03.10.2015
http://www.tdg.ch/sante/sante/Paludisme-les-parasites-font-de-la-resistance/story/19413760
«C’est incontestablement l’un des plus grands succès en matière de politique de santé publique, se félicite le professeur Blaise Genton, médecin-chef au Service des maladies infectieuses du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Cela montre que lorsque l’effort est global, il est possible d’arriver à de très bons résultats.»
Depuis 2000, le taux de nouveaux cas de paludisme a diminué de 37% dans le monde et la mortalité liée à cette maladie a chuté de 60%, selon un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), publié le 17 septembre. Cela correspond à environ 6,2 millions de vies sauvées en à peine quinze ans. Le projet d’inverser la courbe du paludisme en 2015, inscrit dans les Objectifs du millénaire pour le développement en 2000, a donc été réalisé, se félicite l’OMS.
Un précédent inquiétant
«Les actions mises en place par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme ont été d’une efficacité exceptionnelle, confirme le docteur Frédéric Ariey, du Service de parasitologie-mycologie de l’Hôpital Cochin. Dans le cas du paludisme, nous avons distribué des moustiquaires imprégnées, diffusé des tests de diagnostic rapides et amélioré l’accès au traitement. Ces trois actions combinées ont permis de faire reculer la maladie.»
Mais cela pourrait ne pas durer. Après dix ans d’utilisation massive, les médicaments à base d’artémisinine commencent à être moins performants en Asie du Sud-Est, dans la région du Mékong, signe de l’apparition de résistances chez le parasite vecteur de la maladie – Plasmodium falciparum.
Dans une étude, publiée le 18 septembre dans la revue Emerging Infectious Diseases, des chercheurs ont montré que les parasites qui subissent in vitro cinq années de pression médicamenteuse à la seule artémisinine développent une insensibilité généralisée à la plupart des traitements. «Ils supportent alors 7000 fois la dose qui les tue habituellement, souligne Françoise Benoit-Vical, directrice de recherche Inserm au sein du Laboratoire de chimie de coordination du CNRS et principale auteure de l’étude. Le Plasmodium falciparum échappe à l’effet toxique des médicaments grâce à un phénomène d’endormissement. Pendant toute la durée du traitement, les parasites arrêtent leur développement. Puis, dès qu’ils ne sont plus soumis aux médicaments, ils se réveillent et prolifèrent de nouveau.» Même s’il est difficile de comparer des données in vitro à ce qui se passe in vivo, ces résultats montrent la capacité de Falciparum à s’adapter.
Un mécanisme qui semble à l’œuvre en Asie. «Pour l’instant, ces traitements parviennent encore à guérir tous les patients, poursuit Françoise Benoit-Vical. La plupart des résistants sont éliminés en cinq jours au lieu de deux. Mais on craint que ce délai ne s’allonge de plus en plus, jusqu’au point où le traitement deviendra totalement inefficace. Si cela arrive, cela pourrait mettre en péril toutes les politiques de santé publique actuelles.»
Ce ne serait pas la première fois. En 1955, l’OMS avait lancé un premier programme visant à éradiquer totalement le paludisme de la planète. Il reposait sur une campagne de démoustication intensive avec la pulvérisation de DDT – un insecticide – dans les régions endémiques et sur la diffusion de traitements à base de chloroquine. «Cette politique a obtenu d’assez bons résultats en Asie, en Europe et en Amérique. Moins en Afrique, note Frédéric Ariey. Puis en 1972, le programme a été arrêté. En raison des crises économiques, il ne bénéficiait plus d’assez de soutien. Résultat: dans les années 90, on a observé une recrudescence des cas de paludisme. Nous nous sommes alors aperçus que la chroloquine, jusqu’ici efficace, ne fonctionnait plus. Le parasite était devenu résistant partout dans le monde. La mortalité liée à la maladie est alors repartie à la hausse.»
Des études ultérieures ont montré que les premiers cas d’insensibilité à la chloroquine sont apparus dès 1957 à la frontière entre le Cambodge et la Thaïlande, puis, en 1974, en Afrique, pour finalement toucher l’ensemble de la planète. «Exactement comme avec les antibiotiques, l’utilisation intensive d’un médicament conduit à l’apparition de résistances, explique Blaise Genton. Celles-ci se diffusent ensuite, en raison de la mobilité des malades, pour finalement rendre le médicament inefficace.»
En 2001, l’OMS a réactivé le programme mondial d’éradication du paludisme, avec la diffusion d’une nouvelle molécule: l’artémisinine. «Ce médicament est très différent des autres antipaludiques, souligne Frédéric Ariey. Il permet de guérir un patient en seulement deux jours.» Afin d’éviter l’apparition de résistance, l’OMS conseille de prescrire l’artémisinine sous forme de bithérapie, c’est-à-dire associée à un autre antipaludique tel que la piperaquine. Une mesure qui n’a pas suffi. En 2008, une étude publiée dans le New England Journal of Medicine a mis en évidence le développement de résistances dans l’ouest du Cambodge, où des malades pourtant traités pendant sept jours présentaient toujours des parasites dans leur sang.
Après séquençage et analyse du génome des souches insensibles, les scientifiques de l’Institut Pasteur ont identifié le responsable. Selon leurs résultats, publiés en décembre 2013 dans Nature, il s’agit d’une mutation sur un gène du chromosome 13 du parasite, codant pour la protéine K13. «La fonction exacte de cette protéine demeure inconnue, précise Françoise Benoit-Vical. Mais sa découverte permet de suivre la dissémination des résistances aux artémisinines dans le monde. Disposer d’une bonne cartographie nous permettra d’optimiser les schémas thérapeutiques.»
584 000 décès par année
Pour l’instant, les Plasmodium falciparum insensibles à l’artémisinine n’ont été observés qu’en Asie du Sud-Est. «La propagation de ces souches en Afrique serait une catastrophe, souligne Blaise Genton. Il faut donc éviter leur dissémination.» Dans cette lutte, les chercheurs bénéficient d’un avantage: «Lorsque nous avons découvert que des parasites étaient résistants à la chloroquine, il était trop tard. Les souches responsables avaient déjà été diffusées dans le monde entier, rappelle Frédéric Ariey. Cette fois, nous sommes en avance et nous pouvons agir avant que cela n’arrive.» Pour y parvenir, le Fonds mondial cherche à éliminer totalement le paludisme dans la zone du Cambodge où sont apparues les résistances. Selon l’OMS, cette maladie a causé 584 000 décès en 2013 – avec une marge d’incertitude comprise entre 367 000 et 755 000. Les victimes sont principalement des jeunes vivant en Afrique, où chaque minute un enfant meurt de cette pathologie. (TDG)