[e-med] Politiques Pharmaceutiques en Afrique : les approches de l'OMS et de la Banque Mondiale

Réseau Médicaments et Développement

Politiques Pharmaceutiques en Afrique : les approches de l'Organisation
mondiale de la santé et de la Banque Mondiale

24 mars 2012, 16h30 - 18h,
Salle Lyra, Porte de Versailles, Paris

Compte-rendu
Dr Carinne Bruneton

Une quarantaine de personnes ont assisté à la Conférence organisée par le
Réseau Médicaments et Développement à Paris, le samedi 24 mars 2012 à
16h30.

Les politiques pharmaceutiques sont un modèle de développement
pharmaceutique pour les pays à revenus bas ou moyen et ont été mises en
avant par l’OMS depuis 20 ans avec succès.
L’évolution de la conjoncture internationale financière, économique et
politique n’ont pas été souvent favorables et un projet de réforme
pharmaceutique a été élaboré par la Banque Mondiale en 2011. Le professeur
A. Helali, directeur du Centre de pharmacovigilance et de matériovigilance
d’Alger et expert de l’OMS depuis une vingtaine d’années nous présente son
analyse.

Que représentent les dépenses pharmaceutiques au revenu national ?

Selon la Banque Mondiale, les dépenses pharmaceutiques s’élèvent à 19 ,7%
des dépenses totales de santé pour 46 pays à revenu national élevé, à
23,1% pour 37 pays à revenu moyennement haut, à 27,6% pour 44 pays à
revenu moyennement bas et à 30,4% pour 34 pays à bas revenu.
Cette évolution montre l’impact des dépenses pharmaceutiques dans ces pays
à faibles ressources où les ressources disponibles et affectées à la prise
en charge de la santé des populations sont limitées.

Du point de vue de l’OMS
Pour l’OMS qui a une approche normative, la politique pharmaceutique
nationale (PPN) est « un engagement d’un gouvernement ayant pour but de
coordonner les activités du secteur pharmaceutique national par des règles
juridiques, par le financement, par le contrôle des dépenses, par des
initiatives managériales, dans le cadre de priorités répondant à une
stratégie nationale de développement de la santé publique laquelle est
consignée dans un guide d’actions à entreprendre. »

Pour Banque Mondiale (BM) qui a une approche inclusive, la PPN est « un
engagement d’un gouvernement en vue d’améliorer la performance du secteur
pharmaceutique par l’identification des problèmes de performance du
secteur pharmaceutique national en y mettant des priorités et un
développement des réponses appropriés et spécifiques à chaque pays. La
stratégie de développement est consignée dans un guide d’actions à
entreprendre. »

Le conférencier a détaillé les composantes d’une politique pharmaceutique
selon l’OMS et les composantes d’une réforme pharmaceutique selon la BM.
On notera principalement que la BM s’appuie sur la réalisation d’un
diagnostic pour identifier les causes d’une mauvaise performance d’un
secteur pharmaceutique et que le développement de la réforme s’appuie sur
une stratégie adaptée au contexte national en incluant les obstacles
d’origine politique. On remarque aussi que la place de la qualité, de la
pharmacovigilance, du bon usage et de la bonne gouvernance.
Le Pr Helali illustre la réalisation ce diagnostic de mauvaise performance
d’un secteur pharmaceutique par le cas d’une prévalence élevée de
paludisme en zone rurale. Il peut s’agir de pénuries d’ACT dans le secteur
pharmaceutique (commandes inadaptés, problèmes logistique, etc.) ou de
prix élevés dans le secteur privé (achat sans mise en compétition, absence
de contrôle des prix). Selon la BM, ce diagnostic se fait en quatre
étapes hiérarchisées ce qui permet de bien identifier les problèmes. L’OMS
préconise de combattre le paludisme en s’appuyant sur des normes (guide,
recommandation).

Puis le Pr Helali étudie les formations réalisées par le Réseau
Médicaments et Développement (ReMeD) pendant ces 15 dernières années*
(formations en assurance qualité, en inspection pharmaceutique, en
approvisionnement sur le marché international, en gestion et en
dispensation des médicaments essentiels) et constate qu’elles couvrent une
tous le champs de la politique pharmaceutique (production,
approvisionnement, distribution et dispensation) ce qui montre bien que
ReMeD, par son action sur les ressources humaines a contribué à mettre en
œuvre et à pérenniser les politiques pharmaceutiques nationales en Afrique
contrairement aux organisations réalisant des dons de médicaments.

En conclusion, le conférencier note que les réalités de 2001 sont
différentes de 2012 et qu’il y a un décalage entre l’ambition de l’OMS et
les réalisations sur le terrain. La BM s’est attaché à étudier l’origine
de la mauvaise performance des politiques pharmaceutiques et propose une
démarche plus pragmatique et moins normative que l’OMS impliquant les
organisations politiques locales en les incitant à prendre en compte les
conséquences en termes de risques et de succès lors de la mise en œuvre
des politique

Lors du débat suivant la présentation et modéré par le dr. Carinne
Bruneton (ReMeD), les points suivants ont été abordés :

- comment l’OMS appréhende la notion de bonne gouvernance
- comment la BM défini la notion de performance
- la mise en œuvre de la politique pharmaceutique en Algérie et son
absence d’évaluation
- les conséquences des politiques de gratuité des médicaments décidées par
les politiques quand la contrepartie nationale n’existe pas
- les effets exogènes sur les prix des médicaments qui réduisent
l’accessibilité aux médicaments (prix des matières premières, droits de
propriété intellectuelle, ect.)
- l’importance de développer l’intersectorialité :
santé-morbidité/hydraulique/
habitat/nutrition, etc.
- les politiques de dons de médicaments, trop souvent utilisés comme
antidote à la bonne gouvernance financière
- la différence entre la gestion rationnelle des médicaments et l’analyse
de besoins de base
- les difficultés pour l’étude des besoins des populations dans un
contexte où les parties politiques censés les représenter ne sont pas
forcément représentatifs de toute la population : qu’attendent ces
populations ? qu’est-ce la satisfaction des citoyens ?
- l’importance des évaluations pour identifier l’impact de démarches trop
théoriques et loin du terrain qui sont l’origine souvent de la mauvaise
performance de la mise en œuvre des politiques pharmaceutiques nationales.

En conclusion, un participant sollicitant une analyse critique des deux
approches, OMS et BM, en matière de politique pharmaceutique, le Pr Helali
souligne que la BM a des conditionnalités qui lui permettent d’imposer des
changements alors que l’OMS n’a pas ce mandat, elle collabore avec les
Etats.

Le Dr Carinne Bruneton remercie le Pr Helali, un ami de ReMeD de longue
date ainsi que les participants à ce débat et donne RDV à tous au Forum
pharmaceutique international qui se tiendra à N’Djaména à partir du 20
juin 2011 tout en attirant l’attention de chacun sur les difficultés que
traverse actuellement l’association ReMeD.

(1) www.remed.org

Carinne Bruneton
Réseau Médicaments et Développement
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