[e-med] Publicité grand public pour les médicaments en France: attention danger!

Communiqué de presse
Paris, le 15 janvier 2009
Publicité grand public pour les médicaments : chaque jour un peu plus …
http://www.prescrire.org/docus/MiEF_ParrainageTV_CdP20090115.pdf

Le Collectif Europe et Médicament déplore que les firmes pharmaceutiques
aient récemment obtenu en France un nouveau droit de faire de la publicité
auprès du grand public. En effet, le décret du 19 décembre 2008 « modifiant
le régime applicable à la publicité télévisée, au parrainage télévisé et au
télé-achat » autorise désormais le “parrainage” (alias sponsoring)
d’émissions de télévision par les firmes pharmaceutiques (1).

Ainsi, pas à pas, les firmes pharmaceutiques diversifient leurs moyens de
communiquer auprès du grand public sur les médicaments.

Communication directe auprès du public : la clé du marché mondial. Au niveau
européen, les firmes n’ont eu de cesse au cours des dernières années de
pousser la Commission européenne à autoriser la publicité grand public pour
les médicaments de prescription, actuellement autorisée dans 2 pays
seulement (États-Unis et Nouvelle-Zélande) (2). La Commission a ainsi
proposé le 10 décembre 2008 d’élargir le droit des firmes à communiquer
auprès du grand public sur leurs médicaments de prescription, via leurs
sites internet et des publications écrites (3,4).

Cette volonté des firmes de communiquer auprès du grand public s’inscrit
dans une stratégie marketing à long terme au niveau mondial, à l’heure où
les professionnels de santé deviennent plus critiques sur les informations
des firmes, et où les organismes d’évaluation pharmaco-économique des
médicaments deviennent plus exigeants (5,6).

Une enquête de la Commission européenne a récemment montré que le marketing
est aujourd’hui le domaine d'investissement principal des firmes
pharmaceutiques (23 % de leurs dépenses), devant la recherche (17 % de leurs
dépenses) (7).

En France : offensives répétées des firmes, qui reçoivent des cadeaux
coûteux pour la collectivité. En 2007, la mobilisation de l'ensemble de la
société civile a permis le retrait du projet du gouvernement qui visait à
légaliser les programmes d'"aide à l'observance" des firmes pharmaceutiques
(8).

Début 2009, le débat n’est pourtant pas terminé : les firmes pharmaceutiques
espèrent que la "loi portant réforme de l’hôpital, et relatifs aux patients,
à la santé et aux territoires" leur ouvrira demain la possibilité de
s’introduire dans l’éducation thérapeutique et les programmes dits “d’aide à
l’observance” des patients. Le projet de loi ne précise en effet pas que les
firmes doivent être tenues à l’écart de ces programmes (9 article 22), et
les firmes estiment « qu’il ne faut pas s’enfermer dans un modèle » qui les
exclurait à priori (10).

Certaines firmes pharmaceutiques nouent d’ailleurs déjà aujourd’hui des
partenariats avec des universités pour « créer des métiers en lien avec
l’hygiène et l’éducation thérapeutique » (11). Elles envisagent ces métiers
“d’éducateurs thérapeutiques” comme moyens de reconversion de certains de
leurs visiteurs médicaux (11).

In fine, le parrainage télévisuel, "l’éducation thérapeutique" ou les
“actions d’accompagnement” des firmes telles que les programmes dits “d’aide
à l’observance" seront payés par la collectivité et les patients, via la
Sécurité sociale et les complémentaires. Il est donc illusoire de penser que
les firmes ont de l’argent disponible pour ces activités, alors que la
collectivité n’en aurait pas.

L’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a estimé que le marketing
pharmaceutique était un moyen coûteux pour la collectivité de transmettre
des informations biaisées aux médecins ; au moins trois milliards d'euros y
sont consacrés annuellement (12).

La France s’apprête-t-elle à étendre ce modèle au grand public ?

L’IGAS a également recommandé que les firmes soient tenues à l’écart des
programmes d’observance (13). La Cour des comptes considère pour sa part «
qu’il appartient en priorité aux pouvoirs publics de répondre au besoin,
bien réel, d’accompagnement des patients et que celui-ci ne doit pas être
abandonné aux firmes pharmaceutiques » (14). Seront-elles entendues ?

Le plus grand service que les firmes pharmaceutiques peuvent rendre à la
société est d'investir davantage dans la recherche, pas dans le marketing et
"l'éducation des patients".

Le nouveau droit de publicité des firmes pharmaceutiques, publié au Journal
Officiel la veille de Noël (1), montre que la plus grande vigilance s'impose
sur le sujet de l’information santé fiable et utile pour les patients et
leurs familles.

Le Collectif Europe et Médicament compte sur les responsables politiques
pour défendre le droit des patients à une information fiable sur les
médicaments, et s'opposer aux stratégies marketing des firmes qui ciblent le
public, tant en France qu’en Europe.

Le Collectif Europe et Médicament

Références :
1- "Décret n° 2008-1392 du 19 décembre modifiant le régime applicable à la
publicité télévisée, au
parrainage télévisé et au télé-achat" Journal Officiel du 24 décembre 2008.
2- "Direct-to-consumer advertising under a different name" Lancet 2008 ; 371
: 1972.
3- Commission européenne "Proposition de Directive du Parlement européen et
du Conseil modifiant,
en ce qui concerne la diffusion auprès du public d’informations relatives
aux médicaments soumis à
prescription médicale, la directive 2001/83/CE instituant un code
communautaire relatif aux
médicaments à usage humain" : 31 pages.
4- "Europe : le nouveau “paquet” pharmaceutique direct to patient D2P DTC
est adopté !!!" Site epharmarketing.
com consulté le 8 janvier 2009 : 1 page.
5- Price Waterhouse Coopers "Pharma 2020 la vision : quelle voie
prendrez-vous ?" 2008 : 52 pages.
6- “” Would you like a statin with that ?” Marketers Adopt Personalized
Promotion Strategies with
Consumers” IMS Intelligence 360 2007 : 6 pages.
7- European Commission "Sector inquiry. Preliminary report" 28 November 2008
: 426 pages.
8- Collectif Europe et Médicament “Programmes d'"observance" des firmes : la
société civile enfin
entendue” Communiqué de presse 25 janvier 2007. Site internet
www.prescrire.org/aLaUne/dossierNMObservanceFrPostSe.php : 1 page.
9- "Projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la
santé et aux territoires" 28
octobre 2008. Site www.assemblee-nationale.fr consulté le 15 janvier 2009 :
129 pages.
10- "Suivi des maladies chroniques. Faut-il rejeter les programmes
d’accompagnement ? Les
industriels du médicament plaident pour le recours aux programmes de suivi
thérapeutique". Le
médecin de France 2008 (1112) : 12.
11- "Chez Sanofi-Aventis, les visiteurs médicaux à la croisée des chemins".
Dépêche Destination
santé du 30 octobre 2008.
12- Bras PL et coll. "L’information des médecins généralistes sur le
médicament" IGAS 2007 : 252
pages.
13- Duhamel G et coll. "Encadrement des programmes d’accompagnement des
patients associés à
un traitement médicamenteux, financés par les entreprises pharmaceutiques"
IGAS 2008 : 96 pages.
14- Cour des Comptes "Communication de la Cour des comptes concernant la
consommation et la
prescription des médicaments" In : "Rapport d'information n°848 par la
Commission des affaires
culturelles, familiales et sociales en conclusion des travaux de la Mission
d’évaluation et de contrôle
des lois de financement de la sécurité sociale sur la prescription, la
consommation et la fiscalité des
médicaments" 30 avril 2008 : 503 pages.
Créé en mars 2002, fort de plus de soixante organisations membres réparties
dans douze pays de l’Union, le Collectif Europe et
Médicaments est composé des quatre grandes familles des acteurs de la santé
: associations de malades, organisations familiales
et de consommateurs, organismes d’assurance maladie et organisations de
professionnels de santé.
Contacts : Pierre Chirac (pierrechirac@aol.com ; revue Prescrire) ; Antoine
Vial (europedumedicament@free.fr ; Coordination du Collectif).