E-MED:Quand l'industrie pharmaceutique courtise les m�decins
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Le Devoir, Montr�al, lundi 28 avril 2003
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Quand l'industrie pharmaceutique courtise les m�decins
L'investissement par l'industrie a des r�percussions sur la qualit� de
l'acte m�dical et sur la �survie� � moyen terme de notre syst�me de sant�
Fran�ois Lamontagne, Genevi�ve Turcotte, St�phane Lemire, Martin Plaisance,
Bernard Coll, Mathieu Brouillet, Am�lie Adjaoud, Philippe More
Les auteurs de cette lettre sont tous m�decins re�us ou m�decins r�sidents
pratiquant � Sherbrooke, Rimouski et Arthabaska.
�dition du lundi 28 avril 2003
R�cemment, des protestations se sont fait entendre au sujet des ristournes
accord�es aux pharmaciens d'officine par des compagnies pharmaceutiques
vendant des m�dicaments g�n�riques. On a abondamment invoqu� le probl�me
�thique que cela repr�sente. Nous sommes un certain nombre � trouver que
cette situation d�plorable s'apparente � la relation de courtisanerie entre
l'industrie pharmaceutique et les m�decins.
En effet, il est d'un usage courant que des repr�sentants pharmaceutiques
distribuent �chantillons et cadeaux de toutes sortes dans les h�pitaux, les
universit�s et les cliniques, qu'ils payent des repas, des sorties, parfois
des congr�s (ainsi que les voyages assortis) et qu'ils r�mun�rent grassement
certains m�decins pour des conf�rences promotionnelles devant leurs pairs.
Pourtant � l'encontre du code de d�ontologie des m�decins qui comporte
plusieurs articles � ce sujet, cela se fait sous le couvert d'une
contribution des compagnies � la pratique clinique des m�decins, �
l'enseignement et � la recherche clinique.
Nous sommes d'avis que cet important investissement d'argent par
l'industrie, ent�rin� par le corps m�dical, entache non seulement l'�thique
de la profession, mais entra�ne aussi des r�percussions sur la qualit� de
l'acte m�dical et sur la �survie� � moyen terme de notre syst�me de sant�.
Dans un premier temps, il nous appara�t clair que le fait de recevoir des
cadeaux d'un tiers parti, quelles que soit leur nature et leur importance,
entache l'exercice m�dical et risque de rel�guer l'int�r�t du patient au
second rang des pr�occupations du m�decin. Cette pratique va � l'encontre de
l'article 63 du code de d�ontologie des m�decins qui stipule que le m�decin
doit sauvegarder en tout temps son ind�pendance professionnelle et �viter
toute situation o� il serait en conflit d'int�r�ts, notamment lorsque les
int�r�ts en pr�sence sont tels qu'il pourrait �tre port� � pr�f�rer certains
d'entre eux � ceux de son patient ou que son int�grit� et sa loyaut� envers
celui-ci pourraient �tre touch�es.
La pratique �tant r�pandue et admise, la majorit� des m�decins diront que
leur pratique ne s'en trouve pas touch�e, que la pression �gale exerc�e par
les diff�rentes compagnies permet au clinicien de conserver son
libre-arbitre. Ce � quoi nous r�pondrons que les techniques de marketing
utilis�es sont aussi sophistiqu�es que subtiles et que les sommes
ph�nom�nales investies (pr�s de 16 milliards $US en 2000) attestent de leur
efficacit�.
Inflation spectaculaire des co�ts
Notre deuxi�me constat, plus pragmatique, concerne le co�t des outils
promotionnels, indirectement transf�r� � la population. D'abord, l'inflation
spectaculaire des co�ts du syst�me de sant� constitue une des principales
�pines au pied des syst�me de sant� tant au Canada qu'� l'�tranger.
Autant le nombre que le prix des m�dicaments augmente � un rythme effr�n�,
de telle sorte que les d�penses canadiennes pour les m�dicaments augmentent
plus vite que les autres d�penses en sant�. En fait, l'augmentation des
co�ts reli�s aux m�dicaments est en quelque sorte responsable des dures
coupures exerc�es dans les autres secteurs comme le r�seau hospitalier.
Alors qu'au milieu des ann�es 1970 les d�penses canadiennes pour les
m�dicaments repr�sentaient 8,4 % des d�penses totales, � la fin de l'ann�e
1999, elles atteignaient 14,9 %; quant aux h�pitaux, en 1975, ils se
voyaient allouer 45 % du budget en sant� alors qu'en 1999 ce chiffre tombait
� 31,9 %. Deuxi�mement, les d�penses en marketing des compagnies
pharmaceutiques repr�sentent un investissement chiffr� en milliards de
dollars d�passant le montant accord� � la recherche et au d�veloppement.
En effet, en 2002, des neuf premi�res compagnies pharmaceutiques en terme de
revenus annuels, huit d�pensaient en activit�s promotionnelles plus du
double de ce qu'elles d�pensaient en recherche et d�veloppement.
On estime que le montant attribu� aux activit�s promotionnelles en 2000 aux
�tats-Unis s'�levait � 15,7 milliards $US. Malgr� tout, ces m�mes compagnies
d�clarent des profits records, ann�e apr�s ann�e. Il n'y a pas � en douter,
la facture des activit�s de marketing est amortie par le co�t des
m�dicaments.
Il en ressort que la publicit� faite par les compagnies aupr�s des m�decins
sous forme de cadeaux, repas ou mat�riel �didactique� est pay�e par
l'ensemble de la population et que ce co�t hypoth�que s�rieusement la
viabilit� du syst�me de sant�.
Activit� moralement douteuse
D'aucuns feront remarquer qu'il est normal pour une compagnie d'investir
dans la promotion de ses produits. Cependant dans ce cas pr�cis, la relation
triangulaire entre l'industrie, le m�decin et la population rend cette
activit� moralement douteuse. Quand une compagnie promeut un produit, c'est
le docteur qui en profite et la soci�t� qui paye.
Finalement, nous aimerions pr�ciser que c'est aux m�decins qu'incombe la
responsabilit� de l'�tat actuel des choses. Les compagnies sont responsables
devant leurs actionnaires et les m�decins, de leurs actes dans les soins
accord�s aux patients. Vu la concurrence f�roce entre les compagnies et leur
vocation mercantile,les compagnies ne pourraient amorcer un changement de
fa�on unilat�rale. Les m�decins, de leur c�t�, devraient �tre en mesure
d'assurer leurs frais de congr�s et de repas, surtout quand on consid�re
leurs nouvelles ententes avec le gouvernement du Qu�bec. L'autonomie qui
leur est si ch�re devrait aussi les motiver � pr�server leur ind�pendance
par rapport � l'industrie pharmaceutique. Dans cette optique, il serait
souhaitable que le Coll�ge des m�decins, qui joue le r�le de gardien des
int�r�ts du citoyen en mati�re m�dicale, fasse en sorte que le corps m�dical
respecte son propre code de d�ontologie.
L'argent de l'industrie n'a sa place ni dans les universit�s, ni en
�ducation m�dicale continue, ni dans le fonctionnement d'une clinique.
Incontestablement, les sommes �conomis�es devraient permettre de revoir � la
baisse le prix des m�dicaments. Il va sans dire qu'entre le moment o� les
m�decins cesseront d'accepter les cadeaux des compagnies et le jour o�
celles-ci abaisseront le prix de leur produit il y a loin de la coupe aux
l�vres, mais les difficult�s qui se pr�senteront ind�niablement ne
justifient pas le flou �thique que le corps m�dical cautionne actuellement.
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