[e-med] Rencontre avec Michel Kazatchkine, directeur du Fonds mondial

MONDE: Rencontre avec Michel Kazatchkine, directeur du Fonds mondial
   « Ne jamais baisser les bras »

   JOHANNESBOURG, 17 mars 2010 (PlusNews) - A l'occasion du lancement du
   rapport 2010 du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose
   et le paludisme, IRIN/PlusNews a rencontré Michel Kazatchkine,
   directeur exécutif de cette organisation, qui a accepté de répondre à
   quelques questions délicates sur ce qui pourrait bien être un tournant
   pour le financement de la lutte contre le VIH/SIDA.

   QUESTION : Le sida est-il toujours une maladie exceptionnelle ? La
   menace qu'il représentait autrefois est-elle toujours d'actualité ?

   REPONSE : La menace est considérable ; il s'agit de la plus grande
   épidémie de l'histoire du monde. A l'échelle internationale, quelque
   34 millions de personnes vivent avec le VIH, et [le virus provoque]
   environ deux millions de décès par an - des morts qui devraient
   pouvoir être évitées.
   Pourquoi le monde s'est-il autant focalisé sur le sida ? Cela est lié
   à la dimension de l'épidémie et au nombre de morts - mais il était
   [également] manifeste que cette épidémie frappait les gens à l'âge le
   plus productif de leur vie, et cela avait un [impact] sociétal,
   micro-économique et macro-économique énorme... C'est ce qui a conduit
   à ce concept d'`exceptionnalisme du eux qui affirment que nous avons trop
   investi dans le VIH et le sida, au détriment d'autres maladies ?
   R. On peut penser [que cela est] injuste pour les autres maladies
   mais... [le concept d'exceptionnalisme du sida] a aidé à mobiliser -
   comme cela ne s'était jamais vu auparavant - des ressources [pour la
   lutte contre] le sida.
   Je veux que tous comprennent que [leur argent ne sert pas seulement à]
   acheter des préservatifs ou des médicaments antirétroviraux [ARV] ; en
   Afrique, ces ressources nous ont permis de faire des progrès en termes
   d'infrastructures, de formation des travailleurs de santé,
   d'acquisition de médicaments... Plus d'un tiers du financement total
   du Fonds mondial sert en réalité à renforcer les systèmes de santé.

   Q. Dans quelle mesure la récession mondiale a-t-elle affecté les
   programmes de lutte contre le VIH ?

   R. Tous nos bailleurs ont honoré leurs promesses de dons au Fonds,
   malgré la conjoncture difficile. C'est souvent dans les pays [pauvres]
   que l'impact a été le plus fort. Les gens ne se rendent peut-être pas
   compte que les pays pauvres ont démesurément plus souffert de la crise
   que les pays riches, car leurs exportations ont diminué et le prix des
   biens importés n'a pas baissé.
   En période de crise, les pays pauvres ont du mal à maintenir leurs
   investissements sociaux... leurs priorités portent sur le secteur
   social. Nous avons fait des progrès significatifs, mais très fragiles.
   Nous savons ce que nous pourrions faire comme progrès si nous pouvions
   maintenir ou augmenter les financements... à présent, le défi concerne
   notre réapprovisionnement pour 2010, et ce qui se passera au cours des
   trois prochaines années.

   Q. Quel est l'avenir du financement de la lutte contre le VIH ?

   R. Le Fonds mondial et le PEPFAR [le Plan d'urgence du président
   américain pour la lutte contre le sida] fournissent essentiellement à
   eux deux 100 pour cent du financement des traitements s Etats-Unis, qui sont le plus gros bailleur
   du Fonds mondial, contribuent à hauteur d'environ 29 pour cent aux
   recettes totales du Fonds. Pour moi, toute annonce de stagnation de
   l'aide est inquiétante. La stagnation ne nous permettra pas d'aller
   assez loin dans le traitement et la prévention - nous avons besoin de
   nous développer.

   Q. Les pays comptent-ils trop sur le Fonds mondial ? Cela expose-t-il
   les programmes nationaux à des risques de retards de financements ?

   R. Je dirais que les pays... ne peuvent pas gérer 24 bailleurs. S'il
   fallait [qu'ils rendent des comptes] à 24 personnes séparément, les
   pays... se noieraient dans les [comptes-rendus de gestion]. Avoir un
   Fonds mondial nous permet d'avoir un engagement politique mondial...
   et de réduire significativement les coûts de transaction.
   Je sais que pour un certain nombre de programmes, [les versements ont
   été retardés]... Dans la plupart des cas, c'est parce que nous ne
   recevons pas la demande à temps. Il y a des raisons bureaucratiques à
   cela... c'est pourquoi nous faisons passer une grande partie des
   financements par les canaux de la société civile.

   Q. Y a-t-il des mesures que les pays pauvres devraient prendre dès à
   présent afin de se préparer au pire en matière de financements ?

   R. Non - les pays doivent élaborer leurs... plans pour renforcer la
   prévention et le traitement, et démontrer quels seront les impacts
   macro et micro-économiques et sociétaux, afin de défendre leur cause
   auprès des bailleurs. Ne jamais baisser les bras.

   llg/kn/he/il/ail
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   [FIN]
   [Cet article ne reflète pas nécessairement les vues des Nations Unies]