[e-med] Interview du Dr Michel Kazatchkine (Fonds mondial sida/ANRS)

E-MED: Interview du Dr Michel Kazatchkine (Fonds mondial sida/ANRS)
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Fonds mondial sida/Dr Michel Kazatchkine(Directeur de l'ANRS)
"Les d�boursements seront li�s aux r�sultats"

Fraternit� Matin (Abidjan)
3 Octobre 2003
Publi� sur le web le 3 Octobre 2003

Interview

� C'est vrai que vous ne supplantez pas les gouvernements, mais quel est son
impact sur la sant� publique ?

Ecoutez, nous nous appelons Agence nationale de recherche sur le sida. C'est
comme si vous me demandez, quel est l'impact sur la cuisine que vous faites
chez vous � un �crivain qui �crit des recettes.
Et bien l'impact, c'est qu'il vous apporte des recettes que vous pouvez
utiliser. Si vous savez faire du poulet au citron, c'est parce que votre
grand-m�re ou un livre a cr�� cette recette. Eh bien le gouvernement
ivoirien et les pays en d�veloppement, s'ils savent comment faire pour
emp�cher la transmission du virus de la m�re � l'enfant, c'est parce qu'il y
a des chercheurs qui ont fait ces essais et qui ont trouv�.

� Aux pays de se d�brouiller pour b�n�ficier du fruit de ces recherches...
Vous pouvez tout de m�me user de votre influence pour aider � l'articulation
projet et programme ?

L'argent que je re�ois du gouvernement et des citoyens fran�ais, il est fait
pour que nous fassions de la recherche au service des pays en d�veloppement.

Ensuite vous avez raison pour l'influence. Et l� o� j'ai le plus
d'influence, c'est dans mon r�le de pr�sident du conseil scientifique du
fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Quand
je dirige ce comit� et que nous acceptons ou que nous refusons des
programmes de pays. Et depuis le d�but, nous avons refus� environ 60% de ce
qui nous est pr�sent�. Donc la C�te d'Ivoire fait partie des 40% des
programmes qui ont �t� accept�s.
Quand nous lisons ces programmes, nous veillons � ce qu'ils soient tr�s
globaux. C'est-�-dire qu'ils s'occupent des antir�troviraux, qu'ils
s'occupent de la pr�vention de la m�re � l'enfant, de la pr�vention des plus
vuln�rables. Qu'ils aient un syst�me d'�quit� des subventions, et que la
vision du sida soit globale. Si un programme justement ne contient pas, par
exemple : la composante, transmission du virus de la m�re � l'enfant, eh
bien nous le refusons. Nous demandons � ce que les programmes couvrent tous
les aspects. L� je crois qu'effectivement je peux �tre influent.

� Parlant justement du fonds mondial, je ne comprends pas, que vous donnez
l'impression que les pays peuvent s'organiser comme ils veulent, et puis
quand il y a blocage comme � Abidjan, que faites-vous... Les choses tra�nent
en longueur.

Vous croyez qu'il y a quelqu'un qui fasse tout, qui trouve les solutions
gr�ce � l'argent, qui l'apporte et qui fasse que cet argent soit utilis�.
Or ces m�canismes sont des m�tiers, des comp�tences. Les m�decins font de la
recherche. L'argent est donn� par les grandes institutions internationales.
Actuelle-ment il y a trois grandes sources d'argent pour les pays en
d�veloppement. Le Fonds mondial, qui est la plus importante, la Banque
mondiale qui fait des pr�ts, c'est ce qu'on appelle les programmes MAP sur
le sida et puis il y a cette fameuse initiative annonc�e par les Am�ricains
du Pr�sident Bush : le Fonds Bush qui, dit on, va mettre 15 milliards de
dollars sur cinq ans pour le sida. Cette initiative n'a pas encore d�but�.
Puis vient la phase dont vous parlez, c'est-�-dire au moment o� l'argent
arrive dans le pays pour �tre utilis�. Eh bien cette phase l�, elle est bien
s�r de la responsabilit� des gouvernements, mais aussi de la soci�t� civile.
Qui doit se mobiliser car elle a plus de flexibilit�, plus de rapidit�, de
r�activit� que les gouvernements.

L'argent que la C�te d'Ivoire va recevoir (la signature de la convention est
intervenue le vendredi 26 septembre apr�s cet entretien) du fonds mondial,
ce n'est pas de l'argent qui va seulement aller au minist�re de la sant�. La
soci�t� civile va aussi en b�n�ficiant. Ce ne sont pas les gouvernements, ce
C'est ce qu'on appelle " les countries coordinating mechanism " c'est-�-dire
des groupements de tous les partenaires et de tous les acteurs .Donc � cette
phase o� les gouvernements et la soci�t� doivent d�penser cet argent, ils
doivent faire preuve de ce qu'on appelle " l'absorting capacity ",
c'est-�-dire la capacit� d'absorber des fonds suppl�mentaires. A cette
phase-l�, une assistance technique qui est apport�e par l'Organisation
mondiale de la sant�, qui est entrain de se restructurer compl�tement pour
faire face au d�fi de l'acc�s aux traitements. Elle est aussi faite par
l'aide bilat�rale, et en C�te d'Ivoire, j'ai presque envie de dire, c'�tait
la coop�ration fran�aise, puisqu'il est clair que depuis un an et demi les
relations entre la France et la C�te d'Ivoire sont tendues.

� Mais la convention tarde � �tre sign�e. Le blocage quelque part, j'en suis
s�re n'est pas du fait de la soci�t� civile.

Peut-�tre, mais je ne pense pas que la C�te d'Ivoire soit dans une situation
de stabilit� d�mocratique qui lui permette d'utiliser au mieux les fonds qui
vont arriver. Je pense qu'il y a de grands probl�mes, les donneurs sont tous
inquiets que les fonds qui arriveront de l'ext�rieur ne servent � la sant�
et � la promotion de la sant�, mais plut�t � acheter des armes. Mais je peux
vous assurer que l�-dessus le fonds global sera tr�s vigilant, car il a �t�
mis en place des observateurs ext�rieurs et que l'argent du fonds ne va pas
arriver d'un coup, il arrivera par diff�rents versements, et qu'on appelle "
results base disbursement " c'est-�-dire des d�boursements qui sont fond�s
sur les r�sultats qui seront montr�s.

� Savez vous pourquoi la convention c�dant l'argent du fonds mondial � la
C�te d'Ivoire n'a-t-elle pas encore �t� sign�e.

Le comit� scientifique n'intervient pas dans les conventions, parce que
c'est un organe ind�pendant du fonds. C'est ce qui fait notre ind�pendance.
Nous portons un jugement sur les projets. Une fois que cela est fait, en
tant que pr�sident, je vais le d�fendre aupr�s du conseil d'administration,
le 10 octobre, je vais en Tha�lande pour cela.

Le conseil d'administration du fonds comprend des ministres et des membres
de la soci�t� civile des pays en d�veloppement et des pays d�velopp�s. Je
vais lui proposer 620 millions de dollars pour le troisi�me tour de
s�lection des programmes pour les deux prochaines ann�es. Je vais pr�sent�
la liste des programmes que nous lui demandons de financer. Le conseil
d'administration accepte ou n'accepte pas. Jusqu'� pr�sent le conseil a
toujours accept� nos propositions. Une fois que quelque chose est accept�,
�a passe au niveau du secr�tariat du fonds. C'est ce secr�tariat ex�cutif a
un bureau Afrique dont est responsable El Hadj AS Sy. C'est ce bureau qui
doit signer les conventions. Mais il ne signera cette convention que quand
il aura la garantie que les fonds seront disponibles, transparents dans leur
utilisation et que les m�canismes d'utilisation de ces fonds auront �t� mis
en place. Je ne connais pas la situation actuelle de la C�te d'Ivoire et je
fais expr�s de ne pas la conna�tre, vous me pardonnerez, car je veux garder
mon ind�pendance de jugement tant que je suis dans le TRP (Technical Review
Panel, le nom du conseil scientifique). Quand je quitterai cette pr�sidence,
je reprendrai � nouveau un r�le plus militant, mais pour l'instant je dois
pr�server mon ind�pendance de jugement, m�me si bien entendu je ne peux pas
m'emp�cher d'avoir un int�r�t particulier pour les pays que je connais bien
et avec lesquels je travaille en tant que directeur de l'ANRS.

� Que pensez vous de la mise sous traitement antir�troviraux tous azimuts
que semble vouloir pr�ner la Banque mondiale ?

Je crois qu'on ne va pas d'un jour � l'autre arriver � traiter les six �
neuf millions de personnes dans le monde qui ont besoin d'�tre trait�.
Vous savez que sur les 40 millions de s�ropositifs dans le monde, l'OMS et
l'ONUSIDA estiment qu'environ six � neuf millions ont un besoin urgent de
traitement.

L'OMS, on l'a encore entendu � cette conf�rence se fixe pour objectif
d'essayer d'arriver � traiter trois millions de personnes en 2005. Je pense
que c'est un objectif extr�mement ambitieux, et j'ai peur qu'on soit encore
loin de cet objectif en 2005 .Donc le processus d'acc�s au traitement va
�tre progressif. Par essence, ce processus va commencer dans les grandes
villes avec les grands h�pitaux universitaires. Ensuite de l�, il va se
d�centraliser vers les petites villes et dans les h�pitaux de districts.
Mais dans les grandes villes o� il y a beaucoup plus de demandes que de
possibilit�s, il faut que les pays pensent � la fa�on d'�tablir leurs
priorit�s. C'est-�-dire comment choisir les personnes, et quel est le
syst�me �thiquement acceptable ou le moins mauvais pour d�cider de l'acc�s.

Il y a plusieurs id�es autour de cela. On l'a dit et c'est vrai en C�te
d'Ivoire que les personnes qui ont particip� aux recherches et c'est l�
qu'on arrive aux femmes qui �taient dans DITRAM, elles sont des priorit�s
pour les traitements. Acc�s au traitement donc pour les femmes enceintes
d�pist�es s�ropositives et qui ont besoin de traitement apr�s
l'accouchement. Et � travers la femme enceinte d�pist�e, son partenaire, son
enfant ou la cellule familiale parce que ces gens ont fait la d�marche
d'entr�e dans la structure de soins.
Donc voil� des exemples de choix. Il y a des r�flexions � mener sur ces
priorit�s et � mon avis, elles doivent �tre men�s � l'�chelle des pays par
les autorit�s de sant� avec la soci�t� civile.

� Que devient le vaccin th�rapeutique dont la France a parl� un moment ?

C'est encore un sujet de recherches tr�s prometteur et j'esp�re comme je
l'ai dit en f�vrier dernier quand nous avons annonc� ces r�sultats � Boston,
que dans les trois ans au plus cinq ans, �a deviendra vraiment un m�dicament
que pourront recevoir les malades. C'est un vaccin pour soigner et on pourra
l'utiliser dans deux contextes diff�rents. Premi�rement chez des gens qui
prennent des traitements antir�troviraux. Prendre ces traitements plus le
vaccin th�rapeutique, ce sera beaucoup mieux que de ne prendre que le
traitement antir�troviral. Ou bien le vaccin th�rapeutique permettra
d'interrompre quelque temps le traitement antir�troviral. Et l'autre
possibilit� � laquelle on peut r�ver, je ne sais pas si �a deviendra
r�alit�, c'est de donner aux personnes infect�es le vaccin th�rapeutique
pour retarder le moment o� elles auront besoin d'antir�troviraux.

B. Z�gu�la
envoy�e sp�ciale � Nairobi

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