Des chercheurs toulousains découvrent une faille dans l'armure du
bacille de la tuberculose
Par Léna SAOUI - Publié le 25/09/2025 à 15h30
La tuberculose est une maladie infectieuse généralement pulmonaire
hautement contagieuse. © New Africa/Shutterstock
Chaque année, la tuberculose frappe des millions de personnes et
résiste encore aux traitements. Des scientifiques toulousains viennent
d'identifier un mécanisme vital pour la survie du bacille, ouvrant une
piste inédite pour développer de nouveaux traitements.
Une maladie ancienne, toujours redoutable. La tuberculose, loin
d'appartenir au passé, reste aujourd'hui l'une des infections les plus
redoutées. Selon l'Organisation mondiale de la Santé, 10,8 millions de
nouveaux cas ont été recensés en 2023, dont les deux tiers en Inde,
Indonésie, Chine, aux Philippines, au Pakistan, Nigéria, Bangladesh et
Afrique du Sud. Malgré l'existence d'un vaccin et de thérapies, la
maladie continue de tuer, aggravée par l'émergence de souches
résistantes aux antibiotiques. Ces formes insensibles aux traitements
actuels, déjà longs et contraignants, rendent la recherche de
nouvelles armes thérapeutiques plus urgente que jamais.
Comprendre la bactérie pour mieux la vaincre
La tuberculose est provoquée par Mycobacterium tuberculosis. L'un des
grands défis des chercheurs est de comprendre son mode de vie. Comment
la bactérie parvient-elle à persister des années dans l'organisme ?
Quels stratagèmes lui permettent de déjouer notre système immunitaire
avant de resurgir brutalement ?
C'est à ces questions qu'une équipe de l'Institut de pharmacologie et
biologie structurale de Toulouse (IPBS, CNRS/Université de Toulouse)
s'est attaquée. Leur travail, publié dans la prestigieuse revue PNAS,
constitue une avancée majeure.
Un appétit insoupçonné pour le soufre minéral
Jusqu'ici, les chercheurs pensaient que le bacille se nourrissait
surtout de soufre organique, puisé dans nos propres cellules. Or,
cette étude démontre une réalité différente : "Les scientifiques
montrent que M. tuberculosis préfère en réalité importer du sulfate
'inorganique', une forme de soufre présente dans notre organisme,
grâce à un transporteur spécialisé baptisé SubI-CysTWA".
Pour mettre en évidence ce mécanisme, l'équipe toulousaine a utilisé
la technologie NanoSIMS, une méthode d'imagerie capable de visualiser
les éléments chimiques au cœur des cellules infectées. Ils ont ainsi
observé que la bactérie accumule d'importantes réserves de soufre issu
du sulfate. Et ce, particulièrement lorsqu'elle est active.
Un talon d'Achille exploitable
Les chercheurs ont ensuite franchi une étape décisive en inactivant le
gêne responsable de l'expression de ce transporteur. Résultat : "la
croissance de la bactérie cultivée en laboratoire était ralentie et sa
survie a diminué dans les poumons de souris infectées".
Sans ce transporteur, la bactérie devient aussi plus vulnérable aux
attaques naturelles du système immunitaire, notamment au stress
oxydatif.
Ce point faible est d'autant plus intéressant que le transporteur
SubI-CysTWA est spécifique à M. tuberculosis, et n'existe nulle part
ailleurs. Autrement dit, un médicament conçu pour le bloquer n'aurait
aucun effet sur nos cellules humaines, ce qui limite grandement les
risques d'effets secondaires.
Une piste pour de nouveaux traitements
L'idée séduit d'autant plus que ce mécanisme pourrait renforcer
l'action d'antibiotiques déjà prescrits, comme l'isoniazide, et
contribuer à réduire la durée des traitements.
À l'heure où la lutte contre la tuberculose se heurte à l'allongement
des traitements et à la prolifération de bactéries résistantes, cette
découverte apporte un souffle d'espoir. Si les travaux doivent encore
être approfondis avant de déboucher sur un médicament, ils offrent une
perspective concrète : priver la bactérie de son carburant vital pour
la rendre vulnérable, ce qui pourrait permettre, à terme, de sauver
des millions de vie.