1 320 décès seraient imputables au Mediator, selon deux chercheurs de
l'Inserm
LEMONDE | 09.02.12 | 12h54 Mis à jour le 09.02.12 | 13h53
Près de 3100 hospitalisations pour une insuffisance des valves cardiaques et
1320 décès seraient attribuables à la prise de benfluorex (Mediator) au
cours de la période 1976-2009 en France. Publiés jeudi 9 février, dans la
revue Pharmacoepidemiology and Drug Safety
<http://www.lemonde.fr/sujet/924d/drug-safety.html> , ces calculs ont été
effectués par deux épidémiologistes de l'Institut national de la santé et de
la recherche médicale (Inserm), Agnès Fournier
<http://www.lemonde.fr/sujet/0f75/agnes-fournier.html> et Mahmoud Zureik
<http://www.lemonde.fr/sujet/014a/mahmoud-zureik.html> , qui avaient
présenté en novembre 2010 une étude évoquant une fourchette plus large,
allant jusqu'à 2000 décès.
"Nous avons affiné nos calculs en travaillant sur les données disponibles,
qui dans le cas de celles émanant de l'assurance-maladie ne permettent pas
de remonter plus loin que l'année 2006", explique Mahmoud Zureik. Les deux
épidémiologistes ont opéré à partir des statistiques hospitalières, de
celles des remboursements pour des prescriptions de Mediator et sur les
chiffres de vente fournis par le laboratoire Servier.
Au cours de la période de commercialisation du Mediator en France, de 1976 à
son retrait du marché en 2009, 145 millions de boîtes (comprenant chacune 30
comprimés) ont été vendues et plus de 5 millions de personnes en ont
consommé. "Mais on ne sait pas exactement comment", précise le docteur
Zureik. La seule période bien documentée couvre les années 2006 à 2009, où
l'on dénombre plus de 10 millions de boîtes remboursées et 30 3336
utilisateurs du médicament.
Sur le total de 145 millions de boîtes, les auteurs estiment que 78 millions
ont été vendus à des personnes ayant déjà consommé 30 boîtes du produit.
C'est parmi cette population de gros consommateurs qu'il est le plus
probable de retrouver ceux ayant présenté des effets indésirables sérieux,
une insuffisance valvulaire modérée à grave, et à avoir été hospitalisés
pour cette raison. Partant d'une étude française ayant montré que la prise
de benfluorex multiplie par 3,1 le risque relatif d'être hospitalisé pour
une valvulopathie, Agnès Fournier et Mahmoud Zureik sont parvenus au nombre
de 3069 hospitalisations pour ce motif sur la période 1976-2009.
Une autre étude, américaine cette fois, indiquait que 43% des individus chez
lesquels une échographie motivée par des signes cliniques mettait en
évidence une valvulopathie modérée à sévère mourraient prématurément de
cette pathologie. Les deux chercheurs en concluent donc qu'il est possible
d'attribuer à la consommation de Mediator 1320 décès, parmi les 3069
patients hospitalisés entre 1976 et 2009.
"Nous avons fait des estimations volontairement conservatrices, souligne
Mahmoud Zureik, car nous n'avons pas pris en compte des décès pouvant
survenir sans que le patient ait été hospitalisé, pas plus que les effets
secondaires chez des patients ayant pris du benfluorex mais ayant arrêté de
le faire avant 2006. De même, nous n'avons pas pris en considération un
autre effet secondaire potentiellement mortel connu de la famille des
fenfluramines à laquelle appartient le benfluorex, l'hypertension artérielle
pulmonaire primitive. Nos résultats sur le risque relatif d'atteinte des
valves cardiaques et sur la mortalité pourraient donc sous-estimer la
réalité." Cette nouvelle estimation, qui reste dans la fourchette évoquée
précédemment (de 500 décès, si l'on s'en tient à une période de suivi
inférieure à quatre ans, jusqu'à 2000 décès, pour un suivi sur la vie
entière) pourrait peser lourd dans la balance lorsque s'ouvrira le 14 mai,
devant le tribunal correctionnel de Nanterre le premier procès du Mediator.
Paul Benkimoun