[e-med] (2)Forum pharmaceutique: fournir une meilleure information, un meilleur accès et de meilleurs prix (Europe)

Attention : Légalisation sournoise de la publicité directe des firmes auprès
des patients en vue !

Chers e-mediens,

On ne peut qu'être d'accord avec les objectifs affichés du Forum
Pharmaceutique.
Il s'agit malheureusement d'une vaste mystification pro-industrielle mise en
place par de la Commission Européenne, pour soutenir l'économie de industrie
pharmaceutique.

Le Forum pharmaceutique s'intéresse aussi à 3 sujets important : le prix,
l'efficacité relative et l'information patient. Les projets "prix" et
"efficacité relative" sont abordés au niveau d'une déclaration AIM-ESIP (en
pièce jointe). L'ISDB avait par ailleurs défini précisémment la notion de
progrès thérapeutique (qui recrouvre la notion d'efficacté relative) dans la
Déclaration de Paris (disponible en français :
http://www.prescrire.org/docus/DeclarationParis.pdf).

Concernant le point de l'information patient, il y a danger : les travaux du
Forum Pharmaceutique visent à faire sournoisement légaliser la publicité
directe des firmes aux patients, sous couvert "d'information", alors qu'elle
était jusqu'ici interdite en Europe (pour des raisons évidentes de conflits
d'intérêt des firmes pharmaceutiques).

5 organisations internationales que les e-mediens connaissent bien Health
Action International (HAI) ; l'International Society of Drug Bulletins
(dont font entre autre partie la revue Prescrire et La Lettre du CEDIM),
l'Association
Internationale de la Mutualité (AIM) ; le Bureau Européen de l'Union des
Consommateurs (BEUC) et Medecines in Europe Forum (Collectif Europe et
Médicament) ont publié une Déclaration commune intitulée "Relevant health
information for empowered citizens".

Joint Declaration "Relevant health information for empowered citizens".
Cette Déclaration part des besoins des patients, définit les critères
principaux d'une information pertinente (qui doit permettre de faire des
choix éclairés), tout en replaçant la relation soignant-soigné au centre des
soins. Elle présente de nombreux exemples positifs de sources d'informations
fiables, classés par acteurs du système de santé, pour contrer l'argument
des firmes qui consiste à dire que « L'Europe souffre d'un syndrome de
privation d'information » (sic). Elle présente enfin quelques propositions
d'améliorations.
Cette Déclaration a été lancée lors d'une réunion avec des députés européens
mardi 3 octobre à Bruxelles. Elle est disponible en libre accès en anglais
sur le site de l'ISDB www.isdbweb.org (la traduction en français est en
cours ; nous vous l'annoncerons).

  Quelques clés pour comprendre les enjeux en présence :

L'information fait partie intégrante des soins. Pour être pertinente,
l'information
doit répondre à trois critères principaux :
- fiable (basée sur des données probantes ; transparence des sources de
données et de leur financement) ;
- comparative (présenter les bénéfices et les risques de l'ensemble des
options thérapeutiques existantes (y compris, le cas échéant, celle
consistant à ne pas traiter) et expliquer l'évolution naturelle de la
maladie ou du symptôme) ;
- adaptée aux usagers (les informations fournies doivent être
compréhensibles, facilement accessibles et adaptées au contexte culturel).

Firmes pharmaceutiques et "information" : confusion des genres. Dans les
années 1980 et 1990, les firmes pharmaceutiques ont commencé à vouloir
fournir de l'"information" aux patients, s'efforçant de gommer la frontière
entre la promotion des médicaments et l'information sanitaire. Sous
l'influence
des firmes, les publicités directes auprès des consommateurs dans certains
pays (États-Unis et Nouvelle-Zélande) se sont multipliées, avec leurs
cortèges de conséquences néfastes en terme de santé publique (affaire
Vioxx°, déséquilibre des patients asthmatiques en Nouvelles Zélande, etc.).
D'autres stratégies, telles que les campagnes de "sensibilisation à des
maladies" qui se sont multipliées dans le monde entier et, plus récemment,
la "fabrication de maladies" (alias "disease mongering") et la mise au point
de divers programmes "d'aide à l'observance" pour "fidéliser leur
clientèle",
sans oublier l'influence qu'exercent les firmes pharmaceutiques sur les
organisations de patients (financement et via des "dealers" d'opinion), ont
achevé d'ajouter à la confusion.

Aujourd'hui, la situation est grave au niveau européen. En 2004, par souci
de protection de la santé publique, le Parlement européen, puis le Conseil
européen, ont massivement rejeté une proposition de la Commission européenne
qui visait à modifier la réglementation de la publicité (pour autoriser les
firmes pharmaceutiques à promouvoir "la connaissance de la disponibilité"
des produits pour l'asthme, le diabète et le sida). Le Collectif Europe et
Médicament avait suivi la bataille de très près.
En 2007, les firmes reviennent avec une stratégie "affûtée" : elles font
actuellement pression sur les députés européens via des instances
redoutablement bien organisées par la Commission européenne qui soutient les
firmes (par exemple le Forum Pharmaceutique Européen) pour faire autoriser
"l'information" directe aux patients, qui n'est rien d'autre que de la
publicité déguisée. Pour les firmes pharmaceutiques, l'enjeu demeure
fondamentalement inchangé : lever l'interdiction de la publicité directe
auprès des consommateurs en Europe et faire en sorte de court-circuiter, ou
de "neutraliser", les soignants. La stratégie semble malheureusement
fonctionner puisque Xavier Bertrand, ministre de la santé, a commencé à
préparer le terrain en lançant une vaste "concertation sur les systèmes
d'information
de santé" la semaine dernière. À suivre.

Florence Vandevelde
La Revue Prescrire
fvandevelde@prescrire.org