[e-med] (2)Les nouveaux objectifs mondiaux pour le développement

Bonjour à tous,

Merci à Carrine pour l'information sur les nouveaux OMD.
Mais au fond tous ceux qui vont se réunir là bas surtout les représentants des pays africains, la majorité sont des "comédiens".
C'est le même problème que tout le monde évoque sur ce forum.
Que veulent les autorités politiques des pays africains ?
Quelques pays comme le Ghana, le Rwanda, la Tanzanie ont atteint certains OMD.
Quels pays de l'UEMOA a atteint un seul OMD ?

Il serait intéressant d'avoir un bilan de la situation et des détails sur les raisons des succès des uns et des échecs des autres avant d’entamer de nouvelles aventures. Peut-être que je suis sous informé. En tout cas je n'ai pas encore vu un document sur les raisons sur lesquelles la zone UEMOA ne pourrait pas atteindre les OMD ?

Le renforcement des systèmes de santé en milieu rural aurait a gagner par l'organisation des différentes couches sociales en coopératives/Associations/Groupements, ect. Que la décentralisation donne la chance a ces coopératives de mieux s'organiser pour payer les SSP et les médicaments essentiels a travers des caisses villageoises de financement des SSP/ME (http://www.cairn.info/revue-sante-publique-2012-4-page-365.htm).

Les villages en Afrique de l'Ouest ont plus besoin d'une intégration Santé-Production locale-Consommation locale-Etablissements de développement ruraux-Financement des SSP/ME par eux mêmes. Le panier commun doit être renforcer si nécessaire par les partenaires qui veulent vraiment le développement rural en Afrique.

Nous avons besoin de renforcer et de développer davantage les SSP. Et jusqu’à présent c'est la même situation. Regardons ensembles les indicateurs de santé de la zone UEMOA de 1990 a 2010. Les améliorations ne sont pas significatives. Donc dure dure d'atteindre des OMD.
Pourquoi ?

On attend de voir ce que cette réunion va accoucher encore. Si le produit n'est pas adapté ou si les premiers responsables sont des "comédiens", alors les OMD nouveaux ne seront jamais atteints.

Merci a tous et bon week-end !

Dr Hamado SAOUADOGO
Pharm.D, M.P.H. Specialist on
Health Systems Management/International health
Strategy for Emerging and Infectious diseases

Cher Docteur Saouadogo,

Je partage avec vous cette question de comprendre les retards de l'Afrique de l'Ouest et du Centre à réaliser les OMD, mais plus largement les retards à améliorer la santé des populations (tous les aspects de la santé et du développement ne sont pas dans les OMD) entre cette région et d'autres régions du continent, indépendamment de tout ce qui peut séparer ces contextes.

Vous trouverez sur cette page de un.org un rapport qui s'intéresse au retard pris dans la réalisation des OMD (dans la liste à droite de la page)
http://www.un.org/fr/development/desa/area-of-work/post2015.shtml

Voir les rapports annuels de réalisation des OMD élaborés par les Nations Unies : MDG Reports. www.un.org, et le dernier sera présenté sans doute à la prochaine AG des NU dans quelques jours.

Cette question est d'autant plus importante à réfléchir maintenant que de nouveaux objectifs sont en préparation; et l'assemblée générale des Nations Unies va en parler; je crains que les objectifs de développement durable ne prennent le dessus, alors que les problèmes dont souffrent la région africaine ne relèvent pas seulement d'objectifs communs mondiaux environnementaux, les seuls à intéresser maintenant la communauté internationale y compris les pays émergents, en ce qu'ils ont en commun (les pays riches et les émergents): les effets dévastateurs de leur croissance

Dans ce paysage quelques uns seulement travaillent à cette question de réduire ces inégalités, mais surtout de les comprendre.

Voyez les travaux du CERDI P. Guillaumont et son équipe et réunions
FERDI. Les OMD dans les pays en développement. Où en sommes-nous ? Version provisoire. Non daté. 48p. sur le site du cerdi

Voir aussi

Evénement organisé conjointement par le Bureau du Haut Représentant des Nations Unies pour les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral et les petits états insulaires en développement, le FERDI, le Ministère des affaires étrangères, l’OCDE et le LDC IV Monitor, au siège des Nations Unies à New York le 16 avril 2013. Résumé sur le site internet du FERDI. http://www.ferdi.fr/evenements/agenda+post+2015+et+pays+vulnérables\.html

Le rapport suivant de l'OIF/ONUSIDA est intéressant en ce qu'il montre les inégalités d'accès aux interventions de prévention et de prise en charge du sida, mais ne les explique pas:

[1] ONUSIDA-OIF. Point de décision de la Francophonie. Stopper les nouvelles infections au VIH et garantir les traitements pour tous. Sommet de la Francophonie, Kinshasa, octobre 2012. 9p.

La question est aussi de savoir comment l'Afrique est représentée dans ces discussions; dans le Panel mondial mandaté par Ban Ki Moon qui a remis sont rapport en mai dernier, c'était la présidente du Libéria

J'ai tenté de réfléchir en partie à ce vaste sujet lors de mes enseignements et travaux dans le cadre de la chaire Savoirs contre pauvreté au Collège de France, dont vous trouverez tous les cours enregistrés sur le site, en particulier la leçon inaugurale, et le cours 2 sur la réalisation des OMD en Afrique, en feuilletant le site suivant, vous trouverez :

http://www.college-de-france.fr/site/dominique-kerouedan/index.htm#|

C'est un chantier en soi de débattre de ce sujet, mais c'est une vraie question d'avenir, j'y travaille aussi dans le cadre d'un article à paraître dans la revue Socio et dans un ouvrage dont je vous ferai part (2014)

Dans cette analyse, une question fondamentale est celle de l'accès à l'aide et au financements et à l'aide technique, très inégale, mais aussi la question de l'accès aux savoirs, et à la science, et à la formation et à la recherche, peut être plus encore inéquitable , et dont les origines sont multiples (accès à l'anglais par exemple) et remontent loin probablement, cela reste à explorer,

Car si les britanniques ont su se servir des forces locales de leurs empires, chacun sait que le système éducatif ou politique français, peut être même culturel, a plutôt tendance à écraser et enfoncer tous ceux qui visent à échapper aux pouvoirs quels qu'ils soient…et c'est peut-être ce modèle qui a prévalu dans la région qui nous intéresse…sans parler de la multiplication des conflits armés dans la même période de réalisation des OMD

Il y a ainsi une conjugaison de raisons à ce retard, qui dépassent largement la question de la santé, et qui nous amène à inviter les sociologues, philosophes, historiens, anthropologues, etc. à s'emparer de cette question, et même les pédagogues ou spécialistes de l'enseignement supérieur, qui pourraient mettre en perspective ces retards avec les systèmes d'éducation et d'enseignement et leurs contenus dans une histoire comparative

bien cordialement
Dominique Kerouedan
d.kerouedan@skynet.be

Bonjour Pr Kerouedan,

Merci pour ces éléments documentés en réponse au Dr Saoudogo.

Savez vous s'il existe t-il des études comparées entre les performances dans le domaine de la santé des pays francophones et anglophones ?

Pour ce qui concerne la question des inégalités d'accès aux soins, il est dommage que les scandinaves qui ont un historique reconnu dans la compression des inégalités (sous toutes ses formes) n'aient pas un poids plus important sur ces questions au niveau international, face aux USA qui ont un poids considérable et ne sont pas un modèle en matière d'égalités. Il faudrait s'interroger aussi sur ceux qui conçoivent les stratégies et leur vision de la société, pour ne pas ensuite constater que les stratégies menées ne réduisent pas les inégalités.

Pour l'aide technique et la recherche, il me semble que nous ayons une vision un peu trop colbertiste en France, et il est difficile de renforcer la recherche africaine si on ne facilite pas le renforcement et l'autonomisation de réseaux inter-africains déjà dans un premier temps. Il y a des compétences en Afrique, mais elles sont trop dispersées et agissent trop en relation directe avec les organisations du Nord qui conservent la maîtrise des projets. Je crois que les relations de plus en plus fortes entre l'Afrique et l'Asie, y compris dans le domaine de la recherche, devrait aussi favoriser la remise en question d'habitudes côté français.

Sans tomber dans les caricatures, ne pourrait-on pas penser qu'entre le "modèle français", centralisateur et qui dans l'accès est un peu sclérosant, et le "modèle anglo-saxon" par essence très libéral et générateur d'inégalités, les scandinaves plus inclusifs et égalitaires (également très portés sur la recherche) n'est pas un autre modèle qui mériterait une meilleure appréciation. On notera également que la plupart des dirigeants occidentaux (sauf scandinaves) ne respectent pas leurs engagement en matière d'APD (l'APD des USA est très faible par exemple en % du RNB), de même que la plupart des dirigeants africains ne respectent pas les leurs (notamment Abuja).

Autant tous les OMD sont louables (mais pas exhaustifs), autant je suis assez partagé sur le fait de fixer des OMD aux pays. Je crois qu'il est préférable de s'attaquer aux réformes de structures qui libèrent les énergies et laisser chaque pays fixer ses propres priorités spécifiques afin de développer une stratégie nationale cohérente (avec des politiques sectorielles interfacées). Je comprends les besoins de reporting et de communication des agences internationales, mais dubitatif sur l'efficacité du système (y compris dans la mobilisation des ressources financières). La santé est une affaire politique, l'engagement politique est le premier pilier de la performance dans la santé; OMD ou pas OMD cela se constate clairement sur les différents pays où la volonté politique différenciée génère des écarts très significatifs sur les résultats en bout de course.

Dans un tout autre domaine, on peut se poser la question si la mise en place des critères de convergence de Maastricht imposés à tous les pays européens qui ont adopté la monnaie commune (pour l'entrée dans la zone Euro) a renforcé leurs capacités économiques ou bien si cela les a figé dans un cadre économique contraignant. Y a t-il eu convergence des économies les moins robustes vers les plus fortes (on parle bien de convergence dans l'esprit et la lettre) ou bien ce système a t-il renforcé les inégalités entre pays ? Les pays n'ayant pas adopté les critères de Maastricht ont-ils fait mieux ou moins bien que les autres. Sur 27 membres, à ce jour seuls trois pays respectent les critères dits de convergence de Maastricht (Danemark, Finlande et Suède soit trois pays du Nord, le dernier n'ayant pas adopté l'euro).

J'ai pris cet exemple pour dire que ce n'est pas parce qu'on fixe un cadre général fixe que les pays qui l'adoptent vont automatiquement réussir. Par contre, dans tous les cas on renforce l'entité qui fixe les règles, impulse les stratégies et réalise les contrôles.

Par ailleurs, l'objectif 6 "Combattre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies",a eu comme effet pervers d'inciter tous les pays à se focaliser sur 3 maladies (VIH, TB, Paludisme) parce qu'il y avait des financements internationaux et à délaisser d'autres maladies parce qu'il n'y avait pas de financement international. Sur les pays sahéliens par exemple, les hépatites tuent plus que le VIH, alors que pratiquement aucun Ministère ne dispose de ressources dédiées pour la coordination de la lutte contre les hépatites (ni les agences internationales en Afrique), avec quasiment pas de statistiques nationales officielles (pas d'enquêtes épidémiologiques nationales, y compris pour des pays qui ont des prévalences de 20% !). On n'a pas incité les pays africains à établir le diagnostic de l'ensemble de leurs priorités et comment affecter des ressources (financières et humaines) en conséquence. Le VIH, la TB et le paludisme sont des
priorités mais ne sont pas les seules.

A titre personnel, je pense que dans chaque pays il y a des dirigeants politiques qui doivent prendre leurs responsabilités. C'est eux et leurs politiques qu'il faut évaluer et qui sont comptables des résultats en matière de santé devant leurs populations. Les agences internationales n'ont pas d'obligation de résultat vis à vis des peuples, les dirigeants politiques si. Souveraineté et sanction des dirigeants devant leurs résultats sont des principes de base de la démocratie. Avant de passer aux OMD v2, il faudrait lister tous les responsables et entités qui n'ont pas respecté leurs engagements; sinon nous sommes dans une fuite en avant et rien ne dit non plus que les résultats en progrès obtenus ont été le fait de la fixation d'OMD. On ne le dit pas ouvertement, mais les dirigeants qui ont vraie volonté d'amélioration forte des résultats de santé sont connus, de même que ceux qui depuis des années sous-investissent volontairement
dans la santé et ont des résultats très médiocres. C'est là dessus que doit se faire le benchmark, il faut créer de la compétition entre dirigeants, mettre en avant les meilleurs et se poser de sérieuses questions sur les moins performants.

Dans une entreprise, lorsque des objectifs ont été définis et ne sont pas atteints, la logique est que les dirigeants soient changés. Pour les OMD, il faudrait savoir qui s'engage nominativement et en contrepartie de non atteinte des objectifs, en tirer toutes les conséquences. Je ne suis pas d'accord avec l'expression "tel pays n'atteindra pas les OMD", il serait préférable de dire "les politiques menées par tel dirigeant ne permettront pas à tel pays d'atteindre les OMD fixés". Une organisation ne réussit pas parce qu'elle a une bonne stratégie formelle, mais parce qu'elle a avant tout de bons dirigeants qui savent développer de bonnes stratégies adaptées à leur environnement.

Un système d'objectifs sans fixation de responsabilités individuelles et de sanctions appliquées est contre productif. Pour les critères de Maastricht, des sanctions étaient prévues pour les pays qui ne respectaient pas le pacte de stabilité, la plupart des pays ont délibérément choisi d'outre-passer les avertissements (y compris la France et l'Allemagne) sans sanction, on connait la suite.

En conclusion, je vois le système des OMD comme un outil de tracking de certains indicateurs (qui sont intéressants, mais ne sont pas les seuls) ; mais ce n'est pas un système d'objectifs-responsabilités puisqu'il n'y a pas d'obligation à tenir les promesses et des sanctions ne sont pas prévues. L'effet positif est peut être de mettre en avant certains indicateurs critiques, l'effet négatif de ne pas mettre en avant que c'est la volonté politique qui est dans tous les cas de figure motrice ni de couvrir toutes les priorités qui sont différenciées selon les pays.

Un site qui pourrait être intéressant si toutes les données par pays étaient disponibles (tout en sachant que les moyens sont une chose, l'efficacité stratégique et organisationnelle une autre) :
http://www.governmentspendingwatch.org/

C'était quelques réflexions pour discussion.

Merci et bonne journée,
Bertrand Livinec