[e-med] (3)GSK, l'accès aux médicaments: le bon, le mauvais, et l'illusoire

Déclaration de Mme Michelle Childs,
Directrice de la politique de témoignage de la Campagne pour l’accès aux
médicaments essentiels, Médecins Sans Frontières
en réponse à l’allocution de M. Andrew Witty, PDG, GlaxoSmithKline (GSK) à
la faculté de médecine de Harvard

Genève, le 16 février 2009

Un premier pas apprécié – mais le VIH aussi est une maladie négligée

Médecins Sans Frontières se réjouit de voir M. Witty reconnaître que les
brevets constituent un obstacle à la recherche et au développement et que
les communautés de brevets offrent de nouveaux moyens de stimuler la
recherche sur les maladies négligées. Il est temps à présent de passer des
promesses aux actes. Il faut préciser les conditions des licences rattachées
à la communauté de brevets, car elles seront cruciales. Il faut également
trouver des sources de fonds pour mettre au point les produits éventuels qui
résulteront de cette recherche.

MSF appelle toutes les autres sociétés pharmaceutiques à lever les obstacles
liés aux brevets, à divulguer leurs composés moléculaires et leurs procédés
afin de faciliter la mise au point de traitements pour les maladies
négligées et à mettre leurs banques de composés à la disposition des
chercheurs.

GSK doit cependant élargir cette démarche au VIH, car c’est aussi une
maladie négligée.
M. Witty affirme que les communautés de brevets ont pour vocation de
s’occuper des maladies pour lesquelles on manque désespérément de
traitements et qu’il y a assez d’innovation ciblant le VIH.

Il a tort. En ce qui a trait au traitement du VIH/sida, l’écart est énorme
entre les besoins et la réalité. Une communauté de brevets peut contribuer à
le combler et encourager l’innovation dans des domaines où elle est absente
aujourd’hui.

§ Il nous faut de nouvelles combinaisons à dose unique : nous avons
absolument besoin de nouvelles combinaisons à dose unique associant
plusieurs composés dans un seul comprimé, surtout en ce qui concerne les
nouveaux médicaments. Mais à l’heure actuelle, les brevets sur les
composants individuels peuvent entraver la mise au point de combinaisons à
dose unique.

§ Il nous faut de nouvelles formulations pédiatriques et des études
pédiatriques accélérées. Comme 90 % des enfants séropositifs se trouvent en
Afrique subsaharienne, les études et les formulations pédiatriques ne sont
pas prioritaires pour les laboratoires pharmaceutiques : sur les 22
antirétroviraux approuvés par la Food and Drug Administration des
États-Unis, huit ne le sont pas pour une utilisation chez les enfants et
neuf ne sont pas offerts en formulation pédiatrique. De plus, les
médicaments pédiatriques existants ne sont pas adaptés aux contextes où les
ressources sont limitées (par exemple, ils nécessitent une réfrigération, ou
un accès à de l’eau potable ou encore ils sont difficiles à administrer aux
doses recommandées). Les fabricants de médicaments génériques se disent
prêts à mettre au point des médicaments contre le sida sous forme de
comprimés, mieux adaptés aux enfants. Mais, encore une fois, les obstacles
liés aux brevets les empêchent actuellement de le faire, surtout en ce qui
concerne les nouveaux médicaments.

Sans accès, l’innovation est vide de sens.
La recherche seule ne suffira pas à assurer aux populations des pays pauvres
l’accès à de nouveaux traitements. Pour que ces gens puissent bénéficier des
fruits de l’innovation, les produits qui en résultent doivent être
abordables. Pourtant, comme d’autres organismes offrant un traitement contre
le VIH/sida dans les pays en développement, MSF continue de se heurter au
problème du coût élevé des antirétroviraux.

M. Witty préconise d’offrir des réductions d’au moins 75 % sur le prix des
médicaments. Bien que toute baisse des prix soit la bienvenue, c’est loin
d’être une panacée. L’expérience a montré que la concurrence entre plusieurs
fabricants de produits génériques était un moyen infaillible de faire
baisser les prix – de 95 % à 98 % depuis 2000 pour la première génération
d’antirétroviraux.

Les limites des réductions consenties par les entreprises sont
particulièrement évidentes lorsqu’elles sont réservées uniquement aux pays
les moins développés sans être offertes aux pays aux revenus intermédiaires
– comme la Chine, où faute de concurrence GSK demande plus de 3 000 $ pour
l’antirétroviral lamivudine. Citons aussi la Thaïlande, où Abbott a refusé
d’abaisser le prix du lopinavir/ritonavir thermostable et où il a fallu que
le pays délivre une licence obligatoire pour que le prix tombe de près de 3
000 $ à environ 500 $ aujourd’hui.

MSF s’inquiète donc de constater que M. Witty semble vouloir écarter les
pays à revenu intermédiaire, en ne leur offrant guère qu’une vague promesse
de souplesse en matière de prix.

Une nouvelle crise des prix des médicaments antisida se prépare.
À mesure que de plus en plus de nouveaux médicaments sont brevetés dans les
principaux pays producteurs de génériques, la concurrence ne jouera plus son
rôle de catalyseur pour faire baisser les prix comme dans le passé récent.

Le VIH/sida est une maladie qui nécessite un traitement à vie, et les
personnes qui souffrent d’effets secondaires ou qui acquièrent une
pharmacorésistance doivent avoir accès à des médicaments plus puissants et
moins toxiques.

Le régime amélioré que recommande l’OMS pour le traitement de première ligne
contre le sida coûte, au mieux, entre 613 $ et 1 033 $ si l’on utilise des
produits d’origine, soit sept à douze fois plus que les anciens traitements
de première ligne – qui, grâce aux effets de la concurrence des génériques,
sont maintenant offerts à 87 $ par an et par patient. Les traitements de
deuxième ligne reviennent quant à eux jusqu’à 17 fois plus cher, au mieux,
dans les pays qui n’ont pas accès à des versions génériques en raison de la
protection des brevets.

Il faut donc mettre en place de nouveaux moyens de rendre les médicaments
abordables. La meilleure manière de le faire est d’accroître la concurrence.
Pour y parvenir, certains pays recourent à des licences obligatoires, en
suivant l’exemple de la Thaïlande. Une autre solution, qui ne nécessite ni
confrontation ni action en justice, consiste à mettre en commun des brevets,
comme l’a récemment proposé la facilité pour l’achat de médicaments appelée
UNITAID, en vue de créer une communauté de brevets pour mettre des
médicaments antisida à la disposition de pays à revenu faible ou
intermédiaire.

MSF invite GSK à collaborer avec UNITAID et à rendre la propriété
intellectuelle pertinente disponible au moyen d’une communauté volontaire de
brevets pour les médicaments antisida.

Pour toute information médiatique, communiquez avec Guillaume Bonnet,
attaché de presse MSF, au +41 79 203 13 02