A propos de la circoncision
De quelle circoncision parle-t-on ?
De l'aseptique pratiquée dans de bonne conditions, de celles plus
traditionnelles qui peuvent intégrer des "pactes de sang ?"
J'ai travaillé en 2005 en Angola, dans la région des hauts plateaux du
centre, sur un programme de prévention des IST dont l'infection à VIH.
Dans certaines communautés, il est pratiqué une circoncision de
groupe, par classe d'age. Elle est pratiquée sur des garçons du même
age, ayant entre 11 à 13 ans.
Dans le village, c'est le tradipraticien encore appelé "Pailhaçao" qui
la pratique au cours d'une cérémonie.
Les garçons d'une même classe d'age sont réunis, et circoncis à l'aide
d'une lame unique, afin de réaliser un pacte de sang, en "transmettant
du sang d'un garçon à l'autre". Cette transmission sanguine symbolise
dans la communauté les frères de sang ; elle est un lien social
important de cohésion et de fraternité, dans cette zone qui a tant
souffert et qui souffre encore tant des séquelles laissées par le
conflit armé, les mines, les déplacements de population et la
pauvreté. Dans ce cas précis, on ne peut pas vraiment dire que la
circoncision soit un instrument contre la transmission du VIH !!!
Ma problématique a été de comment pouvoir réfléchir de cette
situation. La femme européenne que je suis, qui est professionnel de
santé, mais ni anthropologue, ni ethnologue, n'a pas la capacité
d'intervenir seule de manière sensée. Je ne peux pas accepter de faire
de la violation ou de la contre culture.
Le "Pailhaçao" est un homme de la communauté qui agit toujours en
tenue traditionnelle. Son visage recouvert par un masque et son
identité ne sont pas connues. Seule des rumeurs courent, sur des noms.
Il ne doit traditionnellement pas se dévoiler, il ne m'était donc pas
possible de le rencontrer.
J'ai proposé par collègues angolais interposés de lui parler à visage
masqué, ou derrière une paroie, ou par des écrits transmis et lus par
des partenaires locaux. J'ai bien insisté sur le fait que mon désir de
communication ne portait pas sur la circoncision elle même, mais sur
les conditions de sa réalisation. La symbolique de la classe d'age et
du pacte de sang m'a été expliquée par les membres de la communauté et
le personnel de santé local. J'ai émis la possibilité de transmission
de maladies infectieuses par la lame commune, et ai demandé au
"Pailhaçao" de réfléchir sur la possibilité d'inventer une symbolique
de la transmission du sang entre garçon qui conserverait le pacte de
sang et la création frères de sang, en utilisant du matériel tranchant
unique, et jetable ou désinfectable.
Quand nous sommes revenus dans ce village situé à des heures de route
en voiture, le "Pailhaçao" m'a fait prévenir qu'il acceptait de me
rencontrer, ce qui est un grand signe de confiance et de respect.
Ma mission s'est achevée avant que je n'ai pu y retourner, mais mes
collègues et amis angolais largement au point sur le terrain médical
on continué ce travail de terrain plus anthropologique que médical
dans le fond. Le "Pailhaçao" a accepté l'éventualité d'utiliser des
lames uniques par garçons et de réfléchir sur la symbolique.
Quand je suis arrivée dans cette zone de l'Angola, il était plutot
question par les autorités locales d'interdire la circoncision, ce qui
partait d'une base biologique sensée, mais sous les conseils venat du
Nord.
Que se serait-il passé si l'interdiction de la circoncision dans ces
conditions avait été mise en place ? Probablement de la circoncision
clandestine, dans des conditions encore plus risquées, comme cela se
produit en général suite à une interdiction.
Les populations n'ont ni les moyens physiques ni économiques pour se
déplacer (routes minées, grandes distances)
A force de donner des ordres qui sont inadaptés et n'ont pas de sens,
les grandes institutions du Nord empirent parfois les situations déjà
tant critiques dans des zone Sud.
Les programmes des ONG ne sont pas accompagnés de professionnels des
coutumes et cultures qui permettent d'agir dans le respect. Elles
feraient bien de réfléchir sur l'inclusion des Sciences Humaines dans
leurs programmes et verraient sans doute mieux ainsi leurs abbérations
voire leurs échecs. Les personnes qui partent ne sont pas formées à
l'adaptation aux cultures, je ne sais pas ce qu'en pense mes confrères
des autres pays, mais en ce qui me concerne j'en suis désolée.
Walele
Dr Sylvie Chiron (pharmacien-France)
[1]sylviechiron@hotmail.com