[e-med] (4)Destruction d'un container de faux médicaments, le president de l'ispharma donne le ton!

Les Congolais malades... des médicaments de la rue
http://www.panapress.com/newslat.asp?code=fre128893&dte=19/06/2006
Par Patrick Okamba
Correspondant de la PANA

         Brazzaville, Congo (PANA) - Près de 16% des malades reçus au
Centre hospitalo-universitaire de Brazzaville (CHU) sont victimes
des médicaments vendus dans la rue, a révélé à la PANA, vendredi,
le Dr Blaise Irénée Atipo, chef du service gastro-entérologie
dans ce plus grand établissement sanitaire du Congo.

Les médicaments de la rue, vendus à même le sol par des personnes
non habilitées dans l'ensemble du territoire congolais, font
actuellement l'objet d'une vaste campagne par les pharmaciens qui
ont vivement dénoncé la complicité des pouvoirs publics dans
cette situation lors du 7ème Forum international des pharmaciens
tenu début juin à Brazzaville.

Faisant état des résultats d'une enquête menée sur 90% des
patients, le Dr Atipo révèle que 60% d'entre eux ont fait de
l'automédication et que 85% des médicaments consommés sont vendus
dans la rue, ce qui a représenté 16% des cas d'hospitalisation en
2004.

Il a expliqué que les médicaments de la rue étant mal conservés
et parfois produits de la contrefaçon, ils portent des éléments
qui ne guérissent pas, mais qui détruisent la santé.

"Ces médicaments sont dominés par les IAN, responsables des
complications hémorragiques", a-t-il dit.

Néanmoins, le commerce des médicaments de la rue va bon train à
Brazzaville. Sur les étalages comme par terre, les pharmaciens de
la rue proposent les produits à tous ceux qui viennent les voir,
ordonnance médicale ou pas à la main. D'autres patients viennent
carrément expliquer aux pharmaciens de fortune ce dont ils
souffrent, et le commerçant, qui veut à tout prix gagner de
l'argent, propose le médicament.

Ces pharmacies sont installées dans les marchés, sur les
étalages. D'autre produits sont placés à l'entrée des
officines pharmaceutiques dans le but d'intercepter tout malade,
ou de récupérer tous ceux qui n'ont pu réunir la somme nécessaire
pour acheter le médicament en pharmacie.

D'autres encore sont des commerçants ambulants, faisant du porte-
à-porte pour vendre leurs médicaments aux malades, à domicile.

En juin 2005, l'Ordre national des pharmaciens du Congo avait
lancé une vaste campagne contre les médicaments de la rue mais
l'opération s'est avérée un véritable fiasco, les pharmaciens
dénonçant une complicité tous azimuts des pouvoirs publics.

Le docteur Hyacinthe Ingani, président de l'Ordre national des
pharmaciens, a affirmé qu'un conteneur de 40 pieds bourré de
médicaments a été arraisonné au mois de juin courant au large de
Pointe-Noire.

"Nous demandons aux pouvoirs publics de détruire sans conditions
et immédiatement ces médicaments", a affirmé le Dr Ingani.

Les circuits par lesquels les médicaments rentrent au
Congo-Brazzaville sont nombreux. Mais, les faussaires bénéficient
parfois de l'aide sournoise des services de Police.

"Il n'y a aucun système de contrôle des médicaments qui rentrent
par les frontières déjà trop poreuses de notre pays, et avec la
complicité de certains agents de Douane véreux", fustige de son
côté le Dr Boniface Okouya, président des Syndicats de
pharmaciens d'Afrique.

Les pharmaciens du Congo-Brazzaville estiment que cette
complicité se manifeste par le fait que les services de la mairie
de Brazzaville ou de Pointe-Noire déployés dans les marchés n'ont
jamais empêché ces vendeurs illégaux de médicaments d'exercer
leur activité.

"Au contraire, ils perçoivent des taxes liées à l'exercice de
cette activité, ce qui veut dire que l'Etat reconnaît et soutient
ces vendeurs", déclare ouvertement le Dr Ingani.

A cause de cette faiblesse des services aux frontières, certains
produits, dont la vente est formellement interdite dans le pays,
y entrent tranquillement. C'est le cas des produits Shalina, un
laboratoire indien, mais copiés dans un pays voisin.

Ces produits de contrefaçon avaient rempli le marché congolais,
faisant de nombreuses victimes.

Les populations estiment que faute d'argent, les médicaments de
la rue sont l'ultime solution pour faire face à certaines
maladies endémiques comme le paludisme, la grippe, la diarrhée et
la toux.

"A la pharmacie, les produits contre le paludisme coûtent les
yeux de la tête. Or dans la rue, on en trouve deux fois moins
cher et on peut même marchander", explique un patient.

Ce point de vue n'est naturellement pas partagé par les
pharmaciens, qui expliquent que la population n'a pas la bonne
information.

"Le médicament de la rue n'a jamais aidé et n'aidera jamais.
Celui qui le manipule n'en sait rien. Ces médicaments n'ont pas
d'effet actif, ils rendent au contraire malade", tranche le Dr
Okouya.

"Les gens ont des fausses informations. Il suffit d'aller en
pharmacie pour se rendre compte qu'un cachet d'aspirine coûte
moins cher que dans la rue, de même que les produits contre les
vers. A cela, il faut ajouter les conditions de conservation",
ajoute le Dr Ingani.

Le commerce des médicaments de la rue est devenu une source
d'enrichissement. Les jeunes diplômés sans emplois en ont fait
leur travail.

"Comme je n'avais rien à faire, j'ai suivi un ami qui vendait les
médicaments. Maintenant je peux m'en sortir avec des recettes de
10.000 à 30.000 francs CFA par jour, et parfois plus", explique
un vendeur du marché "Total" de Brazzaville.

Même les médecins, fonctionnaires de l'Etat, ont fait des
médicaments de la rue leur deuxième gagne-pain. Ils détournent
des stocks de médicaments pour les revendre à la cité, notamment
auprès des vendeurs de la rue.

Quand ils ne sont pas dans le commerce, les policiers et les
douaniers, eux, protègent le trafic illicite de ces médicaments
dans l'espoir de gagner de forts pourboires.

Brazzaville - 19/06/2006