[remerciements à CR pour la traduction.CB]
Beaucoup de médicaments pour les enfants des Etats-Unis sont testés dans les pays pauvres
lundi 23 août, 2010 7:24am EDT
NEW YORK (Reuters Health) - Une loi visant à accélérer le développement de
nouveaux médicaments pour les enfants s'est transformée en financement
d'études cliniques dans des pays pauvres, là où ces traitements n'iront
peut-être jamais..
Voilà la conclusion d'un nouveau rapport dont les auteurs disent que cette
situation pose des problèmes éthiques.
Plus du tiers des études publiées réalisées selon la législation de 1997
appelée la Clause d'exclusivité en pédiatrie (Pediatric Exclusivity
Provision) ont été conduites en partie dans des pays pauvres ou en
transition comme l'Inde et l'Ouganda, c'est ce qu'ont découvert les
chercheurs.
"Nous décrivons une tendance qui soulève des problèmes éthiques et
scientifiques" a déclaré le Dr. Sara K. Pasquali, une pédiatre à Duke
University Medical Center de Durham, en Caroline du nord, dont les
conclusions apparaissent dans le journal de pédiatrie (Pediatrics).
"Bien souvent, participer à une étude est la seule façon pour la famille
d'accéder aux soins" dit-elle des participants dans les pays en
développement. Une fois les études finies, il n'est pas certain que le
médicament sera commercialisé dans le pays en question, et si son prix sera
abordable.
Parmi les 174 études analysées par les chercheurs, les médicaments contre
les maladies infectieuses sont parmi ceux plutôt étudiés dans les pays en
développement, ils sont suivis de près par les produits de cardiologie, ceux
pour les allergies et ceux traitant des arthrites.
"On utilise maintenant les gens vulnérables des pays vulnérables comme
laboratoires de tests" a dit à Reuters le Dr. Marcia Angell, qui n'a pas
participé à ces recherches. "C'est une question de dollars et de centimes,
c'est tout".
"Angell ajoute que, chez les adultes ou les enfants, on ne devrait pas
étudier de médicaments dans les pays non développés à moins qu'il ne
s'agisse d'une maladie qui n'apparaît que là-bas. Angell enseigne la
médecine sociale à Harvard Medical School à Boston.
L'idée derrière la Clause d'exclusivité en pédiatrie est de sensibiliser au
développement de médicaments pour les enfants aux Etats Unis.
Parce que de nombreuses maladies n'apparaissent que rarement chez les
enfants, les études cliniques sont faites chez des adultes seulement, et
leurs résultats ne peuvent automatiquement s'appliquer aux enfants. La
clause pédiatrique accorde une prolongation de 6 mois de la durée du brevet
si le médicament a été étudié chez les enfants.
Pour l'instant, cette prolongation du brevet a rapporté environ 14
millions,s de dollars US net, selon la FDA (U.S. Food and Drug
Administration).
Dans le même temps, 197 médicaments ont été approuvés pour les enfants
depuis 1997, a déclaré Pasquali.
"Il faut bien sûr considérer les deux côtés du problème" a-t-elle dit au
sujet de la globalisation rapide des études cliniques, ajoutant que cela
facilite le recrutement des participants tout en en diminuant les coûts.
Selon l'association des labos U.S. (Pharmaceutical Research and
Manufacturers of America) il n'y a pas de différence dans la conduite des
études entre les U.S.A. et ailleurs.
"Tous nos labos suivent les principes de conduites des travaux cliniques,
quelque que soit le lieu où ils sont menés" a déclaré Mark Grayson, un porte
paroles de l'association.
Selon ces principes on doit obtenir le consentement éclairé des participants
aux études (ou de leurs parents pour les enfants), l'approbation par un
comité d'éthique indépendant, et on doit former les investigateurs locaux.
Mais le sens du mot "consentement éclairé" peut varier selon le contexte
culturel. Ainsi, en 2008, on a cherché à savoir ce que les femmes au Ghana
comprenaient des études auxquelles elles participaient.
Ces femmes prenaient soit de la vitamine A soit un placebo, et pourtant 90%
d'entre elles croyaient prendre le médicament efficace et actif.
M. Nabeel Ghayur, un pharmacologiste qui a travaillé sur le développement de
médicaments au Pakistan avant de rejoindre l'Université McMaster de
Hamilton, Ontario, Canada, a déclaré que les conditions sont les mêmes en
Inde et au Pakistan.
"En fait les gens ont une confiance aveugle dans leur médecin en Asie du
Sud-Est. Ils n'ont aucune idée de ce qu'est le développement d'un
médicament, ni des études cliniques" a-t-il dit à Reuters.
Il a ajouté qu'il y a peu de bureaucratie dans ces pays et que les gens
s'interrogent rarement sur les effets secondaires et les questions légales.
"Le recrutement des patients est facile, obtenir leur consentement éclairé
est facile, obtenir l'autorisation est facile, et payer le médecin et le
patient est facile" a dit Ghayur qui ajoute que médecins et investigateurs
n'ont aucune idée du sérieux de la situation.
Pour Pasquali, il faut amener les fabricants à des normes plus élevées. On
pourrait leur demander par exemple de décrire en quoi le médicament est
intéressant pour le pays où il sera étudié.
De plus on pourrait accroître la transparence en publiant tous les travaux
cliniques dans des journaux médicaux - ce qui ne se produit même pas la
moitié du temps pour les travaux conduit selon la Clause d'exclusivité en
pédiatrie. (Voir cette histoire dans Reuters Health du 2 août 2, 2010.)
"Les enfants sont une population vulnérable" a conclut Pasquali.