[e-med] Bresil: Un vaccin bresilien contre le SIDA va etre teste sur des singes

BE Bresil 147 du 1/10/2013
'Un vaccin bresilien contre le SIDA va etre teste sur des singes'
http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/74056.htm -
Redige par l'Ambassade de France au Bresil et est diffuse gratuitement par
l'ADIT -

Un vaccin brésilien contre le virus VIH, à l'origine du SIDA, va entrer
dans une phase de tests sur des singes avant la fin de l'année. Prévus
pendant 24 mois, les tests ont pour objectif de trouver la méthode
d'immunisation la plus efficace pour l'homme. Une fois cette phase
achevée, et à la condition d'obtenir les financements suffisants, les
premiers essais cliniques pourront commencer.

L'agent immunitaire appelé HIVBr18 a été développé et breveté par les
chercheurs de la faculté de médecine de l'Université de São Paulo (FMUSP)
Edecio Cunha Neto, Jorge Kalil et Simone Fonseca. Aujourd'hui, le projet
est mené dans le cadre de l'Institut de recherche en Immunologie, un des
instituts Nationaux de Sciences et Technologie (INCTs, cf précédents BE
Brésil), un programme du Ministère de la Science, Technologie et
Innovation, en collaboration avec la FAPESP (Fondation d'Appui pour la
Recherche de l'Etat de São Paulo).

Le programme a débuté en 2001 sous la direction de Cunha Neto. Avec la
collaboration de Kalil, le chercheur a analysé le système immunitaire d'un
groupe spécifique de porteurs du virus, qui maintiennent plus longtemps
sous contrôle le VIH et mettent plus de temps à tomber malade. Dans leur
sang a été mise en évidence une quantité de lymphocytes T de type CD4, la
cible principale du VIH, demeurant plus élevée que la normale.

Cunha Neto : "On savait déjà que les cellules TCD4 étaient responsables de
l'activation des lymphocytes T de type CD8, producteurs de toxines
éliminant les cellules infectées. Les TCD4 actionnent aussi les
lymphocytes B, producteurs d'anticorps. Mais des études plus récentes ont
montré qu'un type spécifique de lymphocytes TCD4 possédait également un
effet cytotoxique (propriété qu'a un agent biologique d'altérer des
cellules, éventuellement jusqu'à leur destruction) sur les cellules
infectées. En effet, les porteurs du VIH possédant ces lymphocytes
pouvaient maintenir sous contrôle le développement du virus lors de la
phase chronique de la maladie."

Les chercheurs ont donc isolé de petites parties de protéines dans les
régions les mieux conservées du VIH, celles qui restent stables dans
toutes les souches du virus. A l'aide d'un programme informatique, ils ont
sélectionné les peptides (polymères d'acides aminés) ayant le plus de
chance d'être reconnus par les lymphocytes TCD4. Les 18 peptides choisis
ont été recréés en laboratoire et codifiés dans un plasmide (un plasmide
désigne en microbiologie ou en biologie moléculaire une molécule d'ADN
surnuméraire distincte de l'ADN chromosomique, capable de réplication
autonome et non essentielle à la survie de la cellule).

Les tests in vitro effectués sur 32 échantillons de sang de porteurs du
VIH, présentant des caractéristiques génétiques et immunologiques assez
variées, ont montré que dans 90% des cas au moins un peptide a été reconnu
par les cellules TCD4. Dans 40% des cas, plus de cinq peptides ont été
identifiés. Ces résultats ont été publiés en 2006 dans la revue Aids [1].

Lors d'une autre expérience, publiée en 2010 dans PloSOne [2] et menée en
collaboration avec Daniela Rosa de l'Université Fédérale de São Paulo et
Susan Ribeiro de la FMUSP, les peptides ont été administrés à des souris
génétiquement modifiées dans le but de reproduire les molécules du système
immunitaire humain. 16 des 18 peptides ont été reconnus et ont permis
l'activation autant des lymphocytes TCD4 que TCD8.

Cunha Neto : "Nous avons fait l'expérience avec quatre groupes de souris.
Chacun présentait une forme différente de la molécule HLA (sigle anglais
pour human leukocyte antigen ; les antigènes des leucocytes humains sont
des molécules à la surface des cellules qui permettent l'identification
par le système immunitaire), molécule directement impliquée dans la
reconnaissance du virus par le système immunitaire."

Le groupe de recherche a donc développé une nouvelle version du vaccin,
comprenant des éléments préservés de tous les sous-types de VIH présents
au sein du groupe de porteurs principal, appelé groupe M ; groupe s'étant
montré à même de provoquer une réponse immunitaire contre les éléments de
tous les sous-types testés jusqu'à présent. Ce travail a été réalisé dans
le cadre de la thèse de Rafael Ribeiro.

Cunha Neto : "Les résultats suggérent qu'un vaccin unique pourrait être
utilisé dans divers endroits du monde, dans lesquels différents sous-types
de VIH prévalent."

Lors du test le plus récent, réalisé sur des souris mais à ce jour non
publié, les chercheurs ont évalué la capacité de ce nouveau vaccin à
réduire la charge virale dans l'organisme. "Normalement, le VIH n'infecte
pas les souris, nous avons donc inoculé le virus Vaccinia, qui s'apparente
au virus responsable de la variole, et nous y avons introduit des
antigènes du VIH." raconte Cunha Neto.

Chez les animaux immunisés avec le vaccin, la quantité de virus modifié
était 50 fois inférieure à celle retrouvée au sein du groupe de contrôle.
Maintenant, sont menées des expériences afin de découvrir si la
destruction du virus provient bien de l'activation des cellules TCD4
cytotoxiques.

Cunha Neto explique : "Nous allons immuniser une souris et lui inoculer le
virus modifié. Ensuite, nous séparerons les lymphocytes produits et
injecterons dans un second cobaye uniquement les cellules TCD4. Un
troisième animal recevra lui seulement les cellules TCD8. Ces deux cobayes
ayant reçu les lymphocytes seront infectés et un troisième recevra un
placebo, ce qui nous permettra de juger quel organisme combat de la
meilleure façon le virus." Les scientifiques estiment que, à ce stade de
développement, le vaccin n'est pas capable d'éliminer complètement le
virus de l'organisme, mais il pourrait maintenir la charge virale à un
niveau suffisament faible pour que la personne infectée ne développe pas
d'immunodéficience ni ne puisse le transmettre.

D'après Cunha Neto, l'agent immunitaire HIVBr18 pourrait aussi être
utilisé pour renforcer d'autres vaccins contre le SIDA et en augmenter
l'effet, tel que celui développé par le groupe de l'immunologiste Michel
Nussenzweig, de l'Université Rockefeller, New York, à l'aide d'une
protéine du VIH appelée gp140 (Vaccin DNA) [3]. "Lors d'une expérience
conduite par la chercheuse Daniela Rosa, nous avons observé qu'une
pré-immunisation avec le HIVBr18 améliore la réponse au vaccin produit à
partir de la protéine gp140 du VIH, responsable de l'entrée du virus dans
les cellules. Un vaccin capable de provoquer la production d'anticorps
contre cette protéine pourrait empêcher l'infection par le VIH", note
Cunha Neto.

La dernière étape du test pré-clinique sera effectuée sur une colonie de
singes Rhesus de l'Institut Butantan, lors d'une collaboration avec les
chercheuses Susan Ribeiro, Elizabeth Valentini et Vania Mattaraia.
L'avantage de faire ces tests sur des primates réside dans la grande
similitude entre leur système immunitaire et le notre et dans leur
sensibilité au virus VIS (virus d'immunodéficience simienne), qui a donné
naissance au VIH. "Notre objectif est de tester plusieurs méthodes
d'immunisation afin de sélectionner celle capable d'induire la réponse
immutaire la plus forte pour la tester sur des humains. En plus du vaccin
initialement mis au point (vaccin DNA), nous allons également introduire
nos peptides dans d'autres vaccins, tel celui contre l'adenovirus du
chimpanzé ou celui contre la fièvre jaune et sélectionner la meilleure
combinaison de vecteurs.", explique Cunha Neto. Des résultats montrent,
par exemple, que le vaccin à base d'adenovirus recombiné avec les 18
fragments de VIH, induit chez les souris une réponse immunitaire d'une
plus grande magnitude que lors d'une vaccination avec le vaccin DNA.

Selon Cunha Neto, l'objectif est de vérifier non seulement quelle est la
formule qui active le plus les lymphocytes TCD4 mais également celle qui
aide le plus la réponse des lymphocytes TCD8 et la production d'anticorps
contre la protéine gp140 (protéine de l'enveloppe du virus). Les essais
cliniques de phase 1 devront s'effectuer sur une population en bonne santé
et présentant un faible risque de contracter le VIH, qui sera suivie de
près pendant plusieurs années. Lors de cette première étape, en plus
d'évaluer la sûreté de l'agent immunisant, l'objectif sera de mesurer
l'ampleur de la réponse immunitaire induite et le temps pendant lequel les
anticorps seront présents dans l'organisme.

Si le HIVBr18 passe avec succès cette première phase, il devrait susciter
un intérêt commercial. Les scientifiques espèrent pouvoir attirer des
investisseurs privés leur permettant d'atteindre la troisième phase des
tests cliniques, le coût étant estimé à 250 millions de réaux (environ 90
millions d'euros). Jusqu'à présent, près d'1 million de réaux ont été
investis par des financements de la FAPESP et du gouvernement fédéral
brésilien.

Sources :
- http://agencia.fapesp.br/17655
- http://redirectix.bulletins-electroniques.com/g2Nh5
Rédacteurs :
Loïc Le Gat, Chargé de Coopération Scientifique et Universitaire -
Institut Français du Brésil