Dextropropoxyphène + paracétamol : toujours là... malgré les risques
http://www.prescrire.org/aLaUne/dossierVigDextropropoxyphene.php
Rev Prescrire 2007 ; 27 (287) : 735
En 2007, la Commission française de la transparence a examiné la demande de
renouvellement de l'inscription sur la liste des spécialités pharmaceutiques
remboursables par la Sécurité sociale de l'association dextropropoxyphène +
paracétamol (Di-Antalvic° ou autre) (1). Elle a considéré que cette
association d'antalgiques apporte un service médical rendu (SMR) "important"
(à noter que la firme « n'a fourni aucune nouvelle donnée » et que la
Commission s'est basée sur un texte datant de 2002, de l'Agence nationale
pour l'accréditation et l'évaluation en santé (intégrée depuis dans la Haute
autorité de santé)) ; et elle a rendu un avis favorable au maintien de son
remboursement à 65 %.
L'avis de la Commission repose sur une argumentation bien légère : « On ne
dispose pas d'étude ayant comparé l'effet antalgique de l'association
paracétamol + dextropropoxyphène à celui du paracétamol seul » ; et se veut
rassurant : « Suite à une décision de retrait de cette association en Suède
et au Royaume-Uni, l'Afssaps a rappelé que l'association paracétamol +
dextropropoxyphène n'expose pas à un risque de surdosage et donc
d'intoxication grave dans les conditions normales d'utilisation. Aucun
risque pour la santé publique comparable à celui observé au Royaume-Uni et
en Suède n'a été identifié en France » (1).
Ainsi, la Commission se place très clairement au service des firmes : elle
dit manquer de comparaison dextropropoxyphène + paracétamol versus
paracétamol et conclut à l'intérêt de l'association ! Et elle conclut comme
si ces risques de surdosages n'existaient pas en France !
Le dextropropoxyphène, un opiacé apparenté à la méthadone, commercialisé
depuis plus de 40 ans en France, expose les patients à des risques de
dépression respiratoire, de perturbation de la conduction cardiaque, voire
de décès, notamment en cas d'insuffisance rénale et chez les patients âgés
(2,3). L'association paracétamol + dextropropoxyphène a une balance
bénéfices-risques défavorable sans avantage démontré sur le paracétamol non
associé (2).
Malgré ces risques, cette association d'antalgiques est toujours très
prescrite en France. Selon l'étude Medic'Am de la Caisse nationale
d'Assurance maladie (CNAM) sur les médicaments prescrits aux assurés de ce
régime général, l'association dextropropoxyphène + paracétamol a été au 2e
rang des médicaments les plus prescrits en 2006 avec environ 48 millions de
boîtes prescrites (princeps et copies réunies), derrière le paracétamol
(environ 192 millions de boîtes) (4). L'association dextropropoxyphène +
paracétamol + caféine (Propofan° ou autre) arrive au 10e rang avec environ
16 millions de boîtes prescrites (4).
D'autres pays (Angleterre, Pays de Galles, Suède et Suisse notamment) ont
décidé de retirer du marché l'association dextropropoxyphène + paracétamol
(2). Les autorités françaises devraient suivre leur exemple : il n'y a
aucune raison d'exposer les patients aux risques liés à une association qui
n'apporte aucun progrès thérapeutique sur les antalgiques déjà existants,
paracétamol et codéine en particulier.
©La revue Prescrire 15 octobre 2007
Rev Prescrire 2007 ; 27 (287) : 735.