[e-med] (2)Point d'information sur l'association paracétamol et dextropropoxyphène

[Modérateur: Le 15 février 2005, nous vous faisions part d'un communiqué de
l'Afssaps (archive de e-med
http://www.essentialdrugs.org/emed/archive/200502/msg00050.php suite du débat... CB]

Les antidouleurs mis à mal
Le Royaume-Uni a banni les produits de type Di-antalvic. Les praticiens
français les prescrivent, mais nombre d'entre eux s'en méfient.
Par Sandrine CABUT
samedi 12 mars 2005 (Liberation - 06:00)
http://www.liberation.fr/page.php?Article=281952&AG

es Français les adorent. Ils en consomment des millions de boîtes tous les
ans pour soulager leurs douleurs. Mais outre-Manche, les équivalents des
Di-antalvic, Propofan et leurs génériques (1) sont désormais indésirables.
Il y a quelques semaines, l'agence britannique du médicament a décidé de
retirer du marché tous les antalgiques à base de co-proxamol ­ association
de paracétamol et de dextropropoxyphène ­. Une décision radicale qui relance
le débat sur leur rapport bénéfices-risques.

En Grande-Bretagne, 300 à 400 décès sont déplorés chaque année par
surdosage, intentionnel ou non, avec du co-proxamol, selon l'agence du
médicament. En 2003, une étude du British Medical Journal avait déjà conclu
que ces produits étaient impliqués dans 5 % des suicides et 20 % des
suicides médicamenteux, et qu'ils étaient particulièrement prisés des jeunes
suicidants, en association avec de l'alcool. Un constat d'autant plus
inquiétant que comme lors d'overdoses non volontaires, le décès peut
survenir avec un surdosage relativement modeste. Après analyse du dossier,
complété par des études plus récentes, l'agence britannique a estimé que la
balance bénéfices-risques du co-proxamol était «défavorable», d'autant qu'il
n'est pas prouvé que l'association soit plus efficace que le paracétamol
seul. Le retrait se fera sur six mois, pour laisser aux patients le temps de
s'organiser.

Génériques. En France, le Di-antalvic et ses génériques sont prescrits sur
ordonnance pour les douleurs résistantes aux antalgiques de niveau I (type
aspirine, paracétamol). Ils appartiennent au deuxième des trois paliers de
la classification de l'Organisation mondiale de la santé, comme les
associations à base de codéïne. Déjà anciens, ces produits caracolent
toujours en tête des médicaments les plus vendus en volume. En 2003, le
Di-antalvic occupait à lui seul la quatrième place, selon l'assurance
maladie : plus de 15 millions de boîtes. Le Propofan, molécule proche
commercialisée par la même firme, Aventis, est lui au 7e rang (14 millions
de boîtes). Un marché énorme, sans compter les génériques, une trentaine en
tout, qui montent en puissance. Une aberration, selon Jean-Louis Montastruc,
chef du service de pharmacologie clinique au CHU de Toulouse. «L'association
dextropropoxyphène-paracétamol est illogique et dangereuse», estime-t-il.
D'abord, les deux molécules ne s'éliminent pas du tout à la même vitesse
dans l'organisme, d'où un risque d'accumulation du dextropropoxyphène, qui
est un opiacé. «De plus, continue-t-il, même en dehors des surdosages, il
existe de nombreux effets indésirables. On constate des problèmes de
dépendance, surtout chez les personnes âgées, et des atteintes du foie. Une
enquête que nous avons menée à Toulouse montre que le dextropropoxyphène est
à l'origine d'un tiers des céphalées médicamenteuses.» Sa conclusion : il
faut préférer au Di-antalvic et consorts les associations à base de codéine,
«mieux évaluées et plus sûres». Une logique qu'il va imposer dans son CHU
toulousain, où le dextropropoxyphène n'aura plus droit de cité à partir de
juin 2005.

Jean-Paul Giroud, professeur de pharmacologie, est sur la même ligne. Le
coauteur du Guide de tous les médicaments insiste sur les risques
d'hépatite, «probablement sous-évalués en France», et les nombreuses
interactions du dextropropoxyphène. Dans la dernière édition de son ouvrage,
le pharmacologue avait pourtant donné au Di-antalvic la même note
d'excellence qu'aux associations codéinées : 18/20. «A refaire, je mettrais
au maximum 14», admet-il.
Dosage. D'autres praticiens sont moins sévères. «Le dextropropoxyphène a sa
place dans l'arsenal thérapeutique, tout comme la codéine, qui n'est
d'ailleurs pas toujours si bien supportée, clame l'anesthésiste Jean-Pierre
Tarot, qui rappelle que tous les patients ne réagissent pas aux mêmes
médicaments. «Certes, le dosage actuellement commercialisé du Di-antalvic
n'est pas adapté, poursuit Jean Pierre Tarot, mais avec de bonnes règles de
prescription ­ toujours deux gélules à la fois, pas plus de trois fois par
jour ­, il n'y a pas de problème.»

A l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps),
on ne semble pas plus inquiet. «Les Britanniques ont pris leur décision à
cause des surdosages, notamment volontaires, mais en France, le contexte est
très différent, assure Carmen Kreft-Jaïs. Ainsi, en huit ans, un centre
antipoison que nous avons interrogé a eu 14 décès par surdosage avec ces
médicaments, c'est peu.» Suite à la décision britannique, l'Afssaps a
néanmoins lancé une analyse nationale des données des centres antipoison.
Résultats dans quelques semaines.

(1) Au total une trentaine de spécialités ; liste sur
http://afssaps.sante.fr