Lutte contre la vente illicite des médicaments : erreurs a éviter
Lors des premières journées pharmaceutiques(du 09 au 11 décembre 2005) de lordre national des Pharmaciens du Cameroun auxquelles jai participé sur invitation du Président de lordre et de quelques confrères pharmaciens, une idée avait été lancée durant le débat selon laquelle un projet serait financé par la banque mondiale dans le but dencadrer les vendeurs illicites des médicaments (médicaments de gazon). Jai donné mon point de vue à certains en disant quà Kinshasa, Ndelo et collaborateurs (Professeur NDELO est titulaire du cours de toxicologie générale, expérimentale et clinique aux Facultés de Kinshasa, Lubumbashi, Mbuji-Mayi et Kisantu) ont encadré les vendeurs illicites. Ils ont eu comme résultat laggravation du phénomène car ces gens se sont appelés carrément des pharmaciens et en conséquence se permettaient tout.
Une deuxième erreur fut ce projet piloté par le Pharmacien MBUYU MUTEBA, directeur du Programme national de lutte contre les Toxicomanies au ministère de la santé de la RDC(des Toxicologues, qui savent mieux le danger des médicaments). Ce projet devrait racheter les médicaments vendus dans la rue et re-orienter les vendeurs à dautres occupations commerciales, à la vente dautres articles. Ces vendeurs ont passé la main à dautres , et ont continué à financer le marché illicite qui, par conséquent, sest amplifié. Aux confrères camerounais, jai posé cette question : avez-vous une étude fouillée et documentée qui montre la nuisibilité des médicaments de la rue et surtout des morts dhomme ? On sait que telle personne est morte à la suite dune prise dun de ces médicaments ; nest-ce pas un accident ? Avez-vous ?, avons-nous, de manière suivie et systématique, par des recherches au laboratoire, constaté le danger et la nuisibilité de ces médicaments ?
Au Mali, à Bamako, lors du Forum pharmaceutique du mois de juin 2005, je vous présenterai nos résultats dune enquête menée auprès des familles endeuillées dune part et dans les dossiers médicaux dautres part où jai recherché combien de fois les médicaments sont incriminés. Dans aucun deuil jai vu le médicament être incriminé. Quand un médicament ne marche pas, on ne change pas le lieu dachat, on ne recherche pas le conseil du spécialiste mais on change carrément de molécule, souvent sur le conseil de son médecin personnel.
Jai aimé la discussion des pharmaciens camerounais qui ont fini par constaté que les bonnes spécialités (les mêmes que nous avons dans les officines) sont souvent détenus par ces vendeurs illicites, et que parfois les pharmaciens eux-mêmes allaient acheter (en urgence bien sûr, et je le souligne comme ils lont également souligné) des médicaments de la rue. Kinshasa connaît bien ce phénomène, ZAPAIN, un générique de Nimesulide avait connu une sérieuse rupture de stock chez limportateur et les grossistes, le marché illicite était le seul à le fournir à tous.
Notre étude révèle quil ny a pas de corrélation entre létat de pauvreté ou encore le niveau dinstruction et le fait dacheter des médicaments de la rue. Jexplore dautres facteurs (nous les discuterons à BAMAKO) comme les deux que je viens de citer ci-haut ou encore linfluence du Médecin personnel. Un professeur de la faculté de Pharmacie (je ne doute pas quil soit instruit ou capable dacheter chez un pharmacien) cherchait le Diprosalic chez le pharmacien de la pharmacie basée à lUniversité de Kinshasa
et comme il ne la pas trouvé, il sest adressé à ceux qui pouvaient le lui donner : les vendeurs illicites. Je termine en disant que la dernière erreur à éviter est celle de faire cette lutte sans un vrai plan de combat (plan annuel, plan triennal, plan quinquennal) bien élaboré, soutenu et même testé. LUnesco lutte contre la vente illicite des biens culturels, elle a des plans et des moyens et est soutenue par ceux qui ont le pouvoir, certains gouvernements luttent contre la vente illicite des hydrocarbures(nous connaissons les chiffres des morts dhommes), ils ont plans et moyens. Dans ces 2 cas, il y a également le soutien dune partie de la population. Notre lutte contre la vente illicite des médicaments na pas de vrai plan (jai été à DAKAR, à COTONOU, à YAOUNDE, et je suis maintenant à Kinshasa) ni des moyens conséquents. Et je crains que , sans le soutien du politique et des populations, cela devienne un folklore.
Ermus MUSAMA
Pharmacien
KINSHASA
Remerciements à Monsieur NGNINGAHA Augustin, de nationalité camerounaise, (Etudiant) Pharmacien stagiaire en dernière année, Faculté de Pharmacie à Université de Kinshasa, pour sa participation aux enquêtes.